Archives des Actualités - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/actualites/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 15 Apr 2024 00:38:44 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Poutine : le président roi https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/poutine-le-president-roi/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55299 Retour sur les élections présidentielles en Russie.

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Du le 15 au 17 mars derniers, les électeurs russes se sont rendus aux urnes pour les élections présidentielles. Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 2000, a été réélu sans grande surprise, remportant plus de 87% des suffrages exprimés. Alors que dans les années 90, la Russie pouvait être qualifiée de démocratie émergente, avec un certain degré de compétition entre les différents acteurs politiques, aujourd’hui le pays s’enfonce toujours plus dans l’autocratie.

Les élections russes sont loin de rebattre complètement les cartes du paysage politique Russe, tant au niveau national qu’international. Ces élections, qui placent Poutine au pouvoir jusqu’en 2030, ont été largement manipulées par le régime : les estimations du journal d’opposition Novaïa Gazeta et de l’ONG Golos varient entre 22 et 31,6 millions de votes volés, soit environ un tiers à la moitié de l’électorat russe. Bien que le degré de falsification des votes cette année soit inédit, un constat similaire avait pu être fait au cours des précédentes élections. En entretien avec Le Délit, Juliet Johnson, professeure de science politique à McGill et spécialiste de la politique russe, explique que les techniques de manipulation des élections ont bien souvent lieu avant les élections elles-mêmes : « Certains candidats viables n’ont pas été autorisés à se présenter pour diverses raisons, et cette fois-ci, il n’y a pas eu d’organisme indépendant pour surveiller les élections. Précédemment, il y avait des observateurs indépendants, ou du moins des organisations capables de réaliser des sondages à la sortie des bureaux de vote. Lors des élections présidentielles, il y avait des caméras dans les bureaux de vote qui permettaient de détecter de nombreuses manipulations. Aujourd’hui la majorité des caméras ont été retirées. (tdlr) »

Le régime crée donc un environnement dans lequel la surveillance et l’impartialité des élections sont compromises avant même de passer aux techniques plus directes de fraude électorale. Johnson nous explique que cette année le bourrage d’urnes, au travers duquel les autorités électorales ajoutent illégalement un grand nombre de votes en faveur d’un certain candidat dans l’urne, a été particulièrement utilisé. Si la fraude électorale n’est pas nouvelle, Johnson relève néanmoins d’importants changements : pour elle, le fait que Poutine ait obtenu plus de 87% des voix, un score inédit, révèle des failles au sein de l’organisation du régime. «Un score de 87% semble même trop élevé, ce qui montre que les agents de Poutine qui s’occupent de la manipulation électorale ont sûrement “trop” bien accompli leur mission d’augmenter le score de Poutine par rapport aux années précédentes. » Johnson développe : « Cela met en lumière une potentielle faiblesse. Le fait que lui et les personnes qui l’entourent aient ressenti le besoin d’utiliser les élections comme un moyen de montrer un soutien populaire massif est révélateur. Je pense que cela montre un peu d’inquiétude de leur part. »

« Le niveau d’intimidation provenant du régime est aujourd’hui très fort. Les gens ont peur, certes, mais je pense que ce qui est encore pire, d’une certaine manière, c’est la croissance d’un sentiment de désespoir »

Juliet Johnson, professeure de science politique à McGill et spécialiste de la politique russe

Les élections sont un élément clé pour légitimer le pouvoir des dictateurs à la tête de régimes autoritaires. Les élections sont une sorte de façade qui permet de normaliser un pouvoir souvent abusif et brutal, car elles sont censées correspondre au choix du peuple. Pour Poutine, elles sont un point de passage clé afin qu’il puisse continuer à dire qu’il représente le peuple russe.

Les élections permettent également de solidifier les dynamiques de pouvoir au sein même du pays, en mettant en action le clientélisme entre Poutine et ses « fidèles », qui pénètre toutes les sphères de la société russe. Johnson révèle que « les élections sont un moyen pour les dirigeants régionaux russes de démontrer à la fois leur loyauté envers Poutine et leur capacité à matérialiser des votes en sa faveur, mais également un moyen de mesurer le degré de conformité des citoyens avec le régime. Ainsi, si vous êtes fortement encouragés à voter, que vous savez pour qui vous êtes encouragés à voter et que tout le monde autour de vous va voter, ce petit acte de conformité a un effet sur l’ensemble de la société. Ce n’est donc pas seulement la peur qui empêche les gens de voter. Ce n’est pas seulement la peur qui maintient Poutine au pouvoir. C’est tout ce système. »

La professeure nous a confié qu’aujourd’hui en Russie l’espoir semble se tarir. Les citoyens s’habituent de plus en plus à ce système répressif qui les encourage à voter pour Poutine. Pour beaucoup, le processus électoral a été l’illusion d’un choix. Même s’ ils ne voulaient pas de Poutine, les alternatives crédibles qui auraient pu le mettre en danger politiquement ont une à une été réduites au silence. Comme le dit Johnson: « Le niveau d’intimidation provenant du régime est aujourd’hui très fort. Les gens ont peur, certes, mais je pense que ce qui est encore pire, d’une certaine manière, c’est la croissance d’un sentiment de désespoir. »

La société civile s’essouffle et le régime devient de plus en plus répressif. La mort d’Alexeï Navalny en février dans une prison de haute sécurité du cercle arctique a été largement attribuée au régime, que cela soit par négligence de son état de santé ou par réel assassinat. Il était la principale figure de l’opposition, et un fort symbole d’espoir pour beaucoup de Russes. Malgré la situation, un mouvement de contestation s’est quand même organisé lors des élections : « Il y a eu un grand mouvement pour que les gens aillent voter à midi pile le 17 mars. C’est un signe clair d’opposition au régime. L’idée était soit de voter nul, soit de voter pour un autre candidat. Mais le message important, c’était la présence d’une foule nombreuse. L’intérêt c’est qu’on ne peut pas désigner un individu en particulier, parce qu’il peut y avoir aussi beaucoup de gens qui votent aussi pour Poutine dans la file. C’est donc un moyen de montrer son désaccord sans que le régime puisse identifier des individus précis. Et les files d’attente étaient bien plus longues que d’habitude. En ce sens, la stratégie a fonctionné, surtout dans des endroits comme Moscou ou d’autres grandes villes comme Ekaterinbourg. »

Ce genre de mouvement reste limité, notamment à cause du climat de peur qui règne actuellement en Russie. Par ailleurs, ces évènements ne sont pas relayés par les médias gouvernementaux russes, qui sont largement censurés par le régime. Il est aussi important de rappeler que Poutine reste une figure très populaire auprès d’une grande partie de la population : « Certains ont également l’impression que Poutine a remis la Russie sur la carte en tant que grande puissance et qu’il parle au nom des intérêts internationaux de la Russie et des Russes, ce qui est une grande source de respect. » Il a émergé notamment en opposition à la figure de Boris Eltsine, son prédécesseur, qui est aujourd’hui encore reconnu par beaucoup de Russes comme responsable de la période de déstabilisation financière et politique des années 90. En quelque sorte, Poutine a réussi à remettre la Russie sur les rails.

Au vu des élections de 2024, l’invasion de l’Ukraine qui dure depuis maintenant deux ans continuera très probablement, mais les possibilités que Poutine adopte une approche plus agressive reste peu probable. Cette élection laisse à Poutine une marge de manœuvre sur le plan interne. Néanmoins, Juliet Johnson rappelle qu’il doit tout de même faire attention à ne pas trop créer d’opposition à travers des politiques qui peuvent s’avérer dures, comme la conscription obligatoire de jeunes pour alimenter les effectifs de soldats en Ukraine. Johnson ajoute : « Il faudrait beaucoup de choses pour qu’une grande partie de la société se retourne contre Poutine. Mais si un grand nombre de jeunes hommes russes finissent non seulement par aller en Ukraine, mais aussi par y mourir, cela peut créer pas mal de problèmes. Poutine est très conscient des précédents de la première guerre de Tchétchénie, au cours de laquelle de nombreux conscrits russes sont morts. […]Tout dictateur donne l’impression d’avoir un contrôle énorme, mais ce genre de système est également fragile. Poutine a beaucoup de pouvoir entre les mains, un pouvoir que d’autres personnes aimeraient avoir. »

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L’actualité 2024 n’est pas finie https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/lactualite-2024-nest-pas-finie/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55332 Quatre événements à suivre au cours des prochaines semaines.

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Cette session la section Actualités vous a tenu au courant d’événements tant locaux qu’internationaux. La grève des travailleurs du secteur public, le désinvestissement de McGill en ressources fossiles, la hausse des frais de scolarité pour les non-Québécois et tant d’autres sujets qui ont modelé la session d’hiver 2024 et occupé les pages de notre journal. Au nom de l’ensemble de la section, nous vous remercions de nous avoir lus et espérons vous retrouver en août prochain! En guise d’article pour la dernière édition du semestre, la section Actualités fait paraître la liste de quatre événements sur lesquels il faut garder l’œil, qui se dérouleront au cours des prochaines semaines et mois, et qui impacteront le campus, Montréal et le monde.

Grève des TA’s

Date : 25 Mars – 25 mai


Depuis le 25 mars, tous les auxiliaires d’enseignements communément appelés TAs, sont en grève à McGill. Cela signifie que les TAs n’exercent plus aucune de leurs responsabilités, notamment la tenue des conférences, la correction des examens et les heures de bureau. L’Association des étudiant·e·s diplômé·e·s employé·e·s de McGill (AÉÉDEM), syndicat qui regroupe plus de 1 600 auxiliaires d’enseignement, mettra aussi en place des lignes de piquetages devant différentes entrées du campus afin d’exercer une pression sur l’administration de McGill. Cette grève a pour but de faire prévaloir une nouvelle convention collective pour les auxiliaires d’enseignement, qui comprendrait une augmentation de salaire de 40%, une introduction des services de santé, l’ adaptation au coût de la vie et l’indexation des heures de travail en fonction du nombre d’étudiants. Dans les prochains jours et semaines, la décision de l’administration mcgilloise d’apaiser les tensions en proposant une offre satisfaisante à l’AÉÉDEM. Si McGill décide de ne pas céder, cela aura pour effet de faire perdurer la grève jusqu’à la fin des cours et des examens finaux, créant une perturbation de la fin du semestre pour tout le corps étudiant à McGill.

Vous pouvez suivre le compte Instagram de l’AÉÉDEM pour rester au courant des avancées de la grève : @agsem.aeedem

L’éclipse solaire


Date : 8 Avril


Dans un peu plus de deux semaines aura lieu une éclipse totale dans l’est de l’île de Montréal, qui aura pour effet de plonger la ville dans l’obscurité totale pendant quelques minutes. Ce phénomène astronomique extrêmement rare a lieu lorsque la lune s’aligne parfaitement entre le soleil et la Terre. La dernière fois qu’un tel évènement a eu lieu au Québec remonte à l’été 1972 et ce n’est qu’en 2106 (dans 80 ans!) que nous pourrons y assister de nouveau. Pour beaucoup, le 8 avril offrira donc l’opportunité d’une vie d’assister à ce phénomène rare. L’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de McGill organise une soirée d’observation sur le campus et propose d’équiper les étudiants de lunettes de protection. L’événement se tiendra de 13h à 16h30 sur le Lower Field du campus du centre-ville. L’éclipse devrait débuter vers 14h et atteindre l’obscurité totale vers 15h20, pour une durée d’une minute et demie environ. Attention! Étant donné que Montréal se trouve parfaitement à la limite entre l’éclipse totale et l’éclipse partielle, votre position sur l’île aura pour effet de vous faire vivre différemment l’évènement. Afin d’en profiter le plus possible, il est donc conseillé de se diriger vers l’est de l’île et ainsi se rapprocher du Vieux-Port et du fleuve Saint-Laurent. Il est à prévoir que la majorité des étudiants manquera leurs cours afin de regarder l’éclipse, donc nous pouvons dire qu’il y aura aussi une éclipse scolaire qui se passera au même moment…

Attention : si vous souhaitez assister directement à l’éclipse solaire, il est impératif de porter des lunettes de protection. Même caché par la lune, le soleil pourrait vous brûler la rétine.

Les Jeux olympiques de Paris


Date : 26 juillet – 11 août


Dans quatre mois, les Jeux olympiques d’été débuteront à Paris, auxquels 206 pays et 10 500 athlètes participeront. La majorité des disciplines se joueront dans la capitale française, mais certains sports seront aussi organisés ailleurs en France : le surf à Tahiti, le soccer à Marseille au fameux vélodrome de l’Olympique de Marseille, ou encore le handball et le basket à Villeneuve‑d’Ascq dans le nord de la France. La France entière sera le théâtre d’une frénésie sportive au cours de laquelle des athlètes de haut niveau viendront représenter les couleurs de leurs pays et tenteront d’établir de nouveaux records mondiaux. Avec un décalage horaire de six heures, les Canadiens seront contraints de se lever plus tôt pour visionner toutes les compétitions sportives et soutenir les athlètes du pays, notamment au soccer, en nage synchronisée, en escalade ou encore en athlétisme. Ne manquez donc pas le rendez-vous, du 26 juillet au 11 août prochain!

La hausse des frais de scolarité


Date : dès la rentrée 2024


Le 23 février dernier, dans un communiqué envoyé aux étudiants de l’Université, l’administration de McGill a annoncé sa poursuite légale contre le gouvernement québécois suite aux nouvelles mesures d’augmentation des frais de scolarité annoncées le 13 octobre. En octobre dernier, le gouvernement Legault annonçait une augmentation de 50% des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois dès la rentrée d’automne 2024. Cette mesure affecte principalement les universités anglophones québécoises, c’est-à-dire McGill, Concordia et Bishops. Depuis octobre, les manifestations étudiantes, grèves et messages de mécontentement des recteurs des universités se sont multipliés. Suite à ces soulèvements, le gouvernement québécois a annoncé une baisse de l’augmentation à 33% des frais, passant de 9 000$ à 12 000$. S’ajoutant à ces mesures, le gouvernement oblige désormais les universités anglophones au Québec à franciser 80% de leurs étudiants de premier cycle lors de leurs études. L’Université McGill estime que les mesures gouvernementales « constituent une forme de discrimination sous la Charte canadienne et québécoise des droits et libertés ». McGill prédit ainsi une baisse de ses revenus de 42 à 94 millions de dollars dès septembre en raison de ces mesures gouvernementales. La poursuite légale de McGill contre le gouvernement québécois débutera dans les prochains mois, mais les effets de ces mesures se feront ressentir dès l’automne 2024.

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Terreur en Haïti: la diaspora s’exprime https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/terreur-en-haiti-la-diaspora-sexprime/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55320 Une entrevue avec Carl-Henry Désir et Garnel Augustin.

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Le lundi 4 mars 2024, le gouvernement haitien a déclaré l’état d’urgence, suite à la prise d’assaut de deux prisons par les gangs de Port-au-Prince, la capitale, ainsi que la libération de plus de 4 700 prisonniers au cours de la journée précédente. La métropole haïtienne s’est alors retrouvée engouffrée dans la violence, alors que les gangs menaient des attaques contre les institutions de l’État (notamment les stations de police), semant la pagaille à travers la capitale. Pour mieux comprendre la perspective de la diaspora haïtienne à Montréal sur les récents développements, Le Délit s’est entretenu avec Carl-Henry Désir, ancien enseignant de français à la Secrétairerie d’État à l’Alphabétisation en Haïti et présentement enseignant en francisation au Centre de services scolaire de Montréal, ainsi qu’avec Garnel Augustin, pasteur à l’Église Baptiste Nouvelle Jérusalem, située dans Montréal-Nord.

Contexte et développements

Depuis 1900, la politique haïtienne est marquée par d’innombrables interventions indirectes de la communauté internationale, notamment pendant la guerre froide. Haïti subit aussi trois interventions directes, dont une occupation militaire américaine entre 1915 et 1934. Ces interventions, combinées au régime dictatorial de François Duvalier (1957–1971), ont donné lieu à l’émergence d’une violence endémique, alimentée par les gangs. Le pays est ainsi victime d’une violence extrême depuis plusieurs décennies et témoigne d’une intensification marquée de cette dernière depuis le début du mois.

Suite au 4 mars 2024, Jimmy « Barbecue » Cherizier, chef de gang, a averti les autorités que sans la résignation du président intérimaire, Ariel Henry (nommé suite au décès du président Jovenel Moïse), la capitale nationale subirait une guerre civile et un « génocide ». Henry devait en effet quitter ses fonctions présidentielles en février mais a conservé son poste au-delà de son mandat, causant une escalade de la violence menée par les gangs dans Port-au-Prince. Ces derniers, historiquement engagés dans des guerres de territoire à travers la capitale, se sont unis autour de cette demande de démission et refusent depuis toute intervention internationale.

Les deux principaux gangs concernés, le G9, mené par Cherizier, et le GPep, sont pourtant des rivaux de longue date. Le 11 mars 2024, leur décision de s’unir mène finalement à la démission de Henry et à la mise en place d’un conseil transitoire, composé de sept représentants de partis politiques et deux observateurs issus de la société civile et de la communauté religieuse. Le conseil est formé par les Haïtiens, sous les auspices de la Communauté caribéenne (CARICOM), un organisme international comprenant les nations caribéennes. Le conseil a cependant été rejeté par Cherizier, qui affirme que seuls ceux vivant en Haïti sont en mesure de prendre de telles décisions. Au cœur de cette instabilité gouvernementale, le climat socio-politique demeure largement incertain.

« Le plus gros problème, c’est l’insécurité. Il faudrait une commission d’enquête pour trouver ceux qui ont armé les gangs. D’où viennent leurs munitions? Sans analyse plus profonde, un conseil transitoire est une solution éphémère »

Pasteur Garnel Augustin

Perspective de la diaspora

Le succès potentiel d’un conseil transitoire organisé par la CARICOM semble être un sujet contentieux. Le pasteur Augustin affirme qu’une telle mesure pourrait en partie résoudre la violence mais que l’enjeu réel est plus profond : « Le plus gros problème, c’est l’insécurité. Il faudrait une commission d’enquête pour trouver ceux qui ont armé les gangs. D’où viennent leurs munitions? Sans analyse plus profonde, un conseil transitoire est une solution éphémère. » Il identifie également l’enjeu de corruption et explique que l’aide internationale n’est pas acheminée là où elle devrait l’être : « Les politiciens s’approprient l’argent et ceux qui devraient en bénéficier ne reçoivent rien. Ils n’ont pas de vision pour le peuple. » M. Désir, quant à lui, exprime une ambivalence par rapport à l’utilité de la CARICOM, et perçoit l’organisme comme le défenseur des intérêts américains. « La solution ne devrait pas être introduite par la communauté internationale. Celle-ci devrait écouter les demandes du peuple, et non celles des politiciens corrompus », explique-t-il. La question de l’intervention internationale fait également débat. M. Désir explique que les Haïtiens à travers la diaspora montréalaise ont envie de voir leur pays s’épanouir mais qu’il y a des désaccords quant au rôle du Canada dans le processus. Le pasteur Augustin spécule que la volonté politique du Canada de s’impliquer dans les affaires haïtiennes n’existe simplement pas. « Le Canada est plus préoccupé par ce qui se passe en Ukraine ou au Moyen-Orient. On laisse les Haïtiens à leurs propres soins. C’est pourquoi le gouvernement canadien demeure à l’écart. » Il poursuit : « certains pensent que le Canada devrait envoyer des troupes en Haïti, mais je comprends pourquoi ce n’est pas le cas. Une telle intervention pourrait être mal interprétée, et cela nuirait à l’image du Canada. »

M. Désir, pour sa part, souligne l’importance de différencier « le discours officiel du discours officieux », c’est-à-dire, de comprendre qu’une intervention canadienne serait à l’avantage du Canada. Il soutient que l’intervention internationale est en réalité à la base du problème en Haïti : « Certains pensent qu’Haïti n’arrive pas à s’en sortir à cause de la pauvreté, qui serait en quelque sorte inhérente. Selon moi, le problème, au contraire, est qu’Haïti est riche en ressources, et donc que les pays comme le Canada, les États-Unis et la France, auraient intérêt à rester étroitement impliqués dans les affaires du pays. » Les multiples intérêts, selon lui, font donc compétition, et la vision d’Haïti comme pays indépendant s’efface.

