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La monarchie, constitutionnellement nôtre

Loin d’être anachronique et de souhaiter l’imposition du pouvoir absolu de la Reine d’Angleterre sur le Canada, la Ligue monarchiste du Canada cherche à informer les Canadiens de leur héritage constitutionnel.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Pour de nombreux Canadiens, la nature du régime politique sous lequel ils vivent importe peu, du moment qu’il est démocratique. Or, nous vivons dans une monarchie constitutionnelle, et trop peu de gens (25% selon un sondage Ipsos Reid réalisé en 2008) savent que le chef de l’État n’est pas le Premier ministre, mais plutôt la reine d’Angleterre, dont le représentant au Canada est le gouverneur général. Confrontée à cette réalité, la Ligue monarchiste du Canada s’est donc donné comme mandat de remédier à la situation en éduquant les Canadiens et les Canadiennes. En prévision de ce numéro spécial Royauté, Le Délit (LD) s’est entretenu par courriel avec le Major Léo J. Regimbal (LJR). Travaillant à temps plein au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa, c’est un passionné de la monarchie constitutionnelle, ce qui le mène ainsi à s’impliquer bénévolement depuis une quinzaine d’années au sein de la Ligue Monarchiste du Canada comme représentant médiatique de la filiale d’Ottawa.

Raphaël Thézé | Le Délit

Le Délit : La Ligue existe depuis 1970. Pourquoi aucune organisation de ce genre n’existait auparavant, et d’où provient ce désir de promouvoir la monarchie au Canada ?

Léo J. Regimbal : Il faut préciser que le Canada est une monarchie depuis sa découverte. Notre petit pays fut « découvert » et colonisé suite aux désirs des rois de France et d’Angleterre. Les guerres incessantes entre la France, l’Angleterre et l’Espagne ont vu un va-et-vient de règnes sur le continent américain au cours d’une période s’échelonnant sur plus de deux-cents ans jusqu’à la « conquête » de l’Amérique du Nord par la couronne britannique (qui n’était en fait qu’un accord commercial entre le roi Louis de France qui voulait les richesses perçues de Madagascar et d’autres terres lointaines et le roi George d’Angleterre qui voyait le potentiel du continent américain). Depuis ce temps, les Canadiens sont les sujets du Souverain britannique. (Les guillemets sont de l’auteur NDLR.)

À la fin des années soixante, le Canada émergeait de la génération fleur bleue du Peace and Love avec tous les bouleversements sociaux et la pensée. C’était les fondements de la pensée indépendantiste soi-disant « politique » avec les René Lévesque et compagnie. C’était la Crise d’Octobre ; c’était l’état de choc partout au Canada. Plusieurs événements (la formation du Ralliement indépendantiste national (RIN), les grands remous du Front de libération du Québec, les bombes dans les boîtes aux lettres, et celle qui a fait éclater la tête de la statue de la Reine Victoria à l’Université McGill) ont mené notre société à manquer de respect envers les institutions établies du Canada, et à remettre en question le rôle d’une monarchie constitutionnelle dans un État moderne.

Ainsi, John Aimers, un jeune québécois anglophone qui poursuivait des études en science politique et qui travaillait sur la colline parlementaire à Ottawa pendant ses vacances estivales, fut approché entre autres par le lieutenant-colonel Strome Galloway, un proche de John Diefenbaker. La venue de la Ligue monarchique du Canada se faisait donc dans une atmosphère pour le moins cahoteuse et vouée à plusieurs branle-bas politiques dans notre pays. De plus, plusieurs leaders canadiens de la fin des années soixante voulaient conserver le système politique stable qu’offrait la monarchie constitutionnelle et certains d’entre eux ont sollicité l’énergie et le savoir-faire d’Aimers et Galloway afin de rendre compréhensible les principes compliqués d’une monarchie constitutionnelle à la population canadienne par le biais d’une organisation qui éduquerait les Canadiens et Canadiennes dans cette matière. Ainsi est née la Ligue monarchique du Canada : le fait de promouvoir la monarchie au Canada vient du fait que notre souverain fait partie intégrante de notre régime constitutionnel.

LD : Votre but est-il de promouvoir notre monarchie constitutionnelle ou bien de promouvoir la monarchie en-soi seulement ?

LJR : Nous voulons promouvoir la monarchie constitutionnelle. La promotion de la monarchie en-soi est un exercice voué à la futilité, car on embarque plus souvent qu’autrement dans le sensationnalisme médiatique lorsqu’on fait ce genre de promotion.

LD : À quel point la monarchie fait-elle partie de l’identité canadienne ?

LJR : La monarchie fait partie intégrante de notre société et de notre identité canadienne. Prenez par exemple les règlements juridiques au Canada. Que ce soit le Common Law canadien ou le Droit Civil québécois, le terme « couronne » apparaît partout. Il en est de même pour les Forces armées du Canada.

Le gouvernement canadien contient sa part de termes « royaux » : la chambre des communes où siègent les représentants du peuple contient le siège du Président qui représente la couronne auprès des communes et le Président du Sénat du Canada siège quant à lui devant le trône de Sa Majesté où seul le Souverain ou le gouverneur général peut prendre place. Toutes les provinces du Canada ont un Lieutenant-gouverneur qui représente la couronne. Tous ces individus sont les représentants du Souverain.

