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Flagrant délit de tendresse

Épisode 8
Résumé de l’épisode précédent :
Au cours d’un party d’Halloween ou Lui (en Ovila Pronovost) et Elle (en lionne incandescente) se retrouvent réunis par un heureux hasard, les braises du désir s’enflamment subitement et le mariage charnel entre les deux amants est consommé.

De son costume de lionne en lambeaux la rousse s’est maladroitement fabriqué un pagne, et a passé les jours suivant le party d’Halloween alanguie sur le canapé à s’imaginer jouant à « Toi Tarzan, moi Jane » avec son bel étudiant. Tout en écoutant en boucle les Doors, elle songe au retour en classe qui, après l’explosion des sens qu’elle a vécue avec l’Homme quelques jours plus tôt, ne pourra que ressembler à un pétard mouillé, le feu d’artifice de leur passion condamné à être caché par peur de représailles.

Depuis la fête, pas même un courriel n’a été échangé entre les amants. L’aurait-il oubliée ? En se préparant pour se rendre à l’université, elle ne peut s’empêcher de chercher quelque chose à mettre qui lui rappellera leur amour, un code secret pour amoureux clandestins, comme il était de mise d’en deviser au Moyen Âge. Faute de mieux, elle agrafe à sa blouse un macaron de The Lion King. Son coureur des bois comprendra.

En classe, elle tente nerveusement de relire ses notes tandis que ses étudiants prennent place un à un. Soudain, une énorme poignée de citrouilles en chocolat et de tires Sainte-Catherine s’interpose entre elle et Kant. Elle lève les yeux. Ovila Pronovost, dans ses plus beaux habits de ville, se tient devant elle. « Ma récolte d’Halloween a été bonne cette année », explique-t-il d’un air par trop ambigu, avant de s’asseoir bien à l’avant, les yeux rivés sur sa blouse. Le coeur de la rousse bat à tout rompre, et elle pourrait presque entendre le petit Simba rugir de bonheur sur son macaron.

La leçon commence. Arthur Schopenhauer est au programme. La T.A disserte avec le plus grand sérieux du concept de Perfection de la Forme chez le philosophe. Regard équivoque du bellâtre, qui contemple un peu trop attentivement ses formes à elle. Elle frissonne. Toutefois, les propos de la jeune femme sont rapidement interrompus par une étudiante aux cheveux courts et au visage viril. « Miss, while I was doing my research on Wikipedia, I found this website on Schopenhauer. He said really awful things about women. It’s outrageous. I don’t think we should study such a mysogynist.»

Voyant trop bien quel problème cette étudiante –probablement égarée hors de ses Queer Studies natales– pourrait poser à son cours, la rousse tente de contourner l’obstacle et de ramener la question à sa dimension esthétique. « Well, true, from an aesthetic point of view he was rather harsh with women. He did say that men must be driven mad by their sexual desires to find women, with their short legs and broad hips, attractive.» Son Roy Dupuis à elle lève la main. C’est la première fois qu’il prend la parole en classe. « Eh, I am only an engineer, you know, but I don’t agree with that Schopin guy. Many women have long legs…» La T.A décroise les jambes. Il poursuit : « And sometimes, eh, I don’t just want to sleep with them, and I still find them beautiful.»

Il la dévisage. La rousse se sent rougir et détourne les yeux. Une des citrouilles en chocolat lui fait un clin d’oeil coquin. Elle doit reprendre le contrôle. « Maybe we can try to see what he meant. Does pure beauty exist ? Or are we blinded by our animal impulses ? Pause. Haven’t we all been carried away by them at one point ?»

Il sourit, et inspiré comme jamais, lève la main à nouveau. « I would never be carried away by my sexual desires if there wasn’t exceptionnal beauty. Pause. Very exceptionnal beauty.» L’étudiante des Queer Studies s’interpose à nouveau. « Women are not sexual objects !», vocifère-t-elle. Qu’importe celle-là, pense la T.A. Elle sait que le trappeur a pris au piège son coeur pour de bon.

Le cours se termine trop rapidement. Après l’intensité de leurs échanges, elle n’ose regarder son amant tandis qu’il ramasse ses affaires. Il s’approche pourtant d’elle. Sans mot dire, il pointe du doigt les bonbons, puis part. Elle les observe sans comprendre. Une des tires lui saute soudainement aux yeux : son numéro de téléphone est inscrit sur l’emballage. Quel ingénieux stratagème ! Quel romantisme échevelé !

Une voix derrière elle la fait tout à coup sursauter, une voix qu’elle connaît trop bien. « What an interesting topic for a seminar, Miz… Sexual desire, hey ?» Elle tremble. Son dégoûtant professeur ne la laissera donc jamais tranquille… 


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