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Le politiquement correct a bon dos

Quand un appel à la tolérance se prête à la discrimination sur le campus.

Amélia Rols

Cette semaine, certains d’entre nous ont pu participer à deux séries d’événements intitulés Culture Shocks et Trans/Formations, consacrés respectivement à la justice sociale et à l’activisme transsexuel. 

À noter que certains seulement ont pu en profiter, de nombreux événements étant sélectifs en fonction du genre, de l’ethnie ou de la couleur de peau. Bien qu’il soit assez contestable, administrativement, pour des associations mcgilloises financées par le corps étudiant de discriminer au sein de celui-ci, il paraît surtout difficile de concilier appel à la tolérance et exclusion délibérée en fonction de critères identitaires et physiques.

Aveugle protection

Il est triste que ces associations méritantes ne laissent pas tous et toutes, de façon indifférenciée, se sensibiliser à des questions dont l’intérêt est indéniable. On justifie cette exclusion par un attachement presque religieux à un politiquement correct qui craint l’«offense » comme la peste. L’exclusion de certains, tous ceux n’étant pas transsexuels noirs par exemple (pour un événement de Trans/Formations), est censée mettre à l’aise les participants, ceux qui pourraient se sentir menacés par une présence « étrangère ». Un organisateur a répondu au Délit à ce sujet, et invoque les maux contemporains de la « suprématie blanche » et autres. Il explique que l’on exclue « ceux qui ont un intérêt caché à maintenir ces systèmes d’autorité et d’oppression ».

Il est impossible de répondre à de tels propos en quelques lignes, mais l’on imagine bien que l’on se verrait bien vite pourfendu par un politiquement correct-roi. Mais exclure en fonction de critères arbitraires ne risque-t-il pas d’offenser  plus que la simple présence de curieux ne répondant pas à ces mêmes critères ?

Amélia Rols

Comme d’habitude

On se souvient de la brave tentative d’Entraide Universitaire Mondiale du Canada (EUMC) – composée en partie d’anciens réfugiés devant leur bourse mcgilloise à la générosité étudiante (via une redevance de 0.50$ chacun) – d’offrir un regard « authentique » sur les camps de réfugiés la semaine passée. Ce dernier épisode, et la volonté brisée d’EUMC d’informer sur les camps de réfugiés à McGill, montre qu’il est même difficile de traiter de ces sujets. On préfère disserter sur la décolonisation et l’impérialisme plutôt qu’apprendre via une expérience pratique. Cette dernière a d’ailleurs été accueillie à bras ouverts dans de nombreux autres campus et pays. On espère bien que la réaction d’urticaire que l’initiative d’EUMC a provoqué ne reflète pas un phénomène de rejet propre à McGill.

Ceci rend compte des obstacles à franchir pour discuter sérieusement d’enjeux réels. On comprend alors pourquoi de nombreux sujets, plus au cœur de notre quotidien (austérité, changement climatique, insécurité alimentaire, évasion fiscale, accords de libre-échange…), soient presque invisibles sur le campus. Mais cette explication n’est pas satisfaisante, car quand l’AÉUM organise une semaine anti-austérité (fin septembre) ou que le Projet pour les systèmes alimentaires de McGill (McGill Food System Project) tente de récolter des dons pour palier à l’insécurité alimentaire chez les étudiants (fin octobre), cela se passe dans l’anonymat le plus total. Il est délicat d’incriminer qui que ce soit en particulier, associations étudiantes, AÉUM, étudiants eux-mêmes. Mais il semble s’ajouter à un décalage entre agenda politique sur le campus et réalité extérieure un grave désintérêt général envers des enjeux qui pourraient changer l’existence de chacun plus tôt qu’on ne pourrait l’imaginer.


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