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À la dérive

Dans Les Troutman volants, Miriam Toews nous entraîne sur la route en compagnie d’une tante et de deux enfants peu conventionnels.

« Bon, ben, ouais, tout s’est déglingué. » Hattie, expatriée à Paris et fraîchement abandonnée par son petit ami, reçoit un appel d’alerte en provenance de l’autre côté de l’océan. Au bout du fil est Thebes, sa nièce aux cheveux violets et aux tendances verbomotrices, qui n’arrive plus à tenir seule avec une mère à la dérive. Min ne sort plus du lit et avale pilule après pilule. Les flacons vides s’empilent alors que Logan, le frère de Thebes, sèche les cours et se construit une carapace à l’aide de ses écouteurs et de son capuchon extra-large.

Hattie arrive juste à temps dans son Manitoba natal pour voir Min emportée à l’hôpital psychiatrique. Cette fois-ci plus que les autres, sa soeur semble avoir atteint le fond. Que faire quand rien ne va plus ? Hattie décide de prendre la route avec Thebes et Logan dans la vieille fourgonnette Ford Aerostar. Destination Murdo, dans le Dakota du Sud, un « grain de poussière » sur la carte. Le trio mal assorti part ainsi sillonner l’Amérique, uni par le vague espoir de retrouver Cherkis, le père des enfants.

Les Troutman volants est le quatrième roman de l’écrivaine manitobaine Miriam Toews, paru l’an dernier en version originale anglaise et traduit tout récemment à la maison Boréal. À des miles du road novel traditionnel, Les Troutman volants nous emporte de Winnipeg à la frontière du Mexique, dans les hauts et les bas de cette petite famille toujours prête à se démanteler malgré les efforts de Hattie.

Miriam Toews livre ici un conte inusité sur l’enfance, oscillant sans cesse entre le désespoir et la légèreté, le côté amer et le côté sucré de ces années où tout se joue. Où tout s’est joué, du moins, pour Hattie, qui plonge dans ses souvenirs de jeunesse avec Min alors qu’elle regarde Thebes et Logan dans le rétroviseur de la Ford Aerostar. Sur la route, Hattie, Thebes et Logan trouveront beaucoup plus que ce père disparu des années plus tôt : c’est leur difficile relation à Min qu’ils parviendront enfin à explorer.

L’équilibre précaire entre le sujet sombre qu’est la dépression et l’éclat de vie qu’est l’enfance est maintenu tout au long du roman par une plume bien maniée, pleine d’humour. Dans Les Troutman volants, Miriam Toews fait la juste part aux dialogues savoureux, toujours surprenants, parfois tendres, qui font le quotidien de Thebes et Logan. L’univers de l’écrivaine nous happe complètement. Car, comme ses personnages, nous ne savons jamais vraiment vers quoi nous volons.

Les Troutman volants
Par Miriam Toews
Éditions du Boréal
25,95$


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