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Contempler les Limbes

Dans le cadre du 10e anniversaire du Théâtre Péril, le directeur artistique Christian Lapointe renoue avec ses premières inspirations dans sa surprenante mise en scène de Limbes présentée au théâtre La Chapelle.

C’est à partir de trois pièces de William Butler Yeats, Calvaire, Résurrection et Purgatoire, que Christian Lapointe crée et brise ces mythes qui tentent d’expliquer le monde. La pièce, d’une durée de deux heures quarante, est tripartite.

La première heure se déroule sous forme d’un rituel. Il y est question de religion et de récits mythiques sur l’origine de l’humanité. La densité du texte poétique de Yeats, traduit par le metteur en scène, peut alors laisser le spectateur perplexe, mais il s’agit moins ici de saisir chacune des phrases que de se laisser pénétrer par l’énergie de la scène.

Alors que l’on s’engage dans le second volet de la pièce et que l’Orient laisse place à l’Occident, l’antique au postmoderne et l’occulte au grotesque, les voix et les objets se rapprochent de notre époque. Le spectateur rit, mais regarde aussi avec distance ce tableau de notre monde. Les mythes perdent de leur vernis et dévoilent la nature cyclique de l’existence. « La vie recommence » : nous voici dans les limbes, ni mort, ni vivant.

Les dernières vingt minutes se font cependant moins opaques. Sur scène, aucun comédien, mais pourtant un personnage : un masque posé sur un poteau enveloppé d’une cape. Le spectateur écoute les voix des comédiens qui lui parlent d’ailleurs. Seuls leurs visages apparaissent sur la toile de fond.

Limbes est un amalgame réussi de diverses esthétiques et sa mise en scène vient chercher le regard d’un spectateur tenu en haleine. Christian Lapointe a choisi, dans le cadre de cette nouvelle création, de remplir davantage l’espace scénique sans jamais l’alourdir. De l’usage des masques qui enrichit le caractère rituel et sacré de la représentation à la présence de deux musiciens, dont le metteur en scène lui-même, tout est symbole et tout y est justifié.

« Le théâtre est devenu comme la télé », nous dit-il . Il dénonce cet art qui n’est que simple divertissement et ne convie le public qu’à une écoute passive. Son théâtre, quant à lui, captive par ce désir de nous faire entrer dans un jeu qui n’est jamais interrompu. Les cinq comédiens sont constamment à la vue du public, même s’ils ne se trouvent pas toujours sur scène, les « coulisses » étant ouvertes. « Je demande aux spectateurs d’être là pendant deux heures quarante. Alors, je demande à mes comédiens d’être là pendant deux heures quarante » ajoute-t-il.

Plusieurs qualifient le théâtre symboliste de Lapointe d’hermétique. Mais c’est en fait un théâtre qu’il faut d’abord contempler. « Nous voulons tout avoir tout de suite, tout comprendre tout de suite » dénonce le metteur en scène. Limbes invite à un voyage à travers des mythes qui façonnent notre conscience afin de peut-être mieux les comprendre.

Une pièce jouée à Québec, puis présentée au Centre national des Arts à Ottawa, à ne pas laisser passer ! 

Limbes
Où : Théâtre La Chapelle, 3700, rue Saint-Dominique (coin Avenue des Pins)
Quand : jusqu’au 30 janvier
Combien : 20$ (étudiant)


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