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Tragédie d’une femme, bêtise humaine

Après l’immense succès de La Graine et le Mulet (2007), Abdellatif Kechiche revient avec un film historique.

Gracieuseté de MK2 distribution

Le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche présente Vénus noire, avec l’actrice cubaine Yahima Torres. Ce film d’époque dresse le portrait de la célèbre Saartje Baartman, véritable bête de foire du XIXe siècle. Esclave, elle fut emmenée en Europe par l’afrikaner Hendrick Caezar (Andre Jacobs) qui exploita sa morphologie hors du commun. La particularité du corps de cette femme, issue de la tribu Khoikhoi d’Afrique du Sud, représentait une véritable veine d’or. En effet, son fessier très développé attirait des hordes de spectateurs.

Gracieuseté de MK2 distribution

L’histoire commence à Londres au début des années 1800. Tout est sombre et sale. On sent dès la première scène un poids insupportable encombrer le spectateur. Le premier contact avec la Vénus noire se fait dans une cage, avant qu’elle n’entre en scène. Elle devait incarner devant des foules immenses le stéréotype de la femme sauvage d’Afrique. Avec les instructions de son maître, elle exécutait des danses langoureuses, elle attaquait les spectateurs, mais le plus troublant est qu’elle devait se laisser toucher le corps, histoire d’authentifier son fessier disproportionné.

On regrette les images violentes de spectateurs londoniens soûls et avides de chair sauvage. On remarque d’ores et déjà l’agacement de Saartjie, qui n’apprécie pas la violence des gestes des spectateurs à son égard. Elle proteste, mais paradoxalement, elle semble sombrer dans un mutisme inexplicable. Après Londres, la troupe se rend à Paris, où l’accueil réservé à la Vénus noire est monumental. Elle fait fureur dans les soirées huppées des beaux quartiers, jusqu’au jour où son intégrité est subitement bafouée. Alors, sa nonchalance se transforme en une virulente protestation qui la mène dans les abysses de la prostitution.

Abdellatif Kechiche a su raconter une histoire qui semble simple et manichéenne, mais qui, en fait, explore la personnalité compliquée de Saartje en laissant planer un doute quant à ses réelles ambitions. On y découvre les multiples facettes de cette femme dont les organes génitaux ont fini au Musée de l’Homme à Paris. Il faut souligner l’immense travail de Yahima Torres, découverte par Kechiche dans un quartier parisien. Les scènes d’extrême nudité sont si poignantes qu’on ne peut passer outre le travail d’actrice de Torres. Son jeu est impeccable et crédible, et elle a su rendre à la Vénus hottentote son humanité. Kechiche a mis l’accent sur la perversité des personnages entourant Sarah Baartman, qui a succombé à une vie de débauche et de violence. On peut reprocher à la réalisation les longueurs de la première partie du film, qui cassent le rythme du départ, mais qui sont vite éclipsées dans la deuxième partie, où l’on s’attache naturellement à Saartje.

La conclusion du film fait la lumière sur l’étrange destin de la Vénus hottentote. Un court extrait documentaire a souligné le retour de la dépouille de Saartje Baartman en Afrique du Sud, où elle a pu recevoir une sépulture digne.


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