« Les Haïtiens ont une mentalité influencée par les intérêts de la communauté internationale […], il faut construire une mentalité haïtienne unie, et c’est un processus qui commence avec l’éducation »

Carl-Henry Désir

C’est pourquoi M. Désir voit comme seule solution un processus de rééducation, par lequel les Haïtiens pourraient développer leur propre mentalité : « Les Haïtiens ont une mentalité influencée par les intérêts de la communauté internationale, axée vers l’extérieur plutôt que vers leur peuple, leur pays. Il faut construire une mentalité haïtienne unie, et c’est un processus qui commence avec l’éducation », affirme t‑il. Cette rééducation serait donc, pour M. Désir, la clé de la solution.

Pasteur Augustin émet une idée similaire : « Ce qu’il faut, c’est avoir une vision collective du pays, le voir grandir et s’épanouir. » Il souligne que le manque d’unité au sein de la communauté crée un obstacle considérable. « On avait discuté de mettre quelqu’un issu de la diaspora haïtienne dans le conseil transitionnel, mais la personne suggérée a été contestée, et le manque de consensus a fait halte au projet. » Selon lui, ce manque d’unité est également visible dans la diaspora haïtienne : « Il y a énormément d’organismes communautaires haïtiens dans la diaspora, mais ils sont divisés et impersonnels. » Il attribue cela à un manque d’organisation, et affirme que les récents déroulements politiques en Haïti n’ont pas fait trop de bruit dans la communauté haïtienne à Montréal. « On se pose des questions, on prie pour que le problème se résolve, on en discute de manière philosophique, mais de manière pratique, on n’est pas très impliqué. »

Cependant, M. Désir et le pasteur Augustin soulignent la capacité du peuple haïtien à surmonter l’adversité. Le pasteur note qu’un organisme au sein de son église couvre la totalité des dépenses d’une école en Haïti, qui accueille plus de 200 élèves. « Nous payons les salaires des employés et des professeurs, les uniformes, et les matériaux, pour faciliter l’accès à l’éducation gratuite. Nous voulons investir dans l’avenir des jeunes haïtiens,
pour qu’ils puissent obtenir une formation et devenir utile dans la communauté. » M. Désir affirme : « Les Haïtiens sont attachés à leur pays, le peuple est fier et cherche l’autodétermination. La diaspora rayonne partout dans le monde. » Il note également la mobilisation en masse de la communauté haïtienne en soutien à la construction d’un canal d’irrigation à la frontière entre Haïti et la République dominicaine. « L’armée dominicaine a été déployée, et malgré cela, les Haïtiens se sont unis et mobilisés pour que le projet avance. » Le pasteur Augustin conclut : « On devrait se réunir pour faire des actions concrètes pour aider le pays, mais sur le plan politique, ce n’est pas évident. »

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Plus aucune heure gratuite pour les TAs! https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/plus-aucune-heure-gratuite-pour-les-tas/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55178 Les auxiliaires d’enseignement de McGill votent « oui » à 87.5% pour une grève.

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Il est possible que depuis quelques jours vous ayez entendu une rumeur circulant au sujet d’une grève touchant les auxiliaires d’enseignement, appelés TA (en anglais, teaching assistant), de l’Université McGill. En effet, cette rumeur se concrétise bel et bien, puisque samedi 17 mars, l’Association des étudiant·e·s diplômé·e·s employé·e·s de McGill (AÉÉDEM) a voté « oui » à 87.5% pour une grève au cours des prochaines semaines. Cette grève aurait comme but d’exercer de la pression sur l’administration mcgilloise afin d’obtenir le renouvellement d’une convention collective pour les auxiliaires d’enseignement dans un contexte d’inflation et de crise du coût de la vie.

Pourquoi une grève?

Depuis six mois, l’AÉÉDEM – le syndicat qui regroupe 2500 auxiliaires d’enseignement – est en négociation avec McGill afin de renouveler la convention collective qui assure des conditions de travail adéquates pour leurs membres. Leurs revendications touchent quatre points fondamentaux : les salaires, l’introduction des services de santé, l’adaptation au coût de la vie, et l’indexation des heures de travail en fonction du nombre d’étudiants. Les auxiliaires d’enseignement revendiquent une augmentation de salaire d’environ 40%, soit de 33,03$/heure à 46,36$/heure, un salaire similaire aux auxiliaires d’enseignement des autres provinces canadiennes. Le syndicat met aussi en avant l’importance d’indexer les heures de travail en fonction du nombre d’étudiants, expliquant que l’Université ne cesse de couper les heures de contrat de ses employés, et ce, tout en gardant ou augmentant le nombre d’étudiants par classe. À la suite de ces demandes, l’administration mcgilloise a répondu avec une contre-offre le 26 février : une augmentation salariale de 2,25% pour la première année et de 1,25% pour les années suivantes, représentant une augmentation salariale de moins d’un dollar. En ce qui concerne les services de santé et l’indexation des heures, aucune proposition n’a été avancée par l’Université. Considérant l’inflation de 3,4% en 2024, cette offre salariale équivaut à une baisse de salaire pour les auxiliaires d’enseignement de McGill, et est jugée décevante par l’AÉÉDEM.

« Le combat actuel des auxiliaires d’enseignement pour des meilleures conditions de travail équivaut directement à des meilleures conditions d’apprentissage pour les étudiants »

Mesures de pression

Dans ce contexte de dispute contractuelle, les membres du syndicat ont voté le 30 janvier pour passer à une autre étape dans leur négociation : l’autorisation d’augmenter les moyens de pression à l’aide d’une grève, dans le cas où l’Université ne leur offrirait pas un contrat de travail acceptable d’ici le 11 mars. La tenue d’une grève « démontre le pouvoir collectif en tant que personnel enseignant et souligne le rôle précieux que nous [les auxiliaires d’enseignements, ndlr] jouons à l’université », explique l’AÉÉDEM sur leur site internet. Le 11 mars, l’Université n’avait encore pas présenté une offre attrayante au syndicat. Conséquemment, le syndicat a tenu des séances de vote au sujet d’un futur mandat de grève les 13, 14 et 16 mars derniers. Lors de ces séances, tous les membres ont voté sur la question concernant la tenue d’une grève générale au cours des prochaines semaines. Ce vote, approuvé à 87,5%, autorise donc le comité de négociation de l’AÉÉDEM à tenir une grève s’il ne trouve pas une entente convenable avec McGill au cours des prochains jours. Le cas échéant, les 2 500 auxiliaires d’enseignement de tous les départements à McGill seront en grève dans les semaines à venir, jusqu’à ce que l’Université offre une convention collective qui satisfera toutes leurs demandes.

Conséquences pour les étudiants

Si McGill n’émet pas de proposition convenable d’ici les prochains jours, la grève des auxiliaires d’enseignement se déclenchera lors des dernières semaines de cours et des examens finaux de la session d’hiver. Cette période académique est le moment optimal pour amorcer une grève puisque c’est là où le travail des auxiliaires d’enseignement est le plus fondamental au succès des étudiants et à la réputation de McGill, explique l’AÉÉDEM sur leur site internet. Une grève signifierait que les employés « cesseront de noter, d’enseigner, de tenir des heures de bureau, de répondre aux courriels, ou tout ce qui figure sur les formulaires de charge de travail d’auxiliaires d’enseignement ». Cette grève aurait un impact indéniable sur les ressources offertes aux étudiants de l’Université. L’AÉÉDEM renchérit que le combat actuel des auxiliaires d’enseignement pour des meilleures conditions de travail équivaut directement à des meilleures conditions d’apprentissage pour les étudiants.

Il n’y a pas encore de date de grève confirmée par l’AÉÉDEM.

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Portrait de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/portrait-de-la-nouvelle-ligue-professionnelle-de-hockey-feminin/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55190 Une avancée pour les hockeyeuses professionnelles en Amérique du Nord.

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Le 17 mars dernier, l’équipe de Montréal de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) a affronté l’équipe de Toronto à Pittsburgh aux États-Unis, dans un match qui a culminé en un score de 2 à 1 en faveur de l’équipe de Toronto. L’équipe de Montréal a remporté 10 des 18 matchs qu’elle a joués depuis le début de la saison, et se situe en troisième place du classement de la ligue, après Toronto et Minnesota, avec 30 points. Depuis son annonce en juin 2023, la LPHF a permis aux joueuses professionnelles d’enfin retrouver une ligue en janvier 2024, et a depuis connu un succès important.

LPHF : le résultat d’un activisme féministe


La création de la LPHF est le résultat des efforts de la part de l’Association des joueuses professionnelles de hockey (PWHPA). La PWHPA est un syndicat professionnel représentant les hockeyeuses faisant aujourd’hui partie de la LPHF. Il a été formé en 2019, suite à la dissolution de la Ligue canadienne de hockey féminin (CWHL), une des deux ligues majeures de hockey féminin en Amérique du Nord avec la Fédération première de hockey (FPH).

Alors que la CWHL s’était arrêtée en raison de difficultés financières, ses joueuses ont créé la PWHPA, refusant d’intégrer la FPH en raison des salaires inadéquats. En effet, en 2019, plus de 200
joueuses professionnelles et membres de la PWHPA ont annoncé leur boycott de la saison de hockey avenante, réclamant une ligue unie et une durabilité financière pour ses joueuses. Dans un communiqué, celles-ci ont affirmé qu’elles ne joueraient dans aucune ligue professionnelle tant qu’elles n’auraient pas accès aux « ressources que le hockey professionnel demande et mérite (tdlr) ».

La LPHF a donc remplacé la CWHL, et a également absorbé la FPH en 2023 qui, malgré les hausses de salaires, était en manque de financement. Suite à cela, en juin 2023, une convention collective a été signée par les membres de la PWHPA, majoritairement des joueuses issues des deux anciennes ligues, permettant ainsi la mise en place d’une unique ligue professionnelle féminine nord-américaine, la LPHF. Celle-ci représente maintenant le paysage uni du hockey féminin, auparavant divisé entre la CWHL et la FPH.

« La LPHF représente maintenant le paysage uni du hockey féminin, auparavant divisé entre la CWHL et la FPH »

Fonctionnement et diffusion
La ligue compte 157 joueuses provenant de 12 pays différents, dont 90 Canadiennes et comporte six équipes : trois équipes canadiennes (Montréal, Toronto et Ottawa) et trois équipes américaines (Boston, Minneapolis Saint-Paul et New York). Toutefois, les matchs ne se jouent pas seulement dans ces villes, ils peuvent aussi prendre place dans les villes environnantes et dans les arénas de la LNH (Ligue nationale de hockey) ou encore celles de ligues mineures et juniors. Les noms et les logos des équipes sont jusqu’à ce jour en suspens et ne semblent pas être une priorité pour l’administration. Pour l’instant, les chandails des joueuses ont seulement des couleurs distinctives et le nom de leur ville respective.

Durant cette première saison, l’équipe de Montréal jouera 24 matchs au total, dont 16 qui seront diffusés sur les chaînes RDS et RDS2. C’est notamment sur ces chaînes qu’une équipe de diffusion entièrement féminine couvre pour la première fois la saison complète d’une ligue de sport.

La partie du 20 avril entre Montréal et Toronto, qui était initialement à l’Auditorium de Verdun a été relocalisée au mythique Centre Bell, témoignant du grand succès qu’a eu la ligue depuis le début de la première saison. Les billets saisonniers ont tous été vendus et les prochains matchs à l’Auditorium de Verdun sont déjà complets. Jusqu’à maintenant, le nombre record de spectateurs a été de 19 925 à l’aréna Scotiabank de Toronto. L’équipe de Montréal souhaite atteindre et même dépasser cette participation au Centre Bell qui a la capacité d’accueillir 21 105 spectateurs.

Bien qu’elle soit nouvelle dans le paysage du hockey professionnel nord-américain, la LPHF a également pu participer à un événement culte du hockey professionnel : le Match des étoiles, en concluant celui-ci avec des trois contre trois.

« Les congés de maternité permettent notamment aux hockeyeuses d’avoir des enfants et une carrière professionnelle simultanément »

Avancées ou inégalités?


La PWHPA se charge maintenant de protéger et d’assurer les droits des joueuses de la LPHF, et vise à offrir une alternative plus durable et stable aux deux ligues dissoutes. Le syndicat garantit notamment des salaires plus élevés et stables. En effet, la CWHL qui était exclusivement financée par des donateurs privés, versait à ses joueuses des salaires entre 2 000 et 10 000 dollars canadiens par année. La FPH, pour sa part, était la première ligue de hockey féminine à verser à ses joueuses un salaire raisonnable. Pour la saison 2015–2016, la ligue avait fixé un salaire minimum de 10 000 dollars canadiens, et un plafond de 270 000 dollars canadiens par quipe. En 2016–2017, ce salaire a été divisé par deux en raison de restrictions budgétaires, mais a drastiquement remonté en 2023 avec l’établissement d’un plafond de 1,5 million de dollars par équipe, une hausse de salaire historique dans le hockey féminin. Quant à elle, la LPHF offre à ses joueuses un salaire minimum d’au moins 47 000 dollars canadiens par an, et exige qu’un maximum de neuf joueuses par équipe toucheront ce salaire minimum. Les joueuses les plus payées pourraient toucher plus de 109 000
dollars canadiens, bien que les salaires spécifiques ne soient pas publiés. Ce nouveau salaire permettrait aux joueuses de se concentrer sur leur carrière sportive, sans avoir à compléter leur revenu avec des emplois externes.

Plusieurs droits qui n’étaient pas garantis par les ligues précédant la LPHF sont maintenant offerts aux joueuses de la nouvelle ligue, notamment une assurance santé stable, un plan de retraite, des bonus et des congés de maternité. Ces derniers permettent notamment aux hockeyeuses d’avoir des enfants et une carrière professionnelle simultanément, servant à déstigmatiser la grossesse chez les athlètes.

Il est cependant important de noter que les inégalités perdurent, et que comparativement à leur homologue masculin, la Ligue nationale de hockey (LNH), les salaires des joueuses restent insuffisants. Le salaire débutant pour un joueur de la LNH est de plus d’un million de dollars canadiens, comparé au salaire minimum auquel plusieurs joueuses de la LPHF touchent. De plus, la couverture médiatique limitée du hockey féminin, tout comme la quantité minimale d’investissements dans les équipes de la LPHF font contraste à l’envergure du hockey masculin. Ces différences entre la LNH et la LPHF témoignent des inégalités systémiques qui continuent d’affecter les sportives de carrière. Il reste de l’espace pour les avancées féministes dans le hockey professionnel.

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L’escalade aux Jeux olympiques de Paris https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/lescalade-aux-jeux-olympiques-de-paris/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55172 Une discipline sportive qui témoigne de sa popularité grandissante.

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Du 26 juillet au 11 août 2024, plus de 32 disciplines et 329 évènements sportifs seront mis à l’honneur à l’occasion des Jeux olympiques qui auront lieu à Paris. Parmi ces 32 disciplines, 28 sont des sports connus du grand public, et quatre sont des sports additionnels, proposés par des comités organisationnels dans l’optique de raviver l’intérêt des jeunes pour le sport. En 2024 ce sont le surf, le breakdance, la planche à roulettes et l’escalade qui s’ajoutent au monde olympique.

L’escalade comme discipline olympique

L’escalade a fait son entrée dans le monde olympique en 2021 lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Ce sport était initialement présenté dans une épreuve combinant trois disciplines : la vitesse, le bloc et la difficulté. Le parcours de vitesse est un contre-la-montre en duel sur un mur de grimpe de 15 mètres. La discipline de vitesse a lieu en phases éliminatoires jusqu’à la dispute de la médaille d’or et d’argent. Le bloc est une épreuve beaucoup plus technique, où les athlètes grimpent le plus de routes possible sur une hauteur de moins de 4,5 mètres, le plus rapidement et avec le moins de tentatives possibles. Quant à l’épreuve de difficulté, elle exige aux athlètes de grimper le plus haut possible sur un parcours complexe d’une hauteur de quinze mètres dans un délai de six minutes. Les trois disciplines sont notées indépendamment par les juges. L’athlète avec le temps cumulatif le plus bas remporte les Jeux.

À l’approche de la seconde instance de ce sport aux Jeux Olympiques, de nouvelles règles ont été ajoutées par le Comité d’organisation des Jeux olympiques 2024 afin de prendre en compte la complexité de ce sport. Il y aura maintenant deux épreuves d’escalade distinctes : une compétition de vitesse et une compétition combinant le bloc et le parcours de difficulté. Ces changements au sein de la discipline s’expliquent par son caractère multidimensionnel, qui englobe l’agilité, la force, la vitesse et la résolution de problèmes. Au sein de ce nouveau format, deux champions olympiques d’escalade seront décernés, un pour chaque épreuve, afin de mettre en valeur les divers talents du sport.

Un coup de jeunesse

L’insertion de la discipline d’escalade sportive en 2020 s’inscrit dans la visée qu’ont les Jeux olympiques de combiner l’histoire et la tradition avec l’innovation et la jeunesse. L’escalade est un sport majoritairement jeune, avec 39% des athlètes ayant moins de 18 ans. De plus en plus de sportifs s’initient à cette discipline en raison de son originalité, qui la différencie des autres sports. Au Canada, la popularité de ce sport est évidente : Montréal et
ses environs comptent onze centres d’escalade intérieurs, et il en existe quarante à travers le Québec. Dû à cette montée en popularité, les Jeux olympiques ont cherché à modeler l’escalade en sport olympique afin de capter l’intérêt des jeunes, une décision qui s’avère essentielle pour maintenir la popularité et la pérennité des Jeux Olympiques.