Les allusions au fait monarchique ne manquent pas. Chaque pièce de monnaie que nous utilisons comporte soit l’effigie de Sa Majesté ou une mention de la Couronne. Les noms de rues font souvent allusion à la royauté. La rue Guy, à Montréal, par exemple, fait référence à Sir Guy Carleton, Lord Dorchester, un des premiers gouverneurs du Canada après la conquête qui a assuré que les Canadiens-Français puissent conserver leur langue, leurs coutumes et leur religion ! La rue Victoria, le Square Phillips, le pont Victoria (dont le nom complet est en fait le Queen Victoria Diamond Jubilee Bridge), le château Ramezay : ce sont tous des noms de souverains ou de la noblesse des régimes français et anglais.

LD : Comment la monarchie peut-elle être plus populaire au Québec ? La langue est-elle le seul obstacle ?

LJR : Elle serait plus populaire si les chaînes médiatiques et certains aspects du gouvernement et du système d’éducation au Québec prenaient le temps d’expliquer correctement le bien-fondé de la monarchie dans notre quotidien. Si on cessait de avilir la monarchie à chaque fois que le Canada choisit une politique impopulaire auprès de l’intelligentsia québécoise, ce serait déjà un pas dans la bonne direction. La monarchie n’est pas là pour nuire au Québec ou le détruire. Au contraire, si ce n’était de notre monarchie constitutionnelle, les protections établies depuis que la couronne française a cédé le territoire canadien à la couronne anglaise suite à la « conquête », le Québec et les québécois d’expression française auraient cessé d’exister en tant que force au Canada en moins de deux ou trois générations, surtout si l’on regarde ce qui est arrivé aux acadiens de Louisiane suite à la cession de la colonie par la France.
L’impopularité de la monarchie n’est pas une question de langue, mais bien une de perception. L’obstacle est notre compréhension de la monarchie constitutionnelle canadienne. C’est pourquoi la Ligue monarchique du Canada cherche à éduquer les Canadiens, ce qui comprend évidemment les Québécois, à ce sujet. Lorsqu’on comprend les enjeux, on est en meilleure position pour les expliquer et les apprécier.

LD : Quels genres d’activités organisez-vous ?

LJR : Dans la région d’Ottawa, nous organisons tous les ans une session d’information lors des feux de la Fête de la Reine dans un parc du centre d’Ottawa. Lorsque Sa Majesté ou un membre de la famille royale vient nous rendre visite, nous sommes souvent sur place pour l’accueillir. Notre représentant auprès des médias locaux est en mesure de commenter la visite elle-même et de répondre aux questions des journalistes à propos du bien-fondé de la monarchie constitutionnelle canadienne.

LD : Quel est l’âge moyen de vos membres ? La monarchie est-elle plus populaire auprès d’un groupe d’âge particulier ?

LJR : Lorsque j’ai rejoint les rangs de la Ligue monarchique du Canada, des jeunes comme moi étaient très rares. Depuis ce temps, par contre, j’ai remarqué que la moyenne d’âge de nos membres est passée de la soixantaine à la quarantaine ! Je crois que la monarchie est toujours très populaire au Canada et au Québec. Bien des gens se sentent un peu gênés d’affirmer qu’ils sont en faveur de notre monarchie canadienne, car ils sont intimidés par leur entourage, leur famille ou d’autres facteurs. En jasant avec des Canadiens un peu partout au pays, je m’aperçois que l’âge n’est pas réellement un facteur dans l’appréciation de notre système monarchique. Ceux qui comprennent notre constitution ont généralement tendance à être positifs envers la monarchie et ceux qui n’ont pas pris le temps de s’informer sont indifférents ou silencieux sur la question.

Un phénomène qui rapproche la jeunesse canadienne de notre monarchie est la popularité du prince William et de sa fiancée Kate Middleton, dont les parents sont maintenant des résidents de la région montréalaise. Le tout est un événement positif pour le fait monarchique au Canada et aide à faire valoir un futur génial pour ce jeune couple dans notre société.

LD : Comment répondez-vous aux critiques qui affirment que la monarchie est anti-démocratique ?

LJR : Dans le contexte mondial actuel, dans lequel on vit des moments à la fois difficiles et inspirants dans plusieurs pays du Moyen-Orient, on voit des régimes dictatoriaux qui tombent enfin aux mains d’un mouvement qui, on l’espère, est une manifestation d’un idéal démocratique qui aurait dû apparaître il y a longtemps. Ceci dit, il faut regarder au-delà de l’immédiat et songer à ce qui pourrait arriver dans ces pays dans les mois et les années à venir.

La différence entre ces pays et le Canada, c’est que ces premiers étaient des autocraties, des dictatures. Ici, on prône le régime du droit commun, des droits et des responsabilités des individus vis-à-vis de notre société, ainsi que de la liberté d’expression fondamentale de l’individu. Nous avons un système démocratique. On peut critiquer notre gouvernement et même notre souverain sans peur de représailles ; ce n’est pas le cas dans la majorité des pays du globe. Est-ce que la monarchie est antidémocratique ? Je vous affirme sans équivoque que non, elle ne l’est pas, car, au contraire, la monarchie constitutionnelle du Canada protège notre démocratie.


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