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Souffrances intemporelles

Nouveau souffle pour Les trois sœurs au TNM.

Alexandre Gontier | Le Délit

Les trois sœurs, pièce de théâtre écrite par le dramaturge russe Anton Tchekhov et mise en scène par l’auteur québécois René Richard Cyr, revient sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 5 mars. Après un arrêt des représentations, pandémie oblige, Cyr annonce fièrement la continuation des spectacles aux côtés de sa troupe de comédiens incluant Noémie Godin-Vigneau (Olga), Rebecca Vachon (Irina) et Marie-Pier Labrecque (Macha). 

Le rideau se lève sur un décor sobre et 11 comédiens qui insuffleront la vie aux personnages de Tchekhov. Une musique folklorique russe rythme leurs premières actions ; ils célèbrent l’anniversaire de la benjamine du trio un an après le décès de leur père. Les trois sœurs évoquent d’emblée leur désir de regagner le paradis perdu de leur enfance : Moscou.  L’ambiance est festive et les personnages arborent de grands sourires qui se dissiperont au fur et à mesure de la pièce. Des destins liés malgré la solitude, des douleurs professionnelles et amoureuses communes et des questions existentielles sur le sens de la vie, du bonheur et du travail animeront les discussions des personnages. 

« Si les textes de Tchekhov sont souvent perçus comme pesants, le metteur en scène québécois a su leur donner un nouveau souffle en les teintant d’un humour tantôt léger, tantôt cynique »

Un vent de changement souffle sur les mots 

Des sourires sincères et des rires aux éclats fusent dans la salle. Si les textes de Tchekhov sont souvent perçus comme pesants, le metteur en scène québécois a su leur donner un nouveau souffle en les teintant d’un humour tantôt léger, tantôt cynique. Ces dialogues ont été traduits en français et brillamment repris par Cyr. Ils apportent un zeste de douceur aux drames qu’impose l’histoire de Tchekhov.

Plus d’un siècle est passé depuis l’écriture des Trois sœurs, et la flamme qui l’anime semble toujours aussi vive et inextinguible. Malgré le caractère intemporel de cette pièce – ses questions existentielles sur le travail, le bonheur et l’ennui restent encore sans réponse – le choix des mots et des dialogues la rendent plus accessible à un public contemporain et francophone. Plusieurs personnages se lancent dans des logorrhées tout en s’adressant au public et en le fixant intensément, lui donnant l’impression que ces questions le concernent également. 

« Dans cette disposition ingénieuse de l’espace, les coulisses sont sur la scène ; les comédiens changent de costumes sous les yeux du public et sortent leurs accessoires d’un banc intégré au décor »

Les coulisses rencontrent la scène

Une fois leur texte livré, les comédiens se mettent en retrait dans un coin de la scène et s’intègrent au décor en s’asseyant sur des chaises. Dans cette disposition ingénieuse de l’espace, les coulisses sont sur la scène ; les comédiens changent de costumes sous les yeux du public et sortent leurs accessoires d’un banc intégré au décor. Ce cadre invite le spectateur dans l’intimité des personnages et peut ainsi lui laisser entendre que ses inquiétudes sont partagées et universelles. Les souffrances humaines des personnages décrites par Tchekhov en 1901 peuvent ainsi toucher un public contemporain. Et que dire du jeu des comédiens ? Leur diction impeccable et leur éloquence rend l’écoute délectable. Un véritable plaisir auditif. Le jeu des comédiennes incarnant les trois sœurs marque bien leurs différences de caractère et met en lumière les malheurs distincts – notamment professionnels et amoureux – qui les consument. C’est un pari gagné pour René Richard Cyr et sa troupe.


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