La délégation canadienne

Les Jeux Olympiques de Paris approchent à grands pas et les qualifications pour la délégation canadienne sont imminentes. 68 places distribuées entre les hommes et les femmes sont à gagner lors de différentes compétitions de qualifications. En 2021, à Tokyo, la délégation canadienne des Jeux olympiques est parvenue à qualifier deux athlètes : Alannah Yip et Sean McColl, qui se sont positionnés 17e et 14e dans leurs épreuves respectives. Yip a d’ailleurs réussi à décrocher un record canadien dans l’épreuve de vitesse, avec un temps de 7,99 secondes.

Pour les Jeux de Paris 2024, la délégation canadienne a de plus grandes attentes. C’est lors des Olympic Qualifier Series, qui se tiendront à Shanghai du 16 au 19 mai et à Budapest du 20 au 23 juin, que les athlètes auront la chance de sécuriser leur place aux Jeux de cet été.

Trois athlètes canadiens prendront part aux qualifications olympiques, dans l’épreuve du bloc : Alannah Yip, athlète féminine de 30 ans, originaire de la Colombie-Britannique, participera à la discipline du bloc ; Sean McColl, athlète masculin de 36 ans, également originaire de la Colombie-Britannique ; et Oscar Baudrand, athlète québécois âgé de 18 ans. Il reste donc à voir si les athlètes canadiens parviendront à se qualifier pour les Jeux de cet été, faisant ainsi rayonner le Canada et l’escalade à l’international.

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Instrumentalisation de la religion à des fins militaires https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/instrumentalisation-de-la-religion-a-des-fins-militaires/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55029 Un portrait du rôle de la foi dans le conflit Israël-Hamas.

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Le 18 février dernier, le ministre israélien Benny Gantz, du cabinet de guerre de Benyamin Netanyahou, a déclaré que « si d’ici le Ramadan, les otages ne sont pas revenus à la maison, les combats continueront partout, y compris dans la région de Rafah ». Ce message s’inscrit dans le contexte de bombardements massifs de la bande de Gaza par Israël depuis le 7 octobre, tuant plus de 30 000 civils jusqu’à aujourd’hui. Environ 1,3 millions de déplacés gazaouis sont aujourd’hui coincés à Rafah, ville frontalière de l’Égypte. Des experts des droits humains condamnent les conditions de vie inquiétantes et la famine qui touche la population, constituée en grande partie de femmes et d’enfants. Alors que le Ramadan arrive à grands pas, le gouvernement israélien compte utiliser cette période religieuse pour faire valoir ses intérêts, et réaliser ses objectifs de guerre. Afin de mieux comprendre le rôle que la religion joue au sein du conflit Israël-Hamas, Le Délit s’est entretenu avec Norman Cornett, ancien professeur d’études religieuses à McGill.

Une instrumentalisation du calendrier

Le conflit actuel entre Israël et le Hamas s’inscrit dans le contexte de tensions historiques entre Israël et les pays arabes voisins, notamment avec la guerre des Six jours en 1967, ou encore la guerre du Kippour en 1973. Ces guerres ont des liens intrinsèques avec la religion, puisqu’Israël se situe sur le territoire de la Palestine, d’où proviennent les trois principales religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Cornett explique que les calendriers religieux ont joué un rôle historique dans l’ensemble des conflits militaires impliquant Israël et ses voisins. Le professeur donne l’exemple de la guerre du Kippour, qui tient son appellation en raison du moment où cette dernière a éclaté : le 6 octobre 1973, le jour du Yom Kippour, « la fête la plus saine du calendrier juif ». Le professeur revient par la suite sur l’attaque menée par le Hamas sur le territoire israélien en octobre dernier : « Rappelons quelle était la date de l’attaque du Hamas. Le 7 octobre 2023 c’était un samedi, donc le shabbat, la journée la plus vulnérable dans la semaine juive. »

En plus d’être stratégiques, le professeur considère que ces instrumentalisations des calendriers religieux correspondent à des « armes de destruction psychologique massive. Parce que vous touchez le tréfonds de ce qui est le plus cher en tant que musulman ou en tant que juif ».

« Puiser dans les écritures, qu’elles soient coraniques, ou qu’elles soient hébraïques, cela donne carte blanche pour atteindre n’importe quelles fins militaires et politiques »

La religion comme arme de guerre
Le professeur nous explique que depuis le 7 octobre, Netanyahou n’a cessé d’utiliser la religion pour justifier ses opérations à Gaza, décriées par de nombreux acteurs de la communauté internationale comme génocidaires et correspondant à des crimes de guerre. Pour Cornett, « les textes religieux de la Torah, la loi divine juive, sont devenus le leitmotiv de Netanyahou à Gaza ». Netanyahou cite de manière fréquente des textes hébraïques de la Torah dans ses discours, détournant les narratifs et les valeurs de la religion juive pour légitimer ses opérations militaires. Le professeur ajoute : « Puiser dans les écritures, qu’elles soient coraniques, ou qu’elles soient hébraïques, cela donne carte blanche pour atteindre n’importe quelles fins militaires et politiques. » Cette utilisation de la religion comme justification et sacralisation d’actes de guerre, de meurtres et de violation des droits de l’homme a un précédent, et se retrouve directement dans le concept de guerre sainte. Les croisades avaient déjà marqué le Moyen-Âge par des décennies de violences, et plus récemment, les actions de groupes terroristes comme Daech se sont aussi inscrites dans cette légitimation de violence et de haine. Pour Cornett, ce que fait Netanyahou actuellement est aussi « devenu une guerre sainte, et foncièrement haineuse. »

Cornett explique qu’alors même que cette instrumentalisation est basée sur les textes religieux, elle s’écarte justement de ces derniers : « Aussi bien dans le cas du Hamas que dans le cas de Benjamin Netanyahou, la religion est utilisée uniquement à des fins politiques. Pour le Hamas, est ce que c’est vraiment l’islam qui compte? Et dans le cas de Netanyahou? Il est juif sioniste, mais est ce qu’il se sert du judaïsme? Est ce que c’est vraiment le judaïsme qu’il veut préserver? »

Alors même qu’ils prétendent servir la religion, ceux qui s’en servent à des fins militaires contredisent directement ses principes. « Dans le cas de la Torah comme dans lecas du Coran, commettre un meurtre, c’est le crime capital. Il y a des conséquences extrêmement graves. » Mais le professeur Cornett explique que c’est une boucle bouclée : puisque c’est le crime capital, « il faut que ce soit commandé par Dieu, et cela vient donc non seulement justifier la mort, mais même la sanctifier, voire la sacraliser. »

« Si jamais Netanyahou se montrait ouvert à l’idée d’un apaisement ou d’un État palestinien, il perdrait les ministres de son cabinet »

Un ultimatum : Rafah et le Ramadan.


Le gouvernement israélien est rendu à un point de non-retour, la crise humanitaire s’accentue et l’offensive imminente contre Rafah inquiète tous les pays occidentaux. Maintenant, le gouvernement israélien est confronté à une impasse entre les puissances occidentales et les nationalistes ultra-religieux du gouvernement d’Israël, dont le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, explique le professeur Cornett. Les puissances occidentales se sont montrées compréhensives envers Israël après le 7 octobre, puisque « tout le monde était d’accord qu’ils avaient le droit de se défendre. Par contre, il [le gouvernement Netanyahou, ndlr] est en train de brûler cette bonne volonté de la part des ÉtatsUnis, de l’Union européenne, de la GrandeBretagne, et cela est un grand danger. » Les puissances occidentales ont lancé plusieurs fois des avertissements à Israël afin que l’État cesse ses offensives contre Gaza, tandis que les nationalistes ultra-religieux réclament la poursuite des offensives, présentant même un plan d’après-guerre pour Gaza. Le professeur Cornett explique que les tensions montent au sein du cabinet israélien : « Netanyahou se trouve tellement coincé. Si jamais il se montrait ouvert à l’idée d’un apaisement ou d’un État palestinien, il perdrait les ministres de son cabinet, qui sont parmi les nationalistes religieux les plus farouches en Israël. » S’ajoutant à cela, il reste encore 129 otages sous l’emprise du Hamas et leurs familles intensifient leurs demandes au gouvernement israélien. Professeur Cornett inscrit l’ultimatum lancé au Hamas par Israël dans cette lignée : « il [Netanyahou, ndlr] doit satisfaire l’électorat qui est en colère, avec raison, contre lui. Il y a une épée à double tranchant et c’est la raison pour laquelle il a lancé les défis du Ramadan. » Le 10 mars, premier jour du Ramadan, sera une journée décisive dans le conflit Israël Hamas si le gouvernement israélien attaque Rafah, où plus d’un million de personnes sont entassées dans des conditions de vie horribles.

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Grève de la faim pour Gaza à McGill https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/greve-de-la-faim-pour-gaza-a-mcgill/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55033 Pression croissante sur l’administration de l’Université

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Le lundi 19 février à minuit, plusieurs étudiant·e·s de McGill ont entamé une grève de la faim afin d’inciter l’administration de l’université à « désinvestir et boycotter les entreprises qui contribuent au financement du génocide et de l’apartheid » qui prend place sur la bande de Gaza actuellement. Le Délit s’est entretenu avec les étudiant·e·s participant à cette action. Nous avons rencontré Rania, qui poursuit actuellement une grève de la faim à durée indéfinie, et Rox*, qui contribue à l’organisation administrative de l’action étudiante.

« Grève de la faim pour la Palestine »

La grève de la faim n’est pas organisée par une association étudiante en particulier, mais plutôt par un groupe d’étudiant·e·s qui se sont organisé·e·s de manière indépendante, autour d’un compte Instagram créé pour l’occasion : @mcgillhungerstrike. Rania précise la composition de leur groupe : « Actuellement, on a deux personnes, incluant moi, qui font une grève de la faim de manière indéfinie, et d’autres qui la font pendant 24h, ou pendant deux, trois ou quatre jours de suite. Et puis il y a aussi d’autres personnes qui font partie de l’équipe et s’occupent de l’organisation et des médias. »

Rania ajoute néanmoins que leur équipe devient « chaque jour de plus en plus grande. Donc ce nombre [douze personnes, ndlr] va définitivement augmenter ». En effet, le mouvement a rapidement eu un écho significatif sur le campus. Leur compte Instagram culmine aujourd’hui à plus de 700 abonné·e·s, alors que ce dernier a été créé « seulement une semaine avant le début de la grève », précise Rox.

« S’asseoir en classe, c’est difficile. Je n’arrive pas à me concentrer. Je suis toujours fatiguée. Honnêtement, juste le fait de bouger, comme la marche jusqu’à mon arrêt de bus, c’est très difficile »

Rania

Les demandes

Cette grève de la faim intervient dans le but de presser l’université à agir de deux manières. « Les demandes sont très, très simples. On fait juste reprendre les demandes d’autres groupes étudiants pro-palestiniens sur le campus de l’université. »

La première requête consiste à demander à McGill d’écouter et de se plier aux demandes des étudiants qui avaient été faites au travers du vote favorable de la « Politique contre le génocide en Palestine » par les étudiants de l’AÉUM, lors du référendum du semestre d’automne 2023. Cette politique demandait notamment à l’Université, au nom de tous le corps étudiant du premier cycle, de « condamner la campagne de bombardements génocidaires et le siège à l’encontre de la population de Gaza », ainsi que de « couper immédiatement les liens avec toute entreprise, institution ou personne complice de génocide, de colonialisme, d’apartheid ou de nettoyage ethnique à l’encontre des Palestinien·ne·s ».

En revanche, cette politique n’avait pas pu être adoptée par le conseil exécutif de l’AÉUM, en raison d’une injonction de la Cour supérieure du Québec, bloquant cette ratification jusqu’au 25 mars 2024.

Une deuxième demande est de mettre en place un « boycott académique », et de procéder à un arrêt des relations inter-universitaires entre McGill et les universités « problématiques ». Rox précise sa pensée : « Je dis “problématique”, mais c’est même un petit peu réducteur… on s’entend. On parle d’universités qui sont en territoire occupé, ce qui brise la quatrième convention de Genève. On ne veut pas que notre argent soit utilisé pour ce type d’investissements ni pour maintenir des liens académiques qui normalisent l’apartheid et l’occupation. »

Après cinq jours de grève de la faim – c’est-à-dire un arrêt total de l’ingestion de nourriture solide – Rania nous explique les impacts de cette action sur son quotidien. Elle explique : « s’asseoir en classe, c’est difficile. Je n’arrive pas à me concentrer. Je suis toujours fatiguée. Honnêtement, juste le fait de bouger, comme la marche jusqu’à mon arrêt de bus, c’est très difficile. »

La réponse de McGill

Les grévistes ont communiqué avec l’Université, et ont publié leurs échanges sur leur page Instagram. Dans les échanges, McGill semble surtout mettre en avant le fait que les grévistes doivent être prudent·e·s et faire attention à leur santé. Rania considère néanmoins que McGill fait uniquement cela pour « se protéger » , et se donner bonne image : « Nous, on aimerait plutôt qu’ils [l’administration, ndlr] adressent la raison qui nous pousse à faire cette action. » Rox ajoute qu’ « il y a une sorte de dissonance. Les gens s’inquiètent pour nous, mais on ne voit pas autant d’intérêt et d’inquiétude [pour la population de la bande de Gaza, ndlr]. C’est comme si c’était normal là-bas [la souffrance, ndlr], et qu’ici, ça ne devrait pas l’être, alors on remarque un double standard. »

*Nom fictif

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Gaza n’est pas un vase clos https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/gaza-nest-pas-un-vase-clos/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55034 Bombardements au Liban, stabilité régionale, et tensions en Égypte.

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Le 19 février dernier, deux frappes israéliennes ont touché Ghaziyeh, un village au sud du Liban, à environ 60 km de la frontière avec Israël. Depuis les attaques du 7 octobre, toute l’attention est portée sur Gaza, et pourtant, les conséquences de ce conflit sont régionales : la violence dépasse les frontières, notamment celle entre Israël et le Liban. Depuis cinq mois, Israël et le Hezbollah, le principal groupe armé du Liban aujourd’hui considéré par de nombreux gouvernements comme groupe terroriste, s’échangent des frappes aériennes, faisant plusieurs centaines de morts dans les deux camps, majoritairement des combattants du côté libanais et des soldats du côté d’Israël.

Le Délit s’est entretenu avec Ferry de Kerckhove, ancien ambassadeur du Canada en Égypte, et Sami Aoun, politologue et professeur émérite à l’Université de Sherbrooke pour éclaircir et contextualiser les développements récents du conflit à Gaza.

Bombardements au Liban

Les frappes israéliennes du 19 février à Ghaziyeh sont précédées par une série d’autres attaques. Le 14 février, une mère et ses deux enfants à Sawwaneh, et cinq membres d’une famille à Nabatiyeh ont été tués par des contre-attaques israéliennes au Liban. Depuis le 7 octobre, environ 268 libanais, en grande partie des membres du Hezbollah, ont été tués par l’armée israélienne. La violence entre Israël et le Hezbollah n’est pas restreinte au sud du Liban. Le 3 janvier 2024, un missile israélien a frappé un bâtiment en banlieue de Beyrouth, tuant Saleh Al-Arouri, le numéro deux du Hamas. Plusieurs analystes concluent qu’à travers ces attaques qui ciblent majoritairement des membres du Hezbollah, l’armée israélienne essaie d’élargir l’existante zone militaire tampon à la frontière en rendant le sud du Liban inhabitable aux civils. Ceci a eu pour conséquence le déplacement de près de 86 000 Libanais dans les quatre derniers mois.

Des tensions historiques entre Israël et le Hezbollah

La violence de part et d’autre de la frontière entre le Hezbollah et Israël n’a rien de nouveau. La milice perpétue des attaques à basse intensité dans la région tampon, initialement mise en place par les casques bleus de l’ONU autour de la frontière depuis plusieurs années déjà. C’est en 1982, en réponse à l’invasion terrestre de l’armée israélienne pendant la guerre civile libanaise (1975–1990), que le Hezbollah a été créé, et c’est en 2006 qu’Israël et la milice se sont affrontés sur le territoire libanais. De Kerckhove explique : « le Hezbollah est devenu la bête noire d’Israël après son retrait de celui-ci du Liban en 2006. » En effet, alors qu’Israël était entré au Liban afin d’éradiquer le Hezbollah, cette intervention s’est terminée en échec pour Israël. Depuis, le Hezbollah sert de levier à l’Iran pour faire pression sur Israël.

Le Hezbollah et l’Iran

Le Hezbollah est « le joyau de l’expansion iranienne et de son renforcement dans la région », et grâce à son financement par l’Iran, il «constitue une énorme nuisance pour Israël, » explique Aoun. Ce financement se traduit par la loyauté inconditionnelle du Hezbollah envers l’Iran, selon Aoun. En effet, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a admis obéir au pied de la lettre aux ordres de Khamenei, chef d’État Iranien. Aoun explique : « le Hezbollah donne à l’Iran un mot à dire dans la région, le sort de son statut d’État paria, et l’aide à se situer au sommet d’un nouvel ordre régional. » C’est pourquoi l’Iran est préparé à financer le Hezbollah à un niveau très élevé.

En plus de son idéologie islamiste radicale, l’Iran, depuis sa révolution en 1979, est profondément opposé à l’existence d’un état israélien, qu’il perçoit comme un oppresseur étranger de la population palestinienne. Depuis, les deux s’engagent dans des affrontements par procuration, et la subordination totale du Hezbollah au régime iranien profondément anti-Israël se traduit en un conflit perpétuel entre Israël et le Hezbollah. C’est pourquoi, selon Aoun, « le rôle du Hezbollah est celui de distraction de l’armée israélienne, et de soutien au Hamas. Le Hamas et le Hezbollah ont également des affinités comme groupes islamistes radicaux, bien que le Hamas ne paye pas d’allégeance doctrinale envers l’Iran ».

« Le Hezbollah donne à l’Iran un mot à dire dans la région, le sort de son statut d’État paria, et l’aide à se situer au sommet d’un nouvel ordre régional »

Professeur Sami Aoun

Aux yeux du gouvernement Israélien, le Hamas et le Hezbollah sont également étroitement liés. Le professeur Aoun explique que « pour les israéliens, l’attaque qui a été menée par le Hamas le 7 octobre, était similaire à une attaque qu’ils anticipaient du Hezbollah pour occuper la Galilée [région du nord d’Israël, ndlr] ». Bien qu’il n’y ait pas de sources confirmant qu’une telle attaque se préparait, Israël craignait en effet une invasion surprise terrestre du Hezbollah comme celle menée par le Hamas en octobre.

Potentiels développements

Bien que la violence ne soit pas aussi extrême qu’elle l’a autrefois été, la stabilité du Liban ne tient qu’à un fil selon De Kerckhove : « Netanyahou ne serait pas malheureux que quelques fusées du Hezbollah viennent causer des dommages en Israël. » Il explique que le Liban reste un pays où se situe l’ennemi juré d’Israël, un ennemi qui éprouve une réticence à s’impliquer dans le conflit à Gaza à grande échelle : « le Hezbollah sait très bien que Netanyahou demande seulement que la milice se lance dans une guerre contre Israël, et à ce moment, il [Netanyahou, ndlr] mettrait toutes ses forces pour détruire le Hezbollah, et même le Liban. » Une escalade des tensions entre le Hezbollah et Israël est donc envisageable, selon lui.

