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Les cours d’histoire en voie d’extinction

La quasi absence du cours d’histoire dans les CÉGEPs inquiète la coalition pour l’histoire, qui a lancé une pétition en ligne.

Dans le cadre de sa tournée québécoise, la Coalition pour l’histoire était dans la région de Lanaudière pour dénoncer, de concert avec la Société nationale des Québécoises et Québécois de Lanaudière (SNQL), la quasi absence de cours sur l’histoire du Québec et de la société québécoise dans les cégeps du Québec.

Pour le président de la SNQL, Yvon Blanchet, « nous risquons de donner raison à Lord Durham en devenant un peuple sans histoire si le ministère de l’Éducation ne procède pas à une réforme majeure ».

Gilles Laporte, membre fondateur de la Coalition et représentant de l’Association des professeures et des professeurs d’histoire des collèges du Québec, rapportait lors du lancement de la pétition initié par la coalition, le 2 décembre 2009, qu’il « est absolument inacceptable que seulement 5% des étudiants aient accès à un cours sur l’histoire du Québec et de la société québécoise en général au collégial ». Robert Comeau, directeur du Bulletin d’histoire politique, y expliquait que parmi les six objectifs directeurs de la pétition, on pouvait trouver un nombre d’heures révisé à la hausse pour les cours de tous les niveaux d’enseignement au Québec. Selon la pétition, il faudrait que « tous les finissants du niveau collégial soient en mesure de reconnaitre les fondements historiques du Québec contemporain » au sortir des établissements collégiaux.

Quelques questions posées à Marc Simard, professeur d’histoire au Collège François-Xavier- Garneau.

Le Délit (LD): En quoi estce important, en général, de connaître les fondements historiques de la société au sein de laquelle on vit ?

Marc Simard (MS): C’est non seulement important, mais essentiel pour l’exercice de nos droits en tant que citoyens. Sans l’histoire, c’est plus facile de réinventer la roue, de ne pas connaître les courants intellectuels dans lesquels certaines pratiques politiques s’inscrivent, etc. Il n’y a pas de génération spontanée, on peut expliquer une foule de choses par l’histoire. Il faut la comprendre pour critiquer et intervenir de façon efficace.

LD : Y a‑t-il une nouvelle tendance à étudier davantage les autres pays et coutumes, au point que l’on se désintéresse de la nôtre, comme le craignent les signataires de la pétition ?

MS : Effectivement, mais cette tendance n’est pas nouvelle ; elle est née il y a une quinzaine d’années. Il me semble qu’elle soit irréversible, mais présente de bons et de mauvais côtés. C’est heureux parce qu’avec la mondialisation, la communication est plus efficace (pensons à Haïti); les jeunes sont plus ouverts sur le monde. D’une certaine manière, ils sont plus intéressés par des sujets exotiques.

En même temps, c’est malheureux pour ceux qui enseignent l’histoire du Québec. Le nombre d’étudiants inscrits dans les cours d’histoire nationale est en constant déclin. C’est un fait que je ne m’explique pas totalement. Quand je donnais des cours d’histoire du Québec dans les années 80, il y avait des débats dans les cours, alors que maintenant, j’observe une désaffection. Et je suis le même professeur (rires).

LD : Est-ce problématique d’étudier l’«histoire nationale » ? Certains signataires de la coalition n’ont-ils pas d’agenda politique ?

MS : Quand on fait de l’histoire de manière rigoureuse, il n’y a pas de danger à étudier l’histoire. Cependant, dans l’étude de l’histoire nationale, les cours peuvent être teintés d’un certain militantisme du professeur. À mon avis, la chose est nécessairement mauvaise, quoique ce puisse être une façon d’intéresser les étudiants. Peut-être un certain nombre d’étudiants hésitent- t‑ils à s’inscrire à un cours d’histoire nationale par crainte d’être l’objet d’une certaine récupération, qu’il y ait un agenda caché derrière l’enseignement. Et c’est dommage.

* * *

On peut rappeler que le débat était un peu le même en décembre en France dans le cadre de la réforme du lycée, rendant optionnel le cours d’histoiregéographie du programme de terminale scientifique.

Pour le président de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, Michel Cosnard, il s’agissait de laisser place à des cours d’histoire de la science, puisque la façon dont est enseigné le traditionnel cours d’histoire-géographie demeure trop « politique et sociale ».

Mais la chose est controversée, et ce, d’abord du côté de l’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG), qui fut la première à alerter l’opinion publique par une pétition en ligne. Cette dernière insiste essentiellement sur le fait que des élèves qui se destinent à l’enseignement supérieur, et pas seulement scientifique, pourraient ne pas faire d’histoire pendant un an. « 80 % des élèves de Sciences Po ont fait un bac scientifique », rappelle Sylvie Rachet, membre de l’APHG.


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