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De la difficulté d’être mère et fille

Mères et filles, le dernier film de Julie Lopes-Curval : une histoire familiale qui retrace l’évolution de la femme au XXe siècle.

Audrey (Marina Hands), une jeune trentenaire enceinte vivant à Toronto, passe ses vacances chez ses parents dans une petite ville française en bord de mer. Alors qu’elle s’installe dans l’ancienne maison de ses grands-parents, elle découvre derrière un meuble de la cuisine le journal intime de sa grand-mère, Louise (Marie-Josée Croze). Cette trouvaille fait naître en Audrey une obsession pour l’histoire de sa famille et elle va tenter de comprendre ce qui s’est passé cinquante ans plus tôt, lorsque Louise a quitté son mari et ses deux enfants, Martine et Gérard. A travers l’exploration de l’histoire familiale, réelle et fantasmée, Audrey s’oppose à sa mère, Martine (Catherine Deneuve), qui a souffert toute sa vie de l’absence maternelle et refuse de se confronter à nouveau à un passé douloureux.

Mères et filles met en scène trois générations de femmes dont les blessures secrètes ressurgissent lorsque Audrey tente de comprendre son histoire familiale et soulève des questions enfouies que Martine ne sait comment affronter. Face à son rôle de mère mais aussi à sa sensibilité d’enfant abandonnée, Martine est devenue une femme dure et froide dont le travail semble être le seul centre d’intérêt, alors que Audrey, elle, tente de savoir si elle pourra, avec l’enfant qu’elle porte, concilier vie familiale et travail.

À travers cette histoire de lignée, Julie Lopes-Curval aborde l’évolution de la condition des femmes au cours du XXe siècle. Explorant les relations maritales dans les années cinquante sous le regard contemporain de Louise et celui, plus émotionnel et traditionnel, de Martine, Julie Lopes-Curval relève avec brio le défi de livrer une histoire sur plusieurs niveaux sans jamais tomber dans les clichés ou le pathos. Elle sonde non seulement les relations entre mère et fille, qu’il s’agisse de Louise et Martine ou de Martine et Audrey, mais révèle aussi de quelle manière la violence subie par chacune d’entre elles se transmet de génération en génération. La question dépasse ainsi l’acceptation du passé et concerne l’avenir : Martine et Audrey sauront-elles pardonner et oublier afin d’accueillir la prochaine génération ?

Grâce aux performances débordantes de pudeur et de sensibilité de Marina Hands, excellente dans son interprétation d’une jeune femme fragile et légère, et de Catherine Deneuve, dont la prestation rappelle quelque peu celle qu’elle avait livré dans Un conte de Noël d’Arnaud Despechlin, la force des dialogues et des scènes est doublée. Si la performance de Marie-Josée Croze semble parfois effacée par celle de ses partenaires, elle interprète pourtant toujours avec justesse cette femme des années cinquante qui cherche à s’émanciper, à trouver sa place dans un univers où aucune évolution ne semble réellement possible pour elle.

Ainsi, si Mères et filles aurait pu être un film de plus dans la liste des nombreux films français abordant les rapports familiaux, il réussit habilement à s’en distinguer grâce, entre autres, à d’excellentes actrices et à la délicatesse et l’originalité avec lesquelles le sujet est traité.


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