Aoun affirme cependant qu’Israël n’envisage que deux scénarios d’évolution de ses relations avec le Hezbollah. Un premier serait la continuation de frappes à basse intensité contre le Hezbollah. Le deuxième serait la conclusion d’une entente mandatant le recul du Hezbollah de 10 km de la frontière, le démantèlement des unités combatives de la milice et la délimitation des frontières libano-israéliennes, de manière à sécuriser une zone militaire tampon à la frontière. Bien qu’il soit difficile de prédire les développements du conflit sud-libanais, Aoun conclut « qu’Israël n’acceptera pas un retour au statu quo [d’avant le 7 octobre, ndlr] ».

La violence à la frontière, qui pour le moment est constituée de frappes aériennes, n’en est pas pour autant extrême. Le Professeur Aoun note en effet que le Hezbollah a des considérations pour la population libanaise, et adopte donc un certain pragmatisme dans sa façon de faire. « Il prend en considération la communauté chiite dans le sud Liban, et est soucieux de lui faire éviter des tragédies comme celles de Gaza. » Ce pragmatisme est reflété dans l’engagement du Hezbollah, qui ne dépasse pas les 5–6 kilomètres de la frontière du côté israelien, tandis qu’Israël provoque et frappe à près de 60 kilomètres du côté libanais. Aoun souligne aussi la supériorité technologique d’Israël, qui force le Hezbollah à être plus consciencieux dans son approche afin de limiter les dommages et la réponse israélienne. De Kerckhove confirme également que « si le Hezbollah se décidait à attaquer Israël, ce serait la fin du Liban dès le lendemain ».

De plus, bien que le sud du Liban ait toujours été instable, la violence à laquelle on assiste depuis quelques semaines est très différente de celle qu’on voit depuis des années. Le professeur explique : « Après la guerre de 2006 [entre Israël et le Liban, ndlr], il y a eu quelques morts seulement », mais depuis quelque temps, la violence accroît, et d’autres acteurs s’introduisent, comme le groupe politique Amal.

La stabilité précaire du pays est également liée a la politique locale, selon Aoun. « Le gouvernement libanais n’exerce pas sa souveraineté sur le territoire et s’aligne entièrement avec le Hezbollah. » Ce dernier est donc l’interlocuteur réel de toute tractation diplomatique avec d’autres pays de la région, que ce soit dans la démarcation des frontières ou dans la défense du pays. Le Professeur souligne le rôle insignifiant de l’armée, et affirme que « l’État libanais est semi-failli ». Le Hezbollah, en tant qu’interlocuteur international principal, a conditionné un cessez-le-feu à la frontière avec un cessez-le-feu à Gaza, « donc la stabilité du Liban à été conditionnée à celle de Gaza ».

Une déstabilisation régionale

Les conséquences du conflit ne sont pas limitées au territoire libanais. Ferry de Kerckhove affirme que « la guerre contre Gaza est en train de désolidariser les pays arabes, incluant les pays qui ont signé les Accords d’Abraham ». Ces accords bilatéraux de paix, conclus depuis 2020 entre Israël, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc, normalisent les relations diplomatiques entre les signataires. Ils continuent d’être négociés avec plusieurs autres pays de la région, notamment l’Arabie Saoudite, et sont donc seulement partiellement négociés. Ces accords marquent un point tournant depuis la ratification de la Résolution de Khartoum en 1967 par ces pays membres de la Ligue arabe, une résolution qui refusait la reconnaissance de l’État d’Israël. Les accords d’Abraham indiquent donc la volonté de ces quatre pays arabes d’adopter une position plus modérée par rapport au conflit israélo-palestinien et de normaliser leurs relations avec Israël.

De Kerckhove explique : « Ces accords sont importants parce que la normalisation des relations diplomatiques entre les pays arabes et Israël, se fait pour le profit de la région. Ceci ne règle pas le conflit avec la Palestine, mais les accords sont fondamentaux sur le plan politique de la région. La coopération économique entraînée pourrait enfin changer la teneur générale de la région. » Cependant, le conflit à Gaza met en péril la perdurance de ces accords. Il poursuit : « la plus grande partie de ces accords, entre Israël et l’Arabie saoudite, n’ont pas été ratifiés. Les négociations allaient bien, jusqu’à l’attaque du 7 octobre ». Le Prince Khalid Bin Bandar, ambassadeur saoudien au Royaume Uni, a en effet annoncé que la normalisation des relations diplomatiques avec Israël ne se ferait pas au dépend de la population palestinienne, et qu’il serait hors de question que les négociations se poursuivent tant qu’un État palestinien n’existait pas.

« La tentative de Netanyahu d’expulsion ne passera certainement pas en Égypte, vu son potentiel destructeur pour le pays »

Ferry de Kerckhove

De Kerckhove ajoute également que seule l’Arabie saoudite a suffisamment de poids sur la balance régionale pour forcer Israël à accepter la création d’un État palestinien. Une entente de paix entre les deux pays renforcerait la légitimité d’un État israélien aux yeux de la population arabe, et constituerait donc en un obstacle considérable aux mandat anti-Israël du Hamas.

Développements en Égypte

L’historique des mouvements de masse entre la bande de Gaza et le Sinaï, région hautement militarisée de l’Égypte, a poussé le gouvernement égyptien à entreprendre la construction de murs frontaliers, visant à empêcher l’entrée de réfugiés palestiniens. Ferry de Kerckhove explique le raisonnement égyptien derrière de telles mesures. Selon lui, la réticence égyptienne à accepter les Gazaouis s’explique en trois points. Premièrement, après avoir expulsé les derniers Gazaouis de chez eux, les Israéliens vont prendre possession de Gaza de manière permanente, et les réfugiés palestiniens en territoire égyptien n’auront plus la possibilité de rentrer chez eux. Deuxièmement, « le Hamas a une idéologie très similaire à celle des Frères musulmans, or les Frères musulmans sont ennemis du gouvernement du président Sisi ». Troisièmement, l’Égypte a déjà accueilli deux millions de réfugiés soudanais depuis le début de la crise au Soudan, et est donc réticente à en accepter d’autres venant de Gaza. « Autrement dit, la tentative de Netanyahu d’expulsion [de tous les Palestiniens actuellement à Rafah, ndlr] ne passera certainement pas en Égypte, vu son potentiel destructeur pour le pays, » conclut de Kerckhove.

Alors que le gouvernement de Netanyahu a annoncé une attaque terrestre imminente de l’armée israélienne à Rafah, ville frontalière dans laquelle le gouvernement Israélien avait poussé les palestiniens du Nord de la bande de Gaza à aller se réfugier, les tensions restent élevées entre l’Égypte et Israël.

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« Plus jamais de soeurs volées » https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/plus-jamais-de-soeurs-volees/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55059 Hausse alarmante du nombre de féminicides au Québec en 2024.

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La tranquillité de la petite municipalité de Saint-Basile-le-Grand a été violemment interrompue pendant la nuit du 19 février dernier, lorsqu’un homme a attaqué sa conjointe avec une arme blanche. Les événements sont survenus aux alentours de 23h30 dans une maison familiale de la rue Ménard. Les deux enfants de la victime, présents dans la demeure au moment des faits, se sont empressés d’appeler les secours. La femme a été retrouvée grièvement blessée et transportée à l’hôpital, où son décès a été constaté. L’homme de 53 ans a été placé en détention, accusé de meurtre au deuxième degré de sa conjointe, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication. Cet incident marque le quatrième féminicide enregistré en seulement une semaine dans la province québécoise. En comparaison, l’année 2023 comptabilisait sept cas au total, selon le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Un bilan inquiétant

Le terme « féminicide » est souvent limité aux meurtres conjugaux. Pourtant, la violence contre les femmes dépasse les frontières du foyer conjugal. En effet, la définition de féminicide s’étend à n’importe quel meurtre
d’une femme en raison de son sexe. Bien que les meurtres de femmes soient fréquemment perpétrés par des partenaires conjugaux, ils peuvent aussi être commis par d’autres membres de la famille, des étrangers, voire par des agents de l’État. Réduire le féminicide à des meurtres conjugaux invisibilise d’autres réalités de violence.

L’année 2024 a débuté avec un féminicide dans la région de Granby, en Estrie, où Chloé Lauzon-Rivard, jeune femme de 29 ans, a été retrouvée morte dans son appartement. Son conjoint a été appréhendé par la police le 5 janvier, et depuis, a été formellement accusé de meurtre au deuxième degré. Le suspect avait de nombreux antécédents judiciaires, dont des menaces et voies de faits à l’égard d’une ex-conjointe, en 2021. À cette première tragédie, d’autres viennent bientôt s’ajouter. Le 26 janvier, à Pointe-aux-Trembles, le corps sans vie de Narjess Ben Yedder, femme de 32 ans, est découvert dans son appartement par les autorités policières. Elle était alors enceinte de huit semaines. Les tentatives de réanimation se sont avérées vaines et le décès a été constaté sur les lieux. C’est le mari de la jeune femme qui, après l’avoir poignardée plus de vingt fois, aurait contacté les services d’urgence. L’homme de 42 ans est arrêté le matin même et comparait en soirée devant le Palais de justice de Montréal pour un chef d’accusation de meurtre au deuxième degré.

« Réduire le féminicide à des meurtres conjugaux invisibilise d’autres réalités de violence »

Le bilan s’alourdit le 12 février, lorsque la Sûreté du Québec a découvert les corps de Jean-Guy Forest, 82 ans, et celui de sa femme, Lorraine Marsolais, 80 ans, dans la maison de retraite l’Épiphanie, au cœur de la région de Lanaudière. Féminicide présumé, le meurtre de Mme Marsolais aurait été perpétré par son propre conjoint, avant qu’il s’enlève la vie avec une arme à feu.

Seulement trois jours plus tard, soit le 15 février, un drame survient dans un immeuble résidentiel situé à Vaudreuil-Dorion. Fabio Puglisi attaque sa mère à coups de couteau, avant de s’en prendre à deux voisines. La mère, ainsi que la voisine de 53 ans, Manon Blanchard, ne survivent pas à leurs blessures. La troisième victime, Nighat Imtiaz, septuagénaire, est transportée à l’hôpital, où son état se stabilise. Puglisi, 44 ans, est accusé de meurtres au deuxième degré et de tentative de meurtre. Le tribunal ordonne son internement dans un hôpital psychiatrique pour une durée de 30 jours avant sa comparution. En effet, le suspect a de longs antécédents de maladie mentale. Il est d’ailleurs jugé non criminellement responsable pour des infractions préalables en 2012 et 2020 en raison de ses troubles de santé mentale.

Victimes invisibles

Dans le paysage des féminicides, les voix des femmes autochtones restent souvent étouffées. Deux récents drames dans le Nord-du-Québec révèlent l’ampleur de cette injustice. Au printemps dernier, deux femmes autochtones ont été victimes de féminicides commis par leur conjoint, des tragédies passées inaperçues. Ce n’est qu’en septembre que les médias relaient l’information. Stephanie Kitchen, résidant à Wemindji, aurait été tuée le 24 mars par son conjoint, qui a depuis été inculpé de meurtre. À Inukjuak, Raingi Tukai, 38 ans, est portée disparue au début du mois de mai et retrouvée morte peu de temps après. Son partenaire a été arrêté dans le cadre de l’enquête. Ces cas tragiques, qui auraient pu être des alertes pour une action préventive, ont été ignorés, relégués à l’ombre des statistiques officielles.

Les récents féminicides enregistrés au Québec, dont le tragique événement survenu à Saint-Basile-le-Grand, soulignent une tendance alarmante de violence conjugale contre les femmes. Cependant, ces tragédies ne capturent qu’une partie du problème ; les données révèlent une triste réalité : les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles d’être tuées par leur conjoint, et près de 20 % des victimes de meurtre par des hommes sont autochtones. En effet, les femmes autochtones représentent près de 36 % des victimes de féminicides, malgré le fait qu’elles ne constituent que 5 % de la population, selon le dernier rapport de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilité (OCFJR). Ces cas sont largement ignorés dans les médias, ce qui soulève des questions sur l’attention insuffisante portée aux femmes autochtones dans les discussions sur la violence conjugale et la nécessité d’une sensibilisation accrue sur cette question.

« Le féminicide ne peut être réduit à des statistiques ou à des cas isolés – il s’agit d’une manifestation de la misogynie systémique et de l’inégalité profondément enracinée »

L’urgence d’agir

Le 14 février dernier, plusieurs manifestants ont pris d’assaut les rues de Montréal pour réclamer justice pour les femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées. Rassemblés sous le signe du projet Iskweu – initiative du Foyer pour femmes autochtones de Montréal – les organisateurs et les participants ont mis en avant les noms et visages des victimes, rappelant ainsi la réalité terrible de ces pertes et la nécessité de lutter sans répit contre la violence à l’égard des femmes autochtones. Sur les pancartes brandies, nous pouvions lire « Plus jamais de soeurs volées ». Bien que l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ait mené à plusieurs appels à l’action, les militants considèrent que peu de progrès ont été réalisés. L’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) déplore la réponse inadéquate du gouvernement face à cette crise persistante, affirmant que le plan d’action et les paroles du gouvernement fédéral doivent être accompagnés d’actions concrètes pour mettre fin à cette violence endémique. Le 22 février dernier, Les Voix féministes de Charlevoix ont organisé deux rassemblements pour dénoncer les trois féminicides survenus au Québec en une semaine seulement. Les organisations locales, notamment la Maison La Montée, le CALACS de Charlevoix, le Centre des femmes de Charlevoix et le Centre-Femmes aux Plurielles, ont uni leurs voix pour briser le silence et exiger que le gouvernement fasse de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants une priorité.

Briser le silence

La succession tragique de féminicides au Québec résonne comme une alarme retentissante, réclamant une action urgente et un changement systémique. Des vies brisées, des familles déchirées, des communautés endeuillées – le bilan de cette violence insensée est lourd et insupportable. Alors que les noms et les visages des victimes sont portés haut dans les rues de Montréal et de Charlevoix, le silence et l’inaction ne sont plus tolérables. Le féminicide ne peut être réduit à des statistiques ou à des cas isolés – il s’agit d’une manifestation de la misogynie systémique et de l’inégalité profondément enracinée. Nous sommes confrontés à une crise qui exige une réponse collective, un changement culturel et politique radical. Les voix des victimes, souvent étouffées par le silence et l’oubli, réclament justice et reconnaissance. « Plus jamais de sœurs volées » est un cri de ralliement qui doit être
entendu et honoré alors que nous nous engageons à construire un avenir où chaque femme et fille peut vivre sans crainte, en sécurité et avec dignité.

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Grève des professeur·e·s de la Faculté de droit https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/greve-des-professeur%c2%b7e%c2%b7s-de-la-faculte-de-droit/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54898 Entrevue avec le président de l’Association mcgilloise des professeur·e·s de droit

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Mardi 13 février, l’ensemble des professeur·e·s de droit de McGill, uni·e·s au sein de l’Association mcgilloise des professeur·e·s de droit (AMPD), ont fait grève, provoquant l’annulation de tous les cours de la faculté pour l’entièreté de la journée.

Officiellement créée en 2021 et accréditée en 2022, l’AMPD est le premier syndicat de professeur·e·s de l’Université McGill. Ses mandats sont pluriels, et comprennent notamment un engagement à « être une voix indépendante et collective du corps enseignant [de la faculté de droit, ndlr] » à « promouvoir un environnement de travail positif et encourageant », et, de manière plus particulière à « obtenir la certification en tant qu’unité de négociation exclusive de nos professeur·e·s et négocier la toute première convention collective entre les professeur·e·s et McGill ». Ce dernier objectif a été central aux actions de l’association depuis sa création. Les difficultés rencontrées dans ce processus de négociation avec McGill ont suscité la consternation chez les membres de l’AMPD, les poussant finalement à réaliser une grève comme dernier appel. Le Délit a rencontré Evan Fox-Decent, professeur de droit à McGill depuis 2005, et actuellement président de l’AMPD.

Des négociations difficiles

« Depuis novembre 2022, nous tentons de négocier une convention collective avec McGill pour le bénéfice de nos membres ; et dans l’intérêt, bien sûr, de l’ensemble de la communauté mcgilloise (tdlr). » Concrètement, cette convention collective aurait pour but de mieux protéger les professeur·e·s de la Faculté de droit, en les unissant au sein d’une convention commune entre ces dernier·ère·s et l’Université. En effet, le professeur Fox-Decent explique qu’aujourd’hui « presque aucun·e professeur·e [d’autres universités, ndlr] ne travaille dans le cadre d’une convention collective. Nous travaillons sur la base d’un contrat individualisé avec McGill, qui stipule que nous sommes soumis·e·s aux règlements de l’Université, qui peuvent changer de temps à autre. »

Les revendications de l’AMPD dans ces négociations se rapportent plus spécifiquement aux conditions de travail, à la gouvernance de la faculté et aux propositions monétaires. Le syndicat demande notamment des améliorations sur les conditions d’emploi et d’enseignement, une hausse des salaires, des avantages sociaux et encore, une rémunération au mérite.

