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« Non, je ne regrette rien »

George W. Bush séduit la communauté d’affaire montréalaise lors d’une allocution présentée le 22 octobre dernier a l’hôtel Le Reine Elizabeth. Retour sur un discours oscillant entre principes, idéologie et vie quotidienne.

« J’ai toujours été un grand amateur de sport ; je savais même qui étaient le Rocket et le Pocket Rocket ! » a lancé d’emblée un George W. Bush charmeur et farceur, qui s’était clairement fixé comme objectif de séduire un auditoire qui a dû alléger sa bourse pour l’écouter en personne –les billets coûtant entre 200$ et 400$ chacun. Dans une première partie de l’événement organisé par la Chambre de Commerce de Montréal, l’ex-chef d’État a diverti son public à grand renfort d’anecdotes et de blagues espiègles sur son retour à la « vie normale », sa famille et l’amitié canado- américaine.

À plusieurs reprises, celui qui a été l’auteur des décisions controversées d’engager son pays dans les guerres en Afghanistan et en Irak a affirmé ne « rien regretter » et « être en paix avec lui-même » puisqu’il a toujours agi selon ses principes.

Les propos du quarante-troisième président des États-Unis se sont approfondis lors de la deuxième partie de la conférence, articulée sous la forme d’une conversation avec John Parisella, futur délégué général du Québec à New-York, passionné de politique américaine et… fervent partisan démocrate ! M. Parisella a notamment questionné l’ex-président sur la décision de son administration d’attaquer l’Irak alors que les fondements justifiant cette offensive étaient précaires : « Beaucoup ont eu l’impression que vous aviez perdu de vue l’objectif premier [de lutter contre le terrorisme]», a‑t-il soutenu.

Visiblement sur la défensive, M. Bush a défendu ce choix en soulignant le danger que posait le régime irakien pour la stabilité mondiale : « Même si le régime de Saddam Hussein ne possédait pas d’armes de destructions massives à l’époque, il cherchait à en acquérir et n’aurait pas hésité à les utiliser ». Selon lui, la situation mondiale serait bien plus instable et dangereuse aujourd’hui si les États-Unis n’avaient pas pris l’initiative de renverser Saddam Hussein, « au coeur d’une coalition de plus de quarante-et-un États » a‑t-il rappelé. « Sans notre intervention, nous serions aujourd’hui témoins d’une course à l’armement nucléaire entre les Chiites irakiens et les Sunnites iraniens ». Idem pour la crise économique, qui, affirme-t-il, « aurait été de l’ampleur de la grande dépression des années 1930 » si son administration n’avait pas agit préventivement pour tenter de l’endiguer.

Questionné sur l’opération militaire en Afghanistan dont le Canada « soutient une part disproportionnée », George W. Bush a louangé les Canadiens pour leurs efforts. « Si nous abandonnons l’Afghanistan trop tôt, les terroristes vont se réorganiser et menacer notre sécurité. Il faut donner aux Afghans l’espoir que leur situation va s’améliorer », a‑t-il affirmé, tout en reconnaissant que la situation est complexe et loin d’être réglée. L’ex-président a tout de même fait preuve d’une pointe d’autocritique à la fin de l’entretien, estimant qu’il aurait pu faire mieux avec la réforme de la sécurité sociale et la politique d’immigration. « Mais je suis fier de ce que j’ai accompli ; je n’ai pas vendu mon âme. Merci beaucoup », a conclu le principal intéressé, visiblement agacé, mettant ainsi fin abruptement à l’événement après quarante minutes.

Malgré la controverse qu’a suscité George W. Bush lors de ses années à la présidence, l’homme a semblé charmer le public montréalais qui a accueilli ses propos d’applaudissements nourris. « Je ne suis pas du nombre de ses partisans, mais j’ai bien apprécié sa personnalité charmante et son humour ! », a exprimé Jacob Kanter, l’un des quelques chanceux ayant obtenus un billet grâce au département de sciences politiques de McGill. « J’étais intéressé à entendre ce qu’il avait à dire pour sa défense, mais ça n’a pas changé l’opinion que j’ai de lui », a poursuivi M. Kanter. Nathalie Wilson, elle aussi étudiante au baccalauréat en sciences politiques à McGill, a renchéri : « C’était intéressant de l’entendre directement, sans l’intermédiaire des médias. Il ne semble pas être cet homme stupide que les médias présentent ». Opinion corroborée par son interlocuteur, M. Parisella, qui dit avoir rencontré « un homme de passion et de convictions ». Bien qu’il ait apprécié la personnalité chaleureuse et le côté humoristique de M. Bush, M. Parisella est néanmoins resté sur sa faim en ce qui a trait aux questions de fond : « ses arguments pour défendre son bilan étaient restreints, […] il a bâti son raisonnement sur les informations qu’il avait à l’époque, mais certaines ne s’avèrent plus exactes ».

Bref, si le « show de personnalité » de l’ex-leader a su charmer le public, il n’a sûrement pas convaincu ses détracteurs par son discours qui manquait de profondeur. « Il a donné un spectacle, un bon spectacle ! », a conclu M. Parisella. 


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