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« On a vu trop d’abus »

Le NPD veut protéger les stagiaires.

Luce Engérant

En juin dernier, la députée fédérale Laurin Liu, du Nouveau Parti Démocratique (NPD), a déposé le projet de loi C‑620. Il prévoit la mise en place de mécanismes allouant aux stagiaires les mêmes droits qu’aux autres employés, tout en empêchant les entreprises de leur donner les mêmes tâches que ceux qui occupent des postes rémunérés. L’objectif du NPD serait, selon un article publié par La Presse le 18 juin, que « le statut de stagiaire retrouve son sens. […] Les stages doivent d’abord profiter aux stagiaires, ils doivent inclure une formation. » Le Délit a pu obtenir une entrevue avec la parlementaire Liu.

Le Délit : Quelle est la situation actuelle des stagiaires au Canada ?

Laurin Liu : On estime qu’il y a de 150 000 à 300 000 stagiaires qui travaillent présentement au Canada, mais on n’a aucune certitude [car les employeurs ne sont pas tenus de les déclarer, ndlr]. Il y a aussi le problème du chômage chez les jeunes qui a atteint des sommets ces dernières années. Il a atteint 14 % l’année passée. 

LD : Que contient exactement le projet de loi ? 

LL : Le projet de loi a pour but d’établir une certaine protection pour les stagiaires dans la loi fédérale. Cela s’applique à tous les stagiaires qui travaillent dans tous les domaines règlementés par le gouvernement fédéral, notamment dans l’éducation, le secteur bancaire et les transports. Il y a deux parties. La première partie établit des protections essentielles, comme [la règlementation des heures de travail], celle contre le harcèlement sexuel, et celle autour des travaux dangereux ; des protections déjà offertes aux employés rémunérés. La deuxième stipule que le stagiaire doit [bénéficier d’] une formation qu’il aurait pu recevoir dans un contexte académique. L’employeur ne peut remplacer des postes rémunérés par des stages non-rémunérés. Le stagiaire ne peut pas effectuer le même travail que les employés rémunérés.

LD : N’avez-vous pas peur qu’une telle protection fasse chuter la demande de stagiaires, privant ainsi de nombreux étudiants de l’opportunité d’un stage en entreprise ?

LL : Pas du tout ! Le problème, c’est que les stagiaires sont […] victimes du cheap labor (travail bon marché, ndlr). Ce n’est pas le but des stages.  L’objectif d’un stage, c’est de fournir à l’étudiant une première expérience de travail, une formation qu’il ne peut pas recevoir dans le cadre scolaire. Mais ce n’est pas censé fournir aux employeurs des travailleurs qu’ils ne sont pas obligés de rémunérer. C’est essentiel que la règlementation soit modifiée. Il faut que les stages bénéficient surtout aux stagiaires ! On a vu beaucoup trop d’abus.

LD : La cause que vous défendez est-elle soutenue par des corps étudiants ?

LL : Au cours de l’été, on a reçu le soutien de plusieurs associations étudiantes, surtout dans l’Ouest, notamment l’Alliance Canadienne des Associations Étudiantes (ACAÉ), la Fédération Canadienne des Étudiants et Étudiantes (FCÉÉ), la Fédération Étudiante Collégiale du Québec (FECQ), le Regroupement Étudiant Franco-Ontarien (RÉFO) et la Canadian Intern Association (Association Canadienne des Stagiaires, ndlr), et aussi l’appui d’autres intervenants. J’ai senti un [engouement] pour ce projet de loi. On voit aussi que les entreprises commencent à sentir qu’il y a de plus en plus de pression pour offrir des stages rémunérés. J’espère, après le projet de loi, que la conversation continuera, que l’on puisse, en tant que pays, trouver des solutions pour aider les jeunes travailleurs. C’est la moindre des choses !

Bien que la date ne soit pas précisément fixée, la loi C‑620 sera débattue à l’automne. Le gouvernement actuel étant conservateur, le projet de loi aura besoin, selon Laurin Liu, d’une réelle mobilisation de la communauté civile et des sympathisants du NPD pour pouvoir être adopté. 


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