Néanmoins, ces négociations ne se déroulent pas comme le syndicat le souhaitait. Le professeur Fox-Decent nous explique : « Ces négociations ont débuté il y a plus d’un an. Malheureusement, au cours de cette année, nous avons été confronté·e·s à des retards systématiques. L’administration reporte ou annule des réunions, et nous donne très peu de dates pour nous asseoir à la table des négociations. Et lorsque nous nous rencontrons, McGill s’engage systématiquement dans ce que l’on appelle parfois des négociations de surface. Nous passons, par exemple, une journée entière avec eux, à nous demander ce que nous entendons par tel ou tel mot. » Le professeur explique que la grève a donc pour but premier de dénoncer ce manque de coopération de la part de l’Université dans les négociations, en particulier les retards constants, ainsi que la trop faible fréquence des discussions. « La prochaine date qu’ils nous ont proposée pour négocier est le 22 mars, ce qui est tout simplement scandaleux. La norme dans ce secteur, et la norme générale pour les négociations collectives, est de rencontrer les parties au moins une fois par semaine, afin de maintenir l’élan. En-deçà, il est très difficile de réaliser des progrès substantiels. »


Fox-Decent ajoute que la grève a aussi été motivée par un désaccord sur le contenu des négociations en elles-mêmes. « Nous sommes parvenu·e·s à un accord, pour l’essentiel, sur la substance de ces dispositions […] mais McGill refuse d’intégrer ces réglementations dans une convention collective qui les contraint [‘‘binding’’, en anglais, ndlr]. » En effet, la structure de la convention souhaitée par McGill pourrait s’avérer détrimentale pour les membres de l’AMPD : « Ils [l’administration, ndlr] insistent sur le fait que s’ils le souhaitent, au cours de la durée de la convention collective, ils pourraient en modifier les termes. Cela nous rend nerveux·euses, nous nous demandons, en quelque sorte, ce qu’ils ont en tête. » Le professeur ajoute que cet arrangement déséquilibré souhaité par McGill rend la signature de la convention légalement impossible pour l’AMPD. « Notre devoir de représenter nos membres nous interdit de signer une convention collective qui permettrait à l’autre partie d’en modifier les termes ou d’en imposer de nouveaux à sa seule discrétion. Même si nous voulions la signer, nous ne pourrions pas le faire légalement. »

La manifestation

Pour exprimer leur colère, l’ensemble des professeur·e·s de la Faculté de droit de l’Université ont donc fait grève pendant toute la journée de mardi, après avoir voté cette décision de mobilisation en décembre dernier. Les professeur·e·s ont piqueté, bloquant ainsi les deux entrées de la Faculté de droit. « Aucun cours n’a été donné pour autant que nous le sachions. Nos collègues, tous·tes les professeur·e·s à temps plein, sont resté·e·s à l’écart. Les étudiant·e·s ne voulaient pas franchir le piquet de grève. La Faculté de droit a donc bien été fermée ». Aux alentours de midi, les professeur·e·s regroupé·e·s se sont par la suite dirigé·e·s vers le bâtiment de l’administration, devant lequel ils·elles ont manifesté, et certain·e·s ont pris la parole. Le professeur Fox-Decent souligne l’ambiance positive ressentie au cours de la journée, et le soutient que d’autres professeur·e·s, n’appartenant pas à la faculté de droit, et les élèves leur ont apporté. « Un très grand nombre de personnes nous ont soutenu toute la journée. […] Nous avions des membres de MAUT [Association des professeur·e·s et bibliothécaires de McGill, ndlr], des membres de MCLIU, le syndicat des chargé·e·s de cours de McGill, et un important contingent d’au moins sept ou huit collègues de la Faculté d’éducation. De nombreux collègues d’autres facultés, dont celle des arts et celle d’ingénierie, ainsi que des représentants de la Fédération des professeur·e·s du Québec et de l’Association canadienne des professeur·e·s d’université sont venu·e·s rejoindre les piquets de grève afin de nous soutenir. […] C’était une atmosphère très festive, une sorte de carnaval. Tout le monde s’est beaucoup amusé. Nous avions des mégaphones, des cloches, des bruiteurs et un haut-parleur Bluetooth. Nous avons pu chanter des chansons syndicales amusantes toute la journée. De plus, nous avons eu la chance de bénéficier d’une belle journée ensoleillée et de ne pas avoir trop froid. »

La réaction de l’Université

Le professeur nous apprend la réaction atypique de l’université face à cette grève. « McGill a réagi sans nous prévenir. Ils nous ont coupé l’accès à nos courriers électroniques, Onedrive et MyCourses dès minuit, le jour de la grève. Nous avons donc été complètement bloqué·e·s. Nous n’avions pas accès à nos courriels, ni à quoi que ce soit d’autre, et il n’y avait aucun moyen pour les étudiant·e·s de communiquer avec nous pendant toute la journée. » Pour le professeur, l’administration a « en quelque sorte procédé à un verrouillage électronique assidu et minutieux » des membres de l’AMPD, sans même prévenir ces dernier·ère·s de la mise en place d’une telle mesure.

Et maintenant?

Aujourd’hui, les négociations entre l’AMPD et l’administration de McGill sont toujours en cours. Le professeur Fox-Decent conclut : « Tout ce que nous voulons, c’est amener McGill à la table, pour négocier de bonne foi avec nous, afin d’obtenir une convention collective. Nous avons dit à McGill que si nous n’avons pas de convention collective d’ici le 15 avril, nous referons grève. » En décembre, les membres de l’AMPD ont voté pour cinq jours de grève pouvant être utilisés de manière consécutive ou individuelle. Le syndicat dispose donc encore de ce recours pour défendre leur cause. Les prochaines négociations entre l’AMPD et McGill auront lieu le 22 mars prochain. Malgré une demande du Délit, l’administration de McGill n’a pas souhaité faire de commentaire.

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Un indépendantisme solidaire https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/un-independantisme-solidaire/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54932 Une nouvelle campagne de Québec Solidaire promeut la souveraineté auprès des jeunes.

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Le 9 février dernier, Québec Solidaire, parti politique de gauche dirigé par les co-porte-paroles Gabriel Nadeau-Dubois et Émilise Lessard-Therrien, a annoncé une campagne destinée à rallier les jeunes au projet indépendantiste québécois.

De nouveaux arguments

Le projet proposé consiste en quatre étapes. Il demande l’élection d’un gouvernement solidaire, la création d’une assemblée représentative de la société québécoise, le développement d’une constitution à l’image de l’opinion et des inquiétudes du peuple québécois, et finalement, la déclaration de l’indépendance de ce nouveau pays.

La campagne établit un nouveau visage à l’argument souverainiste. En effet, l’idéologie est souvent associée à une vision anti-immigration tenue par une tranche de la population âgée qui avait l’âge de voter lors des deux premiers référendums sur l’indépendance du Québec en 1980 et en 1995. Lors d’une entrevue avec Radio-Canada, Ruba Ghazal, députée solidaire à la tête de cette nouvelle campagne, explique vouloir avancer une vision plus progressiste de la souveraineté. En effet, celle-ci met en lumière des enjeux précédemment exclus du discours indépendantiste, tels que l’importance des relations de nation-à-nation avec les populations autochtones en territoire québécois.

Attrait auprès d’un jeune public

La campagne lancée cible un public jeune, auprès duquel le projet indépendantiste semble présentement avoir moins d’attrait. La nouvelle génération n’a pas vécu la période des référendums, et est moins préoccupée par l’idée d’un Québec indépendant. Éric Bélanger, professeur en sciences politiques à l’université McGill écrit au Délit : « Il est certain que ce projet a le potentiel de devenir attrayant s’il est arrimé de manière convaincante aux
préoccupations (notamment environnementales) de la jeune génération actuelle. » C’est ce que Québec Solidaire tente, en notant dans leur plan qu’un Québec indépendant serait libre de passer des lois plus progressistes sur l’environnement, qui seraient autrement contraintes par la séparation constitutionnelle des juridictions. Bien que la vision avancée soit importante au succès d’un mouvement pro-souverainiste, l’attention doit être aussi portée au contexte socio-politique. Le professeur Bélanger explique que « le meilleur catalyseur d’appui pour le projet souverainiste au Québec a toujours été un sentiment de colère ou d’indignation vis-à-vis des autres partenaires canadiens ». Il poursuit qu’une telle crise n’est pas en vue. En effet, les autorités fédérales gèrent avec prudence leurs relations avec le Québec depuis la période des référendums en 1980 et en 1995. Le gouvernement fédéral
n’a rien à gagner de l’indignation des Québécois, et ceci se reflète dans sa politique qui a donné naissance à un fédéralisme asymétrique, c’est-à-dire un fédéralisme adapté aux spécificités du Québec.

Éric Bélanger note cependant la possibilité de points de friction importants entre le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral. Il identifie notamment la potentielle décision de la Cour Suprême du Canada sur la constitutionnalité de la Loi 21. Cette loi sur la laïcité, pour laquelle le gouvernement caquiste de François Legault
a invoqué la clause nonobstant, fait polémique depuis son adoption en 2019. Le prononcement d’un jugement défavorable à la Loi 21 par la Cour « pourrait offrir un potentiel de choquer plusieurs Québécois ». En effet, cette loi, parfois perçue comme renfort du caractère distinctement laïque de la province, pourrait être source de tension entre le Québec et le Canada si la Cour Suprême émettait un jugement défavorable à l’opinion québécoise.

Pourquoi maintenant?

Québec Solidaire, affirme le professeur Bélanger, « cherche à réagir à la montée en popularité du Parti Québécois, et donc à ne pas laisser ce parti occuper seul toute la place concernant le projet de souveraineté ». En effet, le Parti Québécois gagne rapidement en popularité, surtout auprès du jeune électorat : en décembre 2023, 40% des jeunes disaient voter pour Québec Solidaire, et 23% pour le Parti Québécois, contre 36% et 27% en février 2024, respectivement, selon un sondage publié par la firme Léger.

La décision de lancer cette campagne n’est pas exclusivement stratégique. Elle est également fondée dans une réelle conviction idéologique au sein de Québec Solidaire que l’indépendance du Québec est un projet fondamental pour la province. Comme Bélanger le fait remarquer, Émilise Lessard-Therrien, nouvelle co-porte-parole du parti depuis juin 2023, adhère ouvertement au souverainisme depuis longtemps. Bélanger explique que cette croyance tenue par plusieurs membres influents du parti se traduit en « une croyance que les jeunes Québécois peuvent se laisser convaincre du bien fondé et de la nécessité du projet ». Toutefois, il note qu’il est trop tôt pour déterminer si l’idée gagnera de la traction au sein de cette tranche de la population.

Et l’opinion étudiante?

Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer la popularité du projet indépendantiste Solidaire, Le Délit a discuté avec trois jeunes québécois·e·s (18–34 ans), Marianna, Alex* et Jess, pour mieux comprendre ce qui les attire dans la souveraineté québécoise, mais aussi leur réticence à s’embarquer dans un tel projet.

« Le meilleur catalyseur d’appui pour le projet souverainiste au Québec a toujours été un sentiment de colère ou d’indignation vis-à-vis des autres partenaires canadiens »

Professeur Éric Bélanger

Marianna explique que pour elle-même et son entourage, l’enjeu d’indépendance n’est pas la priorité, surtout pour les jeunes issus de familles immigrantes. « Nos inquiétudes ne sont pas basées autour de l’indépendance
du Québec. » Elle poursuit : « le Québec pourrait peut-être faire mieux sur le plan international s’il était indépendant, donc je pense que le projet a de la légitimité, et c’est certainement plus facile d’accrocher les jeunes avec leur vision [celle de Québec Solidaire, ndlr] altermondialiste [une pratique qui favorise une économie sociale et mieux répartie, ndlr] ».

Toutefois, des enjeux identitaires trompent l’attrait de cette vision pour Marianna. Elle clarifie que « les communautés immigrantes n’ont pas vraiment de sentiment d’appartenance au Québec, et s’associent plus au Canada qu’au Québec. Il faudrait promouvoir une identité québécoise qui est plus inclusive ». Elle illustre la nécessité d’un projet d’indépendance qui rallie les québécois·e·s de toutes les origines, et conclut : « Je ne me sentirais pas représentée dans un Québec qui ne fait plus partie du Canada. »

Alex trouve la proposition solidaire plus attirante. Iel adhère particulièrement à l’idée d’un Québec plus progressiste, qui n’est pas restreint par le reste du Canada, notamment sur des enjeux environnementaux.
Iel ajoute : « J’ai plus d’attachement au Québec, à sa culture et son histoire qu’au Canada. Je parle de la
culture québécoise au sens large, qui inclut les communautés immigrantes. Je pense que c’est important aussi qu’il y ait une valorisation de cette culture québécoise, et l’indépendance aiderait cela. »

L’indépendance, néanmoins, ne peut pas être obtenue coûte que coûte, selon Alex. « Il y a certaines choses que nous ne pouvons pas sacrifier ou compromettre, comme la place égale des nations autochtones ou des immigrant·e·s dans un Québec indépendant », conclut-iel.

Alex note également une dimension géographique à considérer avec l’approche de Québec Solidaire. « Ayant grandi en campagne avec des Québécois qui étaient tous blancs et francophones, je n’avais pas vraiment de sensibilité aux enjeux des communautés autochtones. Je ne sais pas si les arguments de Québec Solidaire sur l’importance d’inclure les nations autochtones dans le processus vont nécessairement rejoindre les jeunes qui ne sont pas sensibilisés à ces situations. »

Jess, pour sa part, exprime de l’ambiguïté. « Je n’ai pas d’opinion fondée. Au niveau identitaire, je m’associe plus au Québec qu’au Canada, mais le Canada fait quand même partie de mon identité. » Jess explique douter de l’approche de Québec Solidaire vis-à-vis ses relations avec les peuples autochtones, et de l’argument environnemental. En référence au plan mis en ligne par le parti, iel explique qu’au vu de la manière dont il est
présenté, « Québec Solidaire met le blâme sur le reste du Canada pour les problèmes environnementaux, alors que c’est un enjeu collectif ». Iel continue : « Ils disent trouver important de centrer les expériences des personnes autochtones, mais ils n’en parlent qu’à la fin. Est-ce l’indépendance d’abord et les peuples autochtones ensuite, ou les peuples autochtones d’abord et ensuite l’indépendance? »


*Nom fictif

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Suppression du poste de Floor Fellow https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/suppression-du-poste-de-floor-fellow/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54905 Causes et conséquences de la décision : entrevue avec le SEOUM.

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Lors d’une réunion privée le 15 février dernier, le service des ressources humaines ainsi que Daniel Fournier, président associé de la branche « vie en résidence » du Service de Logement Étudiant et d’Hôtellerie (SLEH) de McGill ont informé les représentants du Syndicat des Employés Occasionnels de l’Université McGill (SEOUM), de la future suppression du poste de Floor Fellow. Les Floor Fellows sont des étudiants de deuxième année ou plus qui vivent dans les résidences universitaires de McGill et qui ont pour mission de servir la communauté des étudiants de première année afin de les aider à s’adapter à la vie en résidence. Mais quelles sont les raisons derrière la suppression de ce poste, et surtout, quelles en seront les conséquences? Le Délit s’est entretenu avec des membres de SEOUM pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de la décision de McGill.

Une réunion froide

Les membres du SEOUM expliquent que la réunion informant le syndicat de la décision s’est faite dans une ambiance très froide, qui reflète le point de vue ferme de McGill au sujet des Floor Fellows. Avec amertume, Harlan Hutt, président du SEOUM, décrit la situation : « Il y avait déjà des rumeurs qui circulaient à propos d’une telle décision depuis quelques jours. Jeudi à 15h, Daniel Fournier et des représentants des ressources humaines ont organisé une rencontre Zoom en petit comité, et ont annoncé que McGill supprimerait le poste de Floor Fellow à partir d’avril 2024, dès la fin de nos contrats. Ainsi, non seulement nous ne serons pas réembauchés, mais le poste n’existera tout simplement plus (tdlr). » La même journée, à 18h, une réunion plus générale en Zoom avise les Floor Fellows de l’abolition imminente de leur poste. Harlan déplore qu’ « encore une fois, la réunion s’est déroulée par Zoom, et les caméras et micros des participants ont été coupés volontairement par l’administration. Il n’y a eu aucune possibilité de poser des questions ou de faire des commentaires. Daniel Fournier a fait un très court discours de cinq minutes pour expliquer la décision et c’est tout, aucun échange n’a été encouragé. »

« Ce n’est pas pour rien que ce poste existe dans pratiquement toutes les universités d’Amérique du Nord. En le supprimant, un préjudice irréversible sera infligé à la communauté mcgilloise »

Harlan Hutt, président du SEOUM

Quelles sont les raisons?

Une des raisons de cette décision est relativement simple, explique Harlan : « Ils [l’administration, ndlr] nous ont dit que c’était à cause de la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement québécois pour les étudiants hors-province, ainsi qu’à cause de coupes budgétaires. » La suppression du poste serait donc une question de finances pour McGill. Dans un courriel du 14 décembre 2023 adressé à la communauté mcgilloise, le recteur Deep Saini avait notifié que la hausse des frais de scolarité impacterait fortement le nombre d’élèves non-québécois inscrits à l’Université, évaluant les pertes monétaires entre 42 et 94 millions de dollars canadiens par an. L’administration n’a pas précisé les gains que la suppression du poste apportera à l’Université. En revanche, Graeme Scott, vice-président du SEOUM et responsable des Floor Fellows, précise que « la valeur qu’apportent les Floor Fellows ne peut pas toujours être inscrite sur une feuille de calcul, mais elle est formidable pour plein d’autres raisons. C’est crucial à l’expérience étudiante. » Par ailleurs, McGill semble justifier sa décision par une volonté de restructuration de la vie en résidence. En effet, dans un article du McGill Reporter datant du 16 février, le SLEH explique : « Une évaluation de la vie en résidence a montré que le rôle que [les Floor Fellows, ndlr] jouaient autrefois est aujourd’hui comblé par de nombreux autres services […]. L’éventail des services que nous proposons aujourd’hui est très différent de ce qu’il était il y a dix ans. »

Quelles seront les conséquences financières?

Supprimer la position reviendrait à priver les Floor Fellows d’un financement crucial à leur échelle, puisque que les élèves occupant ces postes n’auront plus accès à un salaire qui leur permet bien souvent d’alléger le prix élevé de la vie et des études. La suppression du poste pourrait également impacter l’Université elle-même, tant dans son environnement social que ses finances. Kevin Batsinduka, assistant en relations du travail au SEOUM clarifie l’avantage financier que ce poste constitue pour l’Université : « Beaucoup de jeunes, surtout lorsqu’ils quittent la maison pour aller à l’université, peuvent avoir une mauvaise première ou deuxième année, et comme ils se sentent inconfortables dès le départ, ils décident d’arrêter l’université. Dans ces cas-là, souvent, les Floor Fellows servent de mentor à quelqu’un qui aurait autrement décidé de partir. L’aide des Floor Fellows encourage ces étudiants à rester et à terminer leurs études, et donc à payer leurs frais de scolarité jusqu’au bout. »

Harlan considère que cette mesure n’aura pas un impact si significatif sur les finances de McGill : « Je vais être très honnête. Nous ne sommes pas très bien payés. Certes, nos logements coûtent de l’argent, et supprimer les Floor Fellows permettrait de libérer un certain nombre de chambres, mais si vous regardez, par exemple, à mon étage [de New Residence Hall, ndlr], il y a énormément de chambres qui ne sont même pas pleines, voire complètement vides. Les étudiants qui pourraient prendre nos chambres n’existent pas. S’ils existaient, pourquoi les résidences ne sont-elles pas déjà pleines? À mes yeux, cela n’a aucun sens. »

Y aura-t-il d’autres conséquences?

Supprimer les Floor Fellows aura également de nombreuses conséquences humaines et sociales. Graeme développe sur sa propre expérience en tant que Floor Fellow Noussommeslespersonnes qui vivent dans ces résidences et qui sommes en contact avec ces étudiants de première année. Nous sommes le visage qu’ils associent à quelqu’un de confiance, à qui ils peuvent s’adresser lorsqu’ils ont besoin d’aide. Tout le monde a besoin d’un point de repère. Les Floor Fellows effectuent ce travail inestimable. Et ce dont nous sommes absolument certains, c’est que nous allons assister à une baisse massive du sens de communauté et de sécurité, non seulement dans les résidences, mais aussi à McGill en général, parce que c’est dans les résidences que les étudiants arrivent à former des réseaux de soutien qui perdurent au fil de leur parcours universitaire. » Selon Graeme, l’Université estime que le système des Floor Fellows est dépassé, et compte le compenser avec des solutions qu’elle considère plus modernes, comme le Pôle bien-être étudiant ou le Bureau d’intervention, de prévention et d’éducation en matière de violence sexuelle (OSVRSE). Néanmoins, Graeme demeure sceptique quant à un tel remplacement : « Demandez à quiconque a déjà essayé de naviguer ces services s’ils sont adéquats. Regardez les commentaires sur le pôle bien-être étudiant sur Google Maps. Ils sont si mauvais que cela découragerait n’importe qui de faire une quelconque demande avec eux. » Interrogé sur les conséquences sociales du remplacement, Kevin ajoute que les étudiants internationaux pourraient se retrouver disproportionnellement affectés : « McGill a énormément d’étudiants internationaux qui viennent de très loin [environ 12 000, ndlr], il y a un nombre particulièrement élevé de personnes qui bénéficient d’un mentor, précisément parce qu’elles ne sont pas originaires d’ici. Les Floor Fellows peuvent servir de point d’ancrage pour mieux s’intégrer dans une société nouvelle. »

La suite du combat

Le SEOUM a confié au Délit avoir déjà fait appel à leur syndicat mère, l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour avoir des conseils légaux sur la marche à suivre afin d’empêcher l’abolition du poste. Par ailleurs, un formulaire est disponible en ligne sur le site du SEOUM, qui vise à récolter des témoignages d’étudiants et leurs expériences avec les Floor Fellows afin de confronter l’administration de McGill quant à la nécessité de préserver ce poste. Selon Harlan, les témoignages déjà récoltés sont largement positifs et condamnent la décision de McGill. Harlan conclut : « Nous allons chercher à parler aux médias, bien sûr, mais surtout à parler aux Floor Fellows, à les impliquer, à faire passer le mot à tout le monde, et nous l’espérons, à organiser des actions futures, des actions directes pour s’assurer que McGill comprenne que les Floor Fellows sont cruciaux au bon fonctionnement de la vie étudiante. Ce n’est pas pour rien que ce poste existe dans pratiquement toutes les universités d’Amérique du Nord. En le supprimant, un préjudice irréversible sera infligé à la communauté mcgilloise. »

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Élections en Indonésie : entre autoritarisme et renouveau https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/elections-en-indonesie-entre-autoritarisme-et-renouveau/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54900 Prabowo Subianto remporte les élections présidentielles.

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Le 14 février dernier, les Indonésiens se sont rendus aux urnes pour élire leurs prochains président et vice-président. En une journée, plus de 205 millions de suffrages ont été exprimés dans le pays avec le plus grand nombre de musulmans au monde. Prabowo Subianto, et son vice-président, Gibran Rakabuming Raka ont finalement remporté les élections. Avec une tendance de recul démocratique global et dans un climat marqué par la jeunesse de la démocratie indonésienne, la transition des 32 ans de dictature de Suharto date de seulement de 1998 ; ces élections marquent un chapitre décisif dans la politique indonésienne. Afin de mieux comprendre le contexte des ces élections et ce qu’implique l’arrivée au pouvoir de Prabowo, Le Délit s’est entretenu avec Erik Kuhonta, professeur au département de sciences politiques à l’Université McGill et expert en études de l’Asie du Sud-Est.

L’importance de ces élections

Ces élections dans la troisième plus grande démocratie du monde ont été suivies de près par de nombreux médias et gouvernements internationaux. L’Indonésie, située en Asie du Sud-Est, compte 273 millions d’habitants, dont 205 millions pouvant voter, répartis sur plusieurs milliers d’îles. Face aux nombreux et importants défis de développement, dont les inégalités économiques croissantes et les enjeux environnementaux qui ont forcé le déplacement de la capitale vers une autre île ; ces élections représentent un moment charnière pour le futur de l’Indonésie et de sa population.

Interrogé sur la dimension internationale de ces élections, Professeur Kuhonta a souligné leur importance à une échelle globale: « L’Indonésie est un pays très stratégique pour les États-Unis à cause de leur rivalité avec la Chine, donc géopolitiquement ce pays est très important dans sa relation avec les pays occidentaux. » Il ajoute par ailleurs que l’Indonésie a été présidente de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) jusqu’en 2023, ce qui en fait un pays d’autant plus influent à l’échelle régionale.

L’héritage présidentiel

Depuis 2014, Joko Widodo, communément appelé Jokowi, ancien gouverneur de Jakarta, est à la tête de la démocratie Indonésienne. Son mandat présidentiel a été marqué par une croissance économique annuelle supérieure à 5%. Le plan de développement économique de Jokowi s’est concentré sur l’exploitation des ressources naturelles du pays, dont le pétrole et le charbon, ainsi que la création de nouvelles infrastructures routières et ferroviaires. De plus, au cours de sa présidence, Widodo a débuté le projet pharaonique du déplacement de la capitale Jakarta vers l’île indonésienne voisine, Bornéo. Si Jokowi a été un innovateur dans le développement économique du pays, professeur Kuhonta nous a fait part de l’autre réalité de la présidence de ce dernier. En effet, le professeur nous explique qu’à l’arrivée en politique de Jokowi, ce dernier était perçu comme réformiste et différent des élites traditionnelles. En revanche, professeur Kuhonta note qu”« on a vu rapidement qu’il n’était pas très différent des autres politiciens. Il a notamment réprimé la société civile. Les analystes remarquent aujourd’hui que la démocratie indonésienne a subi un recul démocratique [donc un déclin graduel de la qualité des démocraties et de leurs institutions, ndlr]. »

Les acteurs clés

Le 14 février, avec plus de 55% des votes, c’est Prabowo Subianto et Gibran Rakabuming Raka qui se sont imposés comme président et vice-président respectivement. Ces deux hommes politiques ne sont pas inconnus de la scène indonésienne : Prabowo, âgé de 72 ans, est l’actuel ministre de la Défense et ancien commandant des forces spéciales (Kopassus) du régime autoritaire de Suharto . Le professeur Kuhonta explique ce que Prabowo à la présidence représente pour l’Indonésie : « Prabowo est très autocratique, ce n’est pas un général pragmatique et rationnel, il était aussi l’une des figures les plus autoritaires dans le régime de Suharto. » En effet, cet ancien général est accusé d’avoir bafoué de nombreux droits de l’Homme au cours de l’invasion indonésienne du Timor Oriental durant les années 1980, où 200 000 civils avaient été tués. Il est aussi accusé d’avoir participé à l’enlèvement de 22 partisants pro-démocratie en 1998, dont 13 sont encore portés disparus à ce jour. Le professeur note aussi que Prabowo a contesté les résultats des élections à deux reprises, en 2014, puis en 2019, après avoir perdu à la course présidentielle contre Jokowi, indiquant clairement que Prabowo « ne croit pas au processus démocratique ».

Aux côtés de Prabowo, Gibran Rakabuming Raka, fils de l’actuel président indonésien Jokowi et maire de Surakarta, est devenu le plus jeune vice-président de l’Indonésie, et ce, pour des raisons constitutionnelles. En effet, l’âge minimum pour se présenter à la présidence ou vice-présidence en Indonésie est de 40 ans, rendant donc Gibran, 36 ans, théoriquement non-éligible. Cependant, la cause a été contestée devant la Cour constitutionnelle et la règle a été modifiée afin de diminuer l’âge d’admissibilité aux élections présidentielles à 36 ans aux personnes ayant une expérience ultérieure dans la fonction publique. Étant maire de Surakarta depuis plus de deux ans, Gibran Rakabuming Raka a coché toutes ces cases et est devenu le partenaire politique de Prabowo. Cette baisse de l’âge d’admissibilité a été à l’origine d’une polémique dans le pays puisque le président de la cour constitutionnelle était le beau-frère de Gibran. La course à la vice-présidence de Gibran a donc été marquée d’accusations de népotisme dû au changement constitutionnel affairé à son égard et le soutien politique de son père. De plus, le fait que le fils de Jokowi puisse accéder au pouvoir directement après le mandat de son père inquiète la population indonésienne. L’entrée en politique de Gibran donne l’opportunité à Jokowi de créer une dynastie politique, phénomène récurrent en Asie du Sud-Est comme en Philippines et en Thaïlande et de maintenir une certaine influence en politique après la fin de son mandat par l’entremise de Prabowo et de Gibran. Professeur Kuhonta note que cela est peut probable, car « Prabowo est beaucoup trop puissant lui-même. Ce n’est pas Jokowi qui va l’influencer dans ses aspirations.» Il est aussi important de noter que Jokowi et Prabowo ont été ennemis politiques de longue date, ayant des idéologies politiques drastiquement différentes. En 2019 le président a coopté Prabowo dans sa coalition comme ministre de la Défense citant des « raisons d’unité nationale ». C’est suite à cette union que Prabowo a formé une alliance avec Gibran, le fils de Jokowi, afin de devenir président en 2024. Le professeur Kuhonta note que cette union à été établie en partie pour la raison suivante : « Pour Prabowo, Gibran légitimisait sa campagne, et lui donnait l’appui d’un président populaire comme Jokowi. » Cette légitimation est importante en raison du passé contesté de Prabowo au sein du régime dictatorial de Suharto.

« L’entrée en politique de Gibran donne l’opportunité à Jokowi de créer une dynastie politique, phénomène récurrent en Asie du Sud-Est, comme en Philippines et Thaïlande […] »

Le futur de l’Indonésie

Durant cette campagne électorale, Prabowo a mis en avant un plan d’action ayant comme principaux buts le développement des hôpitaux, les repas gratuits pour tous les écoliers et l’amélioration des services sociaux, nous explique le professeur Kuhonta. Prabowo a aussi insisté sur le désir de continuer les réformes économiques et de développer les infrastructures que Jokowi a mis en place depuis 2014. Afin de gagner le vote du public, il a travaillé son image à travers une campagne sur les réseaux sociaux comme sur la plateforme TikTok dans le but de se donner l’image d’une figure paternelle et inoffensive en laquelle le peuple indonésien pourrait faire confiance. Le professeur Kuhonta explique que Prabowo a beaucoup joué sur la jeunesse au sein du pays : « Les jeunes ne se rappellent pas du règne autoritaire de Suharto et cela joue en sa faveur. » Ses efforts ont porté leurs fruits. Prabowo remporte la majorité, plus de 30 ans après le règne autoritaire de Suharto auquel il a activement contribué.

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Sénégal : une crise constitutionnelle https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/senegal-une-crise-constitutionnelle/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54644 Le report des élections présidentielles dans un pays à fortes traditions démocratiques

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Le 3 février dernier, Macky Sall, président du Sénégal depuis 2012, a annoncé que les élections présidentielles prévues pour le 25 février seraient repoussées, citant des désaccords entre l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle autour de la liste finale des candidats présidentiels. Cette annonce a provoqué des manifestations violentes à travers le pays. Entretemps, le président Sall a confirmé que les élections se tiendraient finalement le 15 décembre 2024, plus de 10 mois après la date initialement prévue.

Le Sénégal obtient son indépendance en 1960, et gagne rapidement la réputation de démocratie stable au sein de la région. En effet, le pays ouest-africain tient des élections démocratiques de manière régulière depuis 1963, et est un des seuls pays de la région à ne pas avoir subi de coup d’État. L’annonce du président Sall a donc provoqué une onde de choc, et a remis en question la stabilité démocratique du Sénégal.

Le Délit s’est entretenu avec Khalid Mustafa Medani, professeur associé à McGill dans les départements de Science Politique et d’Études Islamiques pour contextualiser ce développement politique.

Le Sénégal : pays modelé par la tradition démocratique

Selon le professeur Medani, l’avenir de la démocratie sénégalaise dépend grandement de sa trajectoire politique depuis son indépendance. « Contrairement à d’autres pays avoisinants comme le Mali ou la Côte d’Ivoire qui ont récemment subi des coups d’État, le Sénégal est un pays qui n’en a jamais vécu (tdlr)», explique-t-il. Le Sénégal n’a jamais reporté d’élection depuis son indépendance en 1960, et bénéficie d’un système politique robuste et d’une constitution légitime. De plus, « la société civile est beaucoup plus puissante au Sénégal qu’elle ne l’est ailleurs dans la région, et les chefs d’opposition jouent le jeu [de la démocratie, ndlr] ».

« La nature de la culture politique au Sénégal, la société civile qui manifeste, vient équilibrer l’élite politique dont Sall fait partie »

Khalid Medani

« Il y a de fortes suspicions que ces événements marquent le début d’un coup constitutionnel, mais nous devons faire attention », explique le professeur Medani. Le Sénégal a une démocratie forte, et il n’est pas clair que les actions de Macky Sall sont anticonstitutionnelles. C’est en effet dans la nuit du 5 février que le projet de report du scrutin présidentiel est approuvé à l’Assemblée nationale quasi unanimement, avec 105 voix pour et une voix contre, par une législature où le parti du Président est majoritaire. Le professeur conclut donc qu’il ne faut pas « présomptivement arriver à la conclusion que la démocratie sénégalaise prend fin et qu’il y aura un coup militaire ».

Une crise constitutionnelle, pas plus

« On ne peut qu’émettre des hypothèses, nous ne connaissons pas le raisonnement derrière la décision de Macky Sall. Cependant, quand un chef d’État reporte des élections comme Sall l’a fait, c’est qu’il est inquiet du futur de son parti politique. » Le président sénégalais ne peut pas légalement se présenter pour un troisième mandat. « Cependant, affirme Medani, Sall peut limiter la liste de candidats présidentiels afin d’exclure les opposants qui présentent une réelle compétition pour son parti. »

Dans ce cas-ci, c’est Karim Wade et Ousmane Sonko qui sont les principaux candidats d’opposition en compétition avec le parti de Sall, l’Alliance pour la république. Ce sont aussi deux des membres de l’opposition qui ont été exclus de la liste de candidats présidentiels par le Conseil constitutionnel Sénégalais, et récemment purgés de peines de prison. « Ceci est cohérent avec la politique de Sall, explique le professeur Medani, il essaye de limiter toute opposition même si lui-même ne se présente pas. »

Il n’est pas inimaginable qu’il aille à l’encontre de la constitution et qu’il se présente pour un troisième mandat. Sall a affirmé en juillet 2023 qu’il ne se représenterait pas aux élections présidentielles de 2024. Néanmoins, la population sénégalaise et plusieurs opposants politiques considèrent que ce report soudain remet cette décision en cause, et que les récents événements constituent un risque de coup constitutionnel.

Le professeur Medani affirme que, ce que l’on observe est bel et bien une crise constitutionnelle, mais pas un coup d’État. Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter. El Malick Ndiaye, ancien porte-parole du parti de Ousmane Sonko a fait part de son inquiétude le 3 février, en affirmant que « ce n’est pas un report, mais une annulation de l’élection tout simplement ». Medani confirme qu’il est normal et important de manifester durant ce type de crise politique : « Plusieurs sénégalais, surtout les jeunes, sont inquiets à la perspective que le président essaye de se présenter pour un troisième mandat. »

Une région en déclin démocratique

Action qualifiée par certains de coup d’État constitutionnel, le « syndrome du troisième mandat » consiste entre autres en la modification des clauses de la constitution ayant trait aux mandats présidentiels, permettant ainsi d’invoquer une nouvelle constitution pour remettre le compteur des mandats à zéro. Cette stratégie a été utilisée dans d’autres pays, notamment par Alpha Condé, président de la Guinée en 2020, et subséquemment par plusieurs autres pays incluant le Mali et le Burkina Faso. Une telle action a déjà été redoutée au Sénégal en 2016, alors que Macky Sall, au milieu de son premier mandat présidentiel, a réussi à réduire la longueur des termes présidentiels de sept à cinq ans. Bien qu’il ait diminué la longueur potentielle de sa présidence, cette décision semblait être un stratagème de sa part. En effectuant des modifications à la constitution, un échappatoire constitutionnel lui permettait donc potentiellement de se présenter pour un troisième mandat.

Le professeur Medani confirme qu’il est probable que Sall tentait de changer la constitution en 2016, afin de se présenter pour un troisième mandat. « Son intention initiale était de s’attribuer un troisième mandat, mais il a fait face à énormément d’opposition domestique et internationale sur le coup. Quand son plan n’a pas marché, il s’est dit qu’il pouvait garder un certain pouvoir politique du moment que son parti restait puissant. »

Selon Medani, c’est justement à cause de ses robustes traditions démocratiques que le Sénégal ne peut être comparé à la tendance actuelle au troisième mandat dans le reste de la région. Il poursuit : « C’est une crise, mais on ne peut pas comparer ce qui se passe au Sénégal avec ce qui se passe dans le reste de la région : les traditions démocratiques sénégalaises sont à considérer ».

« Si on ne voit que des discours annonçant la tombée de la démocratie au Sénégal, la politique formulée le reflétera »

Khalid Medani

Une opposition domestique

« On peut observer une continuité entre les changements constitutionnels en 2016, et le report des élections en 2024 », explique Medani. Il existe, cependant un important obstacle à toute manœuvre anti-démocratique : la société civile. « Les manifestations qu’on voit actuellement sont majoritairement composées de jeunes, qui ont vu dans leur vie et sous le mandat de Sall la séparation entre le pouvoir présidence de Macky Sall. Ils ont raison de manifester. » La puissance de la société civile, soutenue par une tradition démocratique, a notamment été évidente lorsque Ousmane Sonko l’a mobilisée en 2021 dans une « caravane de la liberté », pour protester un procès de viol dit monté par le président Sall pour le disqualifier des prochaines élections.

Le professeur Medani poursuit : « Je pense que c’est justement grâce à une opposition comme celle qu’ils présentent que la démocratie Sénégalaise ne sera pas mise à terme. La nature de la culture politique au Sénégal, la société civile qui manifeste, vient équilibrer l’élite politique dont Sall fait partie ». De plus, l’opposition est double. « La société civile s’oppose au report des élections, mais l’élite politique aussi. Macky Sall n’a pas encore réussi à la coopter ». En effet, plusieurs figures d’opposition ont ouvertement rejeté le report des élections, et certaines entreprennent même leurs campagnes électorales comme prévu.

En revanche, Sall essaye activement d’éliminer cette opposition depuis le début de sa présidence. Depuis 2012, 42 membres du parti opposant de Karim Wade ont été emprisonnés par le président. Cette tactique politique a d’autant plus été soulignée par la population sénégalaise lors de l’emprisonnement d’Ousmane Sonko, figure principale de l’opposition en 2023. Malgré ces arrestations et l’écartement des principaux opposants, Medani maintient qu’il existe encore une opposition politique robuste, active, et connectée aux intérêts des manifestants.

En plus de la société civile, Medani prédit que les acteurs religieux auront un rôle important à jouer dans la crise. « L’Islam et les chefs religieux Sufis supportent la démocratie au Sénégal. Ils jouent un rôle de médiation entre la société civile et l’élite politique », et sont nécessaires pour assurer la prospérité de la démocratie sénégalaise. Il est probable que les chefs religieux du pays interviendront dans la crise, comme ils l’ont fait auparavant : pendant les manifestations de 2021 et 2023, c’est les Frères Mourides, ordre religieux puissant au Sénégal qui ont fait appel au calme, en demandant notamment à Sonko de mettre fin à sa grève de la faim, afin d’apaiser les manifestants.

« C’est une crise, mais on ne peut pas comparer ce qui se passe au Sénégal avec ce qui se passe dans le reste de la région : les traditions démocratiques sénégalaises sont à considérer »

Khalid Medani

Et la communauté internationale?

La réponse de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à la crise reste conservatrice, demandant au Président Sall de restaurer au plus vite les élections. Précédemment, la Cédéao a joué un rôle punitif face aux infractions à la démocratie, par exemple, en imposant des restrictions économiques au Mali et au Burkina Faso après leurs coups d’État. « Dans le cas du Sénégal, cette approche n’est ni nécessaire, ni avantageuse, affirme Medani. La Cédéao peut jouer le médiateur, et retirer son chapeau militaire ». Une intervention diplomatique par l’organisation est donc importante. « Une crise constitutionnelle comme celle qu’on observe au Sénégal ne peut qu’être réglée au travers d’avenues légales et constitutionnelles », explique le professeur Medani. Il note toutefois qu’une intervention diplomatique de pays comme la France ou les États-Unis serait contre-productive. Malgré l’influence de la communauté internationale, « les pressions les plus efficaces, toutefois, restent domestiques », conclut-il.

Un autre enjeu empêche la résolution constitutionnelle de cette crise. « Plusieurs médias journalistiques prédisent déjà la fin de la démocratie au Sénégal », note le Professeur. Ceci influence grandement les décisions politiques prises, il est donc important de rationaliser le report des élections. « Si on ne voit que des discours annonçant la tombée de la démocratie au Sénégal, la politique formulée reflétera ceci, et les interventions seront différentes de nature : elles supporteront la société civile et la médiation par les autorités religieuses. »

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« Arrêtez l’esclavage ouïghour! » https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/arretez-lesclavage-ouighour/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54662 Manifestation contre le génocide des Ouïghours devant le consulat chinois.

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Le dimanche 4 février, environ 50 personnes se sont retrouvées à 13 heures devant le Consulat général de la république populaire de Chine pour commémorer les victimes du massacre de Ghulja (ville aujourd’hui nommée Yining Xian par les autorités chinoises), survenu le 5 février 1997 et ayant fait 167 morts et plusieurs centaines de blessés. Plus généralement, la manifestation avait pour but de protester contre le génocide du peuple ouïghour, qui prend place depuis 2015 dans la province du Turkestan oriental [officiellement appelé Xinjiang, ndlr], fief historique de la culture ouïghoure en Chine.

Afin d’approfondir notre analyse de la situation, Le Délit s’est entretenu avec Michel Tessier, sinologue retraité ayant enseigné à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et dans le secteur public.

Le génocide

Dans un pays d’un milliard et quatre cent millions d’habitants, la population ouïghoure est une minorité musulmane de près de 25 millions d’individus, dont 12 millions vivant dans le Turkestan oriental. Comme le montre le massacre de Ghulja, durant lequel plusieurs Ouïghours ont été tués par les forces chinoises après avoir manifesté pour l’indépendance du Turkestan oriental, la répression du peuple ouïghour date de plusieurs décennies. Néanmoins, cette dernière s’est accélérée et aggravée depuis 2015. Au début des années 2010, le gouvernement chinois a annoncé se lancer dans une campagne de « lutte contre le terrorisme (tdlr) » dans cette région. Selon plusieurs organismes défenseurs des droits humains dont Human Rights Watch, cette « lutte contre le terrorisme » s’est surtout exprimée à travers une oppression croissante du peuple ouïghour, qui représente 45% de la population de la région. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) comme Human Rights Watch ou Amnistie internationale accusent la Chine de crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple ouïghour. Elles dénoncent notamment les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que les tortures et la surveillance de masse perpétrées par la Chine contre cette minorité depuis 2010. Aujourd’hui, plus d’un million de Ouïghours sont emprisonnés dans plusieurs camps dans la région du Turkestan oriental.

La manifestation

Devant le consulat, les manifestants – majoritairement des membres de la communauté ouïghoure – ont affronté le froid. Accompagnés de leurs bannières, pancartes et dépliants, ils ont scandé des slogans et dénoncé les actions du régime chinois pendant plus d’une heure. Plusieurs personnes ont pu prendre la parole pour exprimer l’importance de se mobiliser afin de sensibiliser les gens aux actions perpétrées par le gouvernement chinois. Pendant cette période de discussion, Le Délit s’est entretenu avec Kayum Masimov, chef de projet au sein du Projet de défense des droits des Ouïghours. Au cours de notre discussion, Kayum nous a interpellé et nous a posé une question simple mais pertinente relative au message général de la manifestation : « Chaque fois que vous entrez au centre d’achat Costco ou Walmart ; Vous achetez du café ou des chandails qui proviennent de Chine. Ce n’est pas cher n’est ce pas? Il est temps de se poser la question : Pourquoi ça ne coûte pas cher? »

« Chaque fois que vous entrez au centre d’achat Costco ou Walmart ; vous achetez du café ou des chandails qui proviennent de Chine, ce n’est pas cher, n’est ce pas? Il est temps de se poser la question : Pourquoi ça ne coûte pas cher? »

Le groupe de manifestants a par la suite entrepris une marche sur la rue St-Catherine, vers l’arrêt de métro Guy-Concordia, en scandant divers slogans tels que : « Liberté pour le Turkestan oriental! » ; « Fermez les camps de concentration! » ; « Arrêtez l’esclavage ouïghour! » ; « Boycottez la Chine » ; ou encore, « Canada, agis maintenant! Défends les Ouïghours! ». Pour conclure l’événement, le groupe est revenu devant le consulat général. À nouveau, certains ont pu prendre la parole pour s’exprimer.

Une action limitée

Aujourd’hui, l’action internationale pour mettre un terme au génocide des Ouïghours est souvent perçue comme trop limitée. Michel Tessier suppose que ce manque de prise de position radicale s’explique par la place prépondérante de la Chine dans l’économie mondiale. En 2023 par exemple, la Chine comptait pour 30% de la production manufacturière mondiale. Malgré la volonté de boycotter la Chine et les biens qui y sont fabriqués – comme les slogans l’ont d’ailleurs mentionné pendant la manifestation –, agir concrètement contre la Chine et l’exploitation des Ouïghours n’est pas une mince affaire. « La Chine est une des premières économies mondiales, très importante, et aujourd’hui indispensable. Ne plus acheter de produits chinois semble donc difficilement réalisable. »

Le sinologue ajoute néanmoins que si la Chine est aujourd’hui devenue intouchable, c’est en partie parce que les puissances mondiales comme les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres puissances européennes ont délocalisé leurs chaines de production dans les années 1990–2000. Selon lui, en délocalisant leurs chaînes de production, « les pays ont limité leurs possibilités d’action [à l’égard de la Chine, ndlr] ».

À l’échelle canadienne, la mobilisation contre le génocide est aussi limitée selon Kayum Masimov. Ce dernier note néanmoins de réelles mesures prises par le Canada depuis 2015 : « En 2022, le Parlement canadien a fait du Canada le premier pays au monde à reconnaître officiellement le génocide des Ouïghours en Chine, et l’année dernière, on [le Canada, ndlr] a adopté la résolution de rapatrier les réfugiés ouïghours, ce qui est vraiment très positif. » En effet, en janvier 2023, la Chambre des communes du Canada a pris la décision de recevoir 10 000 réfugiés ouïghours par année à compter de 2024. Michel Tessier souligne aussi que « quand on rencontre une motion comme celle votée au Parlement, c’est qu’une bureaucratie se met en place pour les accueillir [les réfugiés, ndlr], pour leur donner un logement, une éducation pour les enfants, un accès à la santé, etc. C’est une vraie avancée ».

Le sinologue nuance néanmoins son propos : « En dehors de ça, qu’est ce que vous voulez que le Canada fasse? Le Canada est un pays de seconde catégorie. Ce n’est pas un pays important sur la scène internationale. Il ne faut pas se faire d’illusions. Une fois qu’on a dénoncé la situation au Turkestan oriental et le génocide qui s’y passe, il n’y a plus rien. Et ce, parce qu’on ne peut pas faire grand chose. »

Une solution : le boycott ciblé

Pour Michel Tessier, « il faut que nous revoyons nos tactiques parce que c’est bien beau de vouloir boycotter les produits chinois, mais il faut être réaliste. Dressons la liste des produits faits par les esclaves ouïghours ; ce sont ceux-là qu’il faut boycotter ». En effet, s’il est difficile de boycotter l’ensemble des produits qui proviennent de Chine, Michel Teissier et Kayum Masimov appuient tous deux la possibilité de boycotter les produits directement liés au génocide, qui sont le fruit de l’exploitation de la minorité ouïghoure.

Cibler l’ensemble de ces produits et ne plus les acheter reviendrait à faire halte au processus génocidaire de production. Une telle mesure a d’ailleurs déjà été mise en place par l’Union Européenne et les États-Unis. Kayum Masimov souligne que « depuis l’introduction de la Force Labor Prevention Act il y 25 mois, elles [les autorités américaines, ndlr] ont interdit [la vente de produits issus de l’esclavage ouïghour, ndlr] et saisi des marchandises totalisant une valeur d’environ cinq milliards de dollars ».

Et à McGill?

Le 19 janvier 2023, L’AÉUM a adopté une motion qui demande à l’Université McGill de désinvestir des entreprises ayant des activités ou des liens directs et indirects avec l’exploitation du peuple ouïghour en Chine. Depuis, l’Université n’a pas entrepris d’action concrète pour répondre à la requête des étudiants.

Afin de sensibiliser à la répression que subit le peuple ouïghour, Sabiha Tursun, étudiante ouïghoure de deuxième année à McGill, a fondé le tout nouveau club étudiant Mcgill Students for Uyghur Solidarity (Étudiants de McGill pour la solidarité avec les Ouïghours, tdlr). Dans une entrevue pour Le Délit, Sabiha explique plus précisément son initiative : « L’un de nos objectifs est de faire pression sur McGill pour que l’Université prenne des mesures de désinvestissement, car certaines des entreprises auxquelles notre fond de dotation est destiné sont complices de l’utilisation de produits issus du travail forcé, de la fourniture et du soutien d’infrastructures de camps d’internement et de camps de travail forcé (tdlr). »

Si l’Université est pour le moment restée muette, la création de cette nouvelle association montre que les étudiants ne sont pas insensibles au sort de la population ouïghoure. Sabiha conclut : « Il est de la responsabilité de McGill d’offrir un environnement éthique à ses étudiants et c’est le moindre qu’elle puisse faire pour le bien de l’humanité. »

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L’activisme étudiant pour les réfugié·e·s à McGill https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/lactivisme-etudiant-pour-les-refugie%c2%b7e%c2%b7s-a-mcgill/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54674 Portrait du programme d’Entraide Universitaire Mondiale du Canada (EUMC).

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Le Canada est le huitième pays au monde avec le plus grand ratio d’immigrant·e·s au sein de sa population. Plus d’un quart des personnes résidant au Canada actuellement ont eu par le passé un statut d’immigrant·e ou de résident·e permanent. L’Université McGill n’est pas exemptée de ce phénomène puisqu’elle compte plus de 12 000 étudiant·e·s internationaux, soit 30% de sa population étudiante. Au sein de cette population, certain·e·s sont des réfugié·e·s ayant eu l’opportunité de venir étudier à McGill à travers le programme de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC).

L’EUMC est une association canadienne à but non lucratif qui a pour mission d’améliorer les opportunités éducatives, économiques et professionnelles offertes aux jeunes dans plus de quinze pays d’Asie, d’Afrique et des Amériques. Concrètement, son mandat consiste à améliorer l’accès à l’éducation, aux opportunités de travail et aux formations professionnelles pour les jeunes issus de pays en conflit, en leur offrant des opportunités d’étudier au Canada. L’association a aussi pour mandat de solliciter les jeunes résidant au Canada à s’impliquer dans leur communauté.

L’EUMC est composée de plus de 86 comités locaux présents dans différentes universités et cégeps, dont un à l’Université McGill. Ces comités locaux organisent des ateliers de sensibilisation aux problèmes d’éducation des réfugié·e·s et d’autres événements destinés à l’intégration des étudiant·e·s à McGill.

« Actuellement, le comité local de WUSC à McGill peut soutenir financièrement sept nouveaux·elles étudiant·e·s réfugié·e·s grâce aux fonds alloués chaque semestre par les étudiant·e·s de l’Université »

Programme d’étudiant·e·s réfugié·e·s

L’une des initiatives principales de l’association est son programme d’étudiants réfugiés (PÉR). Ce programme a été établi en 1978 en partenariat avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour réfugiés (UNHCR), le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté du Canada (IRCC) et l’Organisation Internationale pour la Migration (IOM). Jusqu’à aujourd’hui, le projet a permis la venue de plus de 2200 étudiant·e·s réfugié·e·s au Canada afin de leur permettre d’y étudier et d’accéder à des opportunités professionnelles. Annuellement, le programme accueille plus de 150 étudiant·e·s réfugié·e·s réparti·e·s dans plus de 100 universités et cégeps canadiens. L’initiative de PÉR est de « combiner la réinstallation avec des possibilités d’enseignement supérieur ». Ainsi, les étudiant·e·s ayant un statut de réfugié·e·s sont choisi·e·s par l’intermédiaire d’un long processus de sélection et sont ensuite accueilli·e·s dans une université canadienne équipé·e·s d’une bourse couvrant la majorité de leurs frais de scolarité et de logement pendant cinq ans.

L’EUMC à McGill

Le comité local de McGill s’occupe de mettre en place le programme PÉR à l’université, c’est-à-dire tout ce qui a trait à la sélection des candidat·e·s, leur arrivée au Canada et leur intégration jusqu’à l’obtention de leur diplôme. Le programme PÉR est entièrement financé « par un prélèvement de 4 $ auprès de tou·te·s les étudiant·e·s de McGill chaque semestre, sur la base d’un référendum étudiant, et les fonds accumulés sont administrés afin d’offrir des services des bourses et de l’aide financière aux étudiant·e·s ». Actuellement, le comité local de l’EUMC à McGill peut soutenir financièrement sept nouveaux·elles étudiant·e·s réfugié·e·s grâce aux fonds alloués chaque semestre par les étudiant·e·s de l’Université.

Portrait d’un étudiant boursier

Afin d’en connaître plus sur leur impact réel de l’association EUMC et de son programme PÉR, Le Délit s’est entretenu avec Behnam Yosufi, étudiant boursier de deuxième année en génie logiciel à McGill. Behnam, d’origine afghane, nous explique que le processus d’admission au programme est extrêmement compétitif : « Il y avait 4500 jeunes réfugiés issus de l’Afghanistan qui ont candidaté dans la même année que moi et à la fin, nous étions deux à être sélectionnés pour aller étudier à McGill. (tdlr) » L’étudiant explique qu’il était souvent incertain quant à l’état d’avancement de sa candidature en raison de ses conditions de vie, plus ou moins optimales : « On devait effectuer des examens de compréhension d’anglais en ligne, mais nos maisons ne sont pas insonorisées, le Wi-Fi s’éteint, les gens font beaucoup de bruit. Ça m’est arrivé d’être accusé de plagiat, car ils ont entendu quelqu’un parler dans une autre chambre, et ont supposé que je trichais ». À la suite de ce laborieux processus de huit mois, Behnam, comme 50 autres étudiant·e·s boursier·ère·s afghan·e·s, s’est envolé pour le Canada afin d’y commencer ses études en génie logiciel à McGill. Il nous explique que dès son arrivée à l’aéroport, il y avait quatre jeunes qui l’attendaient avec des pancartes et des chandails bleus, une image à l’effigie de l’EUMC et sa nature accueillante. « Dès que je suis sorti de l’aéroport je les ai vus, ils m’ont emmené manger et m’ont ensuite déposé à ma résidence étudiante. Le lendemain matin, ils sont revenus me voir et m’ont tenu compagnie. » Ce groupe de support a été un élément marquant de son expérience et son intégration à McGill.

« Grâce à leur portée impressionnante sur le campus mcgillois et dans le reste du pays, le comité local de McGill s’est vu décerner le prix du comité de l’année le samedi 10 février dernier, au congrès annuel de l’EUMC »

Intégration à McGill

Behnam raconte que ses débuts à l’université ont été très difficiles, dû au changement de système éducatif, au choc culturel et la rigueur des cours. Malgré cet ajustement massif, l’étudiant renchérit que l’EUMC McGill l’a équipé de tout ce dont il avait besoin pour réussir : un support moral et éducatif. Se caractérisant comme une personne de nature introvertie, Behnam fait part de sa grande difficulté à s’ouvrir aux autres et à partager ses défis, mais il explique que la communauté de l’EUMC lui a réellement permis de s’exprimer ouvertement et sans jugement : « Encore aujourd’hui, il sont comme une famille pour moi, une famille sur laquelle je peux compter. Ils ne me jugent pas et me supportent constamment. » Après plus d’un an et demi à Montréal, Behnam est maintenant un membre impliqué du comité local de l’EUMC dans lequel il occupe le poste de vice-président des événements. Il nous explique son intérêt pour ce nouveau rôle : « La mission du comité est d’intégrer les étudiant·e·s boursiers et j’ai adoré cette initiative et les événements organisés, donc je me suis poussé à entreprendre ce rôle. »

Futures ambitions

Lorsqu’on l’interroge sur ses aspirations futures, Behnam se dit très heureux d’avoir eu la chance d’être boursier au sein du programme, mais considère aussi la chance qu’il a d’être résident permanent au Canada, une opportunité offerte à tout·e·s les boursier·ère·s. Il compte s’épanouir à McGill, finir ses études en ingénierie logicielle et entreprendre une carrière professionnelle au Canada.

Grâce à sa portée impressionnante sur le campus mcgillois et dans le reste du pays, le comité local de McGill s’est vu décerner le prix du comité de l’année le samedi 10 février dernier, au congrès annuel de l’EUMC.

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Baisse drastique des permis d’études https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/baisse-drastique-des-permis-detudes/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54754 Le Ministre de l’immigration annonce une baisse de 35% des visas étudiants

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Ce 22 janvier 2024, l’Honorable Marc Miller, ministre de l’Immigration, a déclaré dans un communiqué de presse un plafond sur deux ans limitant le nombre de visas octroyés aux étudiants étrangers. Le gouvernement a prévu l’approbation d’environ 360 000 permis d’études en 2024, soit une baisse de 35% en comparaison aux 500 000 délivrés l’année précédente. Miller a souligné que ces mesures ne concerneraient pas les étudiants à la maîtrise ou au doctorat, ni les détenteurs actuels de permis d’études.

Le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) répartira le plafond de demandes de permis entre les provinces et les territoires proportionnellement à leurs populations, qui alloueront à leur tour ce quota à leurs établissements d’enseignement choisis, selon le communiqué de presse du ministre Miller. À compter de l’annonce du gouvernement fédéral, chaque demande de permis d’études présentée à IRCC devra être accompagnée d’une lettre d’attestation de la province ou du territoire concerné.

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada »

Marc Miller

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada (tdlr) », a énoncé le ministre Miller en conférence de presse le 22 janvier. Le ministre Miller déplore la prolifération d’établissements « bidons », qui abusent du système d’immigration et contribuent à l’accroissement de la population étudiante qui exerce de fortes pressions sur la demande de logement et des services de santé. Ces « institutions monnayeuse de diplômes » prennent avantage des droits de scolarités exorbitants payés par les étudiants internationaux en opérant sur des campus inadaptés.

« Ces mesures ne sont pas dirigées contre les étudiants étrangers, je pense qu’il est très important de le souligner », a voulu clarifier le ministre dans une conférence pour les médias étudiants canadiens le 2 février, organisée par IRCC. « Elles visent à garantir que les futurs étudiants arrivant au Canada recevront la qualité d’éducation pour laquelle ils se sont engagés, qui leur a été promise et pour laquelle ils ont payé. Permettre aux mauvais acteurs de poursuivre leurs activités serait une injustice à tous les établissements qui s’enorgueillissent d’offrir une expérience universitaire de premier ordre ». Les étudiants internationaux sont une source de revenu non négligeable dans les provinces. Ceux-ci paient des droits de scolarité jusqu’à cinq fois plus élevés que les résidents canadiens permanents. En 2018, les étudiants de provenance étrangère contribuaient près de 22,3 milliards de dollars au PIB Canadien, tout en soutenant plus de 218 000 emplois selon des données gouvernementales.

L’explosion récente du nombre de ces étudiants, comptés à 900 000 en 2023 contre un peu moins de 240 000 en 2011, atteste l’engouement des établissements universitaires autour de l’accueil d’étudiants internationaux. Cette augmentation de la population étudiante est souvent pointée du doigt comme contribuant à la crise du logement au Canada. Miller s’est exprimé sur l’incidence: « La diminution du volume [d’étudiants, ndlr] va avoir un impact sur les loyers, principalement, mais ce n’est pas le cas que du jour au lendemain, le prix et l’abordabilité vont être réglés à cause du fait qu’on a réglé ou qu’on a diminué le nombre d’étudiants internationaux qui s’en viennent au Canada. C’est un élément, ça a un impact, mais l’impact et le motif principal aujourd’hui, c’est d’enrayer un système qui a perdu le contrôle » a‑t-il déclaré.

Frédérique Mazerolle, agente des communications avec les médias de McGill, a commenté sur le futur de la place des internationaux au sein de l’université à la suite de l’annonce ministérielle dans un email. « Le nombre d’étudiants étrangers inscrits à McGill est resté stable au cours de la dernière décennie, soit environ 12 000 étudiants, ce qui représente 30% de l’ensemble de la population étudiante de l’Université. », écrit Mazerolle. « Nous ne nous attendons pas à ce que les nouvelles mesures entraînent un changement significatif. » L’Université McGill estime donc que la nouvelle réglementation ne devrait pas bouleverser le fonctionnement de l’université, en contraste avec la récente législation provinciale mandatant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois, annoncée en octobre dernier.

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Immersion au sein des grèves étudiantes https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/immersion-au-sein-des-greves-etudiantes/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54476 Les étudiants de Concordia et de McGill se mobilisent contre la hausse des frais de scolarité.

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Le 13 octobre dernier, le gouvernement du Québec a annoncé une augmentation de 33% des frais de scolarité pour les étudiants non québécois dès la rentrée d’automne 2024. Dans le but de protéger la langue française à Montréal, le gouvernement compte prélever par le biais de cette mesure, un montant forfaitaire pour chaque étudiant non québécois, et réinvestir ces fonds dans le réseau des universités francophones, telles que l’UQAM ou l’Université de Montréal. Rapidement après cette annonce, des manifestations étudiantes se sont organisées, et les recteurs des trois universités anglophones du Québec, c’est-à-dire l’Université Bishop’s, Concordia et McGill, ont exprimé conjointement leur mécontentement.

En décembre, le gouvernement du Québec est revenu sur sa décision initiale, et a proposé une augmentation plus modérée des frais d’études pour les étudiants canadiens non québécois. Alors qu’ils devaient initialement augmenter de 9 000$ à 17 000$, l’augmentation requise est désormais de 3 000$, soit 12 000$ par an. En revanche, les universités anglophones du Québec devront franciser 80% de leurs étudiants de premier cycle. Ces derniers devront suivre des cours de langue française et atteindre un niveau « intermédiaire » avant la fin de leur diplôme : une mesure excessive et irréalisable selon les recteurs des trois universités concernées. Alors que les étudiants avaient déjà mené une manifestation contre l’augmentation des frais de scolarité fin octobre 2023, ces derniers se sont une nouvelle fois mobilisés pour faire pression sur le gouvernement Legault. Du 31 janvier au 2 février, les étudiants de Concordia et de McGill ont fait la grève, empêchant ainsi la tenue de nombreux cours.

À Concordia : 3 jours de grève

Afin d’éclaircir la situation à Concordia, Le Délit s’est entretenu avec Oli Sinclare, étudiant·e en études interdisciplinaires de la sexualité à Concordia. Oli nous explique que ces grèves étaient bien organisées, et légalement encadrées. Avant le début de ces dernières, les étudiants des nombreux départements des facultés de Concordia ont voté démocratiquement pour tenir ces grèves. « Vous avez certains droits en tant que membre de votre association étudiante. Techniquement, parce que vous êtes reconnu comme un syndicat, si vous faites la grève, c’est comme une grève officielle du syndicat. Vous ne pouvez pas être pénalisé. (tdlr) » Au total, ce sont 11 000 étudiants de Concordia qui ont fait la grève au cours de la semaine.

Bloquer les classes

Au 7ème étage de l’édifice Henry F. Hall de Concordia – l’espace dédié aux actions et associations étudiantes de la faculté des arts et des sciences de Concordia – des blocages de salles de classes ont été organisés pendant ces trois jours. Dans les couloirs, à voix haute, à peine pouvait-on entendre : « Qui veut bloquer une classe de science politique? », ou « Qui veut bloquer l’entrée d’une classe qui commence dans 20 minutes? », que de nombreuses mains se levaient, motivées et assoiffées d’engagement. Par groupes de trois, les étudiants grévistes, appartenant à une grande variété d’associations et de syndicats, se dirigaient alors vers leurs classes attribuées.

Nous avons suivit le groupe d’Oli, afin de mieux comprendre le fonctionnement des blocages. Arrivé devant la salle de classe, le petit groupe s’organise pour réaliser ce qu’ils appellent du « picketing », du « piquetage » en français. Le groupe, équipé de dépliants et de bannières, se positionne devant l’entrée de l’auditorium pour bloquer le passage, et dissuader les étudiants et le ou la professeur d’y entrer. Le but : empêcher la tenue du cours. Oli nous explique : « Nous n’empêcherons pas physiquement les gens d’aller en classe. Si un étudiant est vraiment déterminé à entrer, nous ne le retiendrons pas. Mais nous lui expliquerons qu’il s’agit d’une mesure qui a été votée démocratiquement, et qu’aller en classe revient à ne pas respecter cette décision. »

Un support impressionnant…

La mobilisation étudiante à Concordia a eu un effet très important : pour beaucoup, les cours furent annulés du mercredi au vendredi. Oli nous explique qu’il y a eu un engouement important en faveur de la grève, que ce soit du côté des étudiants, autant que celui des professeurs.

« Les gens veulent vraiment en parler. Beaucoup de gens s’accordent pour dire que c’est [la hausse des frais de scolarité, ndlr] une décision terrible qui va affecter tout le monde. Je pense que les gens sont ravis de voir qu’il y a une mobilisation, que les gens font quelque chose. » Oli ajoute que lorsque les étudiants sont bloqués en dehors de leur salle de classe, « neuf fois sur dix, les gens se disent : “cool, je vais rentrer chez moi” , mais parfois ils restent et discutent avec nous ». Iel nous a aussi fait part des réactions des professeurs, et précise que, même si ceux-ci ont la responsabilité d’au moins de tenter de tenir classe, ils jouent le jeu la majorité du temps, et acceptent d’annuler leur cours lorsque les étudiants grévistes bloquent le passage.

… et contesté

Cela n’a pas été facile de bloquer toutes les classes, certains étudiants et professeurs ont fait part de leur mécontentement à plusieurs reprises. Certains professeurs ont tenu à donner leur cours coûte que coûte, en les remplaçant par davantage d’heures de bureau, ou encore en réalisant leurs cours à distance, via la plateforme Zoom. Si les étudiants grévistes n’ont pas pu bloquer les heures de bureau, ils ont tout de même trouvé le moyen d’empêcher les cours à distance par le biais de « Zoom-bombing », qui consiste à s’introduire dans une conférence Zoom et de gêner la tenue du cours en faisant beaucoup de bruit, en écrivant des messages, ou encore en incitant les étudiants à quitter la conférence.

Si les grèves étudiantes ont eu une ampleur moins importante à McGill, plusieurs cours ont tout de même été bloqués par des étudiants grévistes. Maxime*, étudiant en géographie à McGill, qui a souhaité garder l’anonymat, nous a fait part de ses observations au cours de la semaine : « Ils [les étudiants grévistes, ndlr] ont bloqué l’entrée et ont essayé de nous limiter l’accès à la salle. Ils ne m’ont pas empêché d’y entrer, mais j’ai dû forcer le passage, et me faufiler entre eux. […] Je soutiens la cause, mais je ne peux pas manquer mes cours pour autant. Je pense que c’est un des seuls moyens qu’ils [les grévistes, ndlr] ont pour avoir un impact significatif et je pense que ça a fonctionné, parce que vendredi, il y avait nettement moins de personnes en classe. Alors que d’habitude nous sommes 200, nous n’étions que 50. »

À Concordia, certains étudiants et professeurs se sont également opposés au blocage des cours. Face à cela, Oli répond qu’« en tant qu’étudiants, l’une de nos principales sources de pouvoir est de cesser d’aller en classe. Arrêter de travailler dans le domaine de l’éducation, c’est comme arrêter de travailler pour les travailleurs qui sont en grève. C’est comme si nous pouvions arrêter de contribuer à l’école. »

« En tant qu’étudiants, l’une de nos principales sources de pouvoir est de cesser d’aller en classe. Arrêter de travailler dans le domaine de l’éducation, c’est comme arrêter de travailler pour les travailleurs qui sont en grève. C’est comme si nous pouvions arrêter de contribuer à l’école. »

Oli Sinclare – Étudiant·e de Concordia

Après ces trois jours de grève, les étudiants grévistes sont désormais dans l’attente d’une réponse du gouvernement caquiste. « Après la première mobilisation en décembre, il y a eu des modifications, ils ont donc réduit le montant de l’augmentation des frais de scolarité, et j’espère que cela se reproduira. » Finalement, Oli Sinclare conclut que tant qu’il n’y aura pas davantage de modifications de cette mesure gouvernementale, les étudiants continueront de se mobiliser pour faire entendre leurs voix.

*Nom fictif

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L’héritage de l’engagement des étudiant·e·s noir·e·s à McGill https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/lheritage-de-lengagement-des-etudiant%c2%b7e%c2%b7s-noir%c2%b7e%c2%b7s-a-mcgill/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54467 Portrait du Réseau des étudiant·e·s noir·e·s de l’Université McGill (BSN)

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Le Réseau des étudiant·e·s noir·e·s de l’Université McGill (BSN) est l’une des plus anciennes associations étudiantes de l’Université. Elle a été fondée en 1970 dans le but d’unir les étudiant·e·s noir·e·s de l’Université, de leur offrir des services tels que des événements de réseautage et des événements sociaux, de les aider à rencontrer des nouve·aux·lles étudiant·e·s noir·e·s et de créer un sentiment de communauté entre les élèves noir·e·s au sein de l’Université. BSN opère sous l’Association des Étudiants de l’Université McGill (l’AÉUM) et est donc considérée comme une association qui assure un service aux étudiant·e·s. À ce titre, l’association a pour mandat de « travailler pour rendre le campus de McGill sûr et accessible aux étudiant·e·s noir·e·s afin de soutenir leur réussite scolaire ainsi que leur bien-être mental et physique […] et sensibiliser la communauté mcgilloise aux enjeux concernant les peuples noirs (tdlr) ». Ce mandat façonne tous les événements et initiatives de l’association depuis sa conception. Événements de réseautage pour les étudiant·e·s noir·e·s, journées de soins personnels et une cérémonie de graduation exclusivement pour les étudiant·e·s noir·e·s : BSN contribue activement à la prospérité de la communauté noire à McGill et au bien-être de ses membres. Afin d’exécuter un portrait de BSN et mettre de l’avant leurs initiatives ainsi que quelques-uns de leurs membres, Le Délit s’est entretenu avec quatre de ces derniers : Méshama Eyob- Austin – présidente, Simi Ogunsola – vice-présidente Social, Chloé Nyiligira directrice de projet au sein du portfolio social, Nkwanzi Banage – vice-présidente Plaidoyer.

« BSN contribue activement à la prospérité de la communauté noire à McGill et au bien-être de ses membres »

Une association au service des étudiants

L’Université McGill ne compte que 4,6% d’étudiant·e·s noir·e·s au sein de sa communauté étudiante. De ce fait, plusieurs étudiant·e·s se sentent isolé·e·s à leur arrivée à l’Université. Une association comme BSN est donc nécessaire et très appréciée par ces étudiant·e·s. Questionnée sur l’apport de cette association aux étudiant·e·s de McGill, Méshama, présidente de BSN, explique que BSN représente une opportunité « de constituer une communauté qui donne des conseils et de la joie à la communauté noire au sein du campus ». Ce sentiment est similaire pour Chloé, qui ajoute que BSN lui a apporté beaucoup en réseautage et contacts professionnels : « Ce qui est intéressant, c’est qu’on nous met en contact avec des personnes ayant eu la même expérience et le même programme d’études que nous, et qui peuvent venir partager leur expertise. »

L’activisme noir à McGill

Historiquement, BSN s’est battu pour plusieurs avancées sociales et éthiques au sein de l’Université. L’un de leurs combats les plus important et médiatisé jusqu’à aujourd’hui a été leur campagne menée pour le désinvestissement par McGill de toute sociétée liée à l’apartheid en Afrique du Sud. Ce combat a été conjointement mené avec la Société des étudiants africains de l’Université McGill (MASS) et a entrainé, en 1985, la fin de tout investissement par l’Université dans les sociétés liées à l’apartheid. Depuis 1991, BSN
a aussi mené de multiples campagnes étudiantes afin d’établir un programme d’études Africana à McGill. Ce programme d’études se concentrerait sur l’enseignement de l’histoire, de la politique et des cultures des diasporas africaines à travers le monde. Actuellement, l’Université McGill n’a qu’un programme d’études africaines et un autre d’études d’Amérique latine et des Caraïbes. Pour Méshama, présidente de BSN, ces deux projets d’activisme ont forgé le mandat de l’association et son héritage qui la précède : « Nous essayons de faire tout notre possible pour offrir de la solidarité [aux peuples minoritaires, ndlr] […] La liberté pour les personnes noir·e·s découle du principe que nous ne sommes pas libres tant que tout le reste du monde n’est pas libre. » Pour Nkwanzi, ce mandat d’activisme au sein du campus mcgillois est réellement nécessaire : « BSN a une capacité impressionnante à combler les vides laissés par l’Université. Lorsqu’elle n’a admise que 15 étudiant·e·s noir·e·s en 1969, l’ensemble de la communauté noire de McGill a lancé le programme Across the Halls, un programme de mentorat et de tutorat par les pairs pour encourager les candidat·e·s noir·e·s. »

Le soutien de l’Université

BSN est l’une des associations les plus grandes et influentes de l’Université. Cette responsabilité ne peut se maintenir sans l’aide financière de l’AÉUM et l’apport stratégique de l’administration de McGill. Depuis 2017, l’Université honore tous les févriers, le Mois de l’histoire des Noir·e·s (BHM) avec une cérémonie d’ouverture, des conférences diverses et des événements de rassemblement pour la communauté noire de McGill. Ce mois est conçu en collaboration partielle avec les associations étudiantes BSN et MASS. Questionnée sur le support que l’administration mcgilloise offre à BSN et la communauté noire, Méshama souligne l’initiative des célébrations du Mois de l’histoire des Noir·e·s : « Les événements du Mois de l’histoire des Noir·e·s sont éducatifs, amusants, intéressants et importants. Cela donne aux étudiants l’opportunité de réseauter, de se rencontrer, de se sentir vus par l’établissement. » De son côté, Simi rajoute que tout au long de l’année et surtout durant le Mois de l’histoire des Noir·e·s, « McGill inclut beaucoup les étudiant·e·s noir·e·s. Ils nous donnent les ressources, l’argent et la capacité de faire ce que nous voulons avec l’association et ce qui convient le mieux à la communauté mcgilloise ». En lien avec les ressources offertes aux étudiant·e·s par l’Université, Chloé fait part des services du centre de bien-être et de son appréciation pour la présence des conseillers de bien-être noirs et autochtones ; une étape importante pour l’inclusivité au sein de l’Université selon elle.

« BSN a une capacité impressionnante à combler les vides laissés par l’Université »


Nkwanzi, vice-présidente de Plaidoyer

Des initiatives à souligner

Afin de promouvoir le Réseau des étudiant·e·s noir·e·s de l’Université McGill, il est indispensable de mettre de l’avant certaines de leurs initiatives qui permettent de rencontrer des nouveaux étudiant·e·s noir·e· et créer un sentiment de communauté. L’événement Soul Food, un repas-partage organisé tous les semestres, réunit des centaines d’étudiant·e·s dans le but d’apprendre à se connaître et manger de la nourriture originaire des différentes cultures de la communauté étudiante. De plus, BSN met progressivement en place un système de prêt de livres, en se servant de l’inventaire de l’association pour créer une bibliothèque communautaire. Nzwanki souligne cette initiative qui sera officiellement mise en place le 28 février prochain lors de l’événement Les Voix Noires en Publication : « Je souhaite partager cela avec d’autres étudiants de McGill qui n’auraient pas un accès facile à la littérature noire au sein ou en dehors du milieu universitaire. » Finalement, la cérémonie de graduation exclusivement pour les étudiant·e·s noir·e·s qui a pour but de « mettre en lumière les réalisations et exploits des étudiant·e·s noir·e·s malgré les obstacles institutionnels, économiques et socioculturels à l’accès à l’enseignement supérieur ». Ces initiatives sont quelques-uns des dizaines d’événements que BSN met en place au cours du Mois de l’histoire des Noir·e·s chaque année, et démontrent l’engagement de tous ses membres et leur volonté d’offrir un environnement propice à la réussite et l’inclusion de la communauté noire à McGill.

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