Les lumières s’allument. Un chapiteau constitué d’un immense drap domine la scène, signant la fin de L’après-midi tombe quand tes biscuits se ruinent, production de La Croustade, qui s’est tenue il y a deux ans, en 2023. Les deux interprètes invitent les spectateurs, et pas que les petits, à venir sous le chapiteau choisir un biscuit à grignoter hors de la salle. Pourtant, peu de choses semblaient mener à cette conclusion alimentaire : tenant à la fois du clownesque et du cirque acrobatique, tout en intégrant l’usage du skateboard et d’objets du quotidien, cet univers artistique décalé représente bien ce à quoi on peut s’attendre avec les spectacles jeunesse d’aujourd’hui au Québec. Je me suis surprise à trouver cette performance mémorable, tant pour la diversité et la modernité des médiums utilisés que pour sa touche humoristique bien dosée.
Retomber en enfance, voilà ce que nous permettent des présentations telles que L’après-midi tombe quand tes biscuits se ruinent.
Le spectacle jeunesse fait parfois moins bonne figure aux yeux du public adulte. On lui reproche souvent d’être trop « ludique » ou même niais, mais surtout de ne pas parler à la sensibilité d’un public plus âgé. Pourtant, les créations originales qui brisent cette catégorisation étroite se multiplient dans les centres culturels. Actuellement, il est tout à fait possible de toucher un jeune public tout en parlant de sujets de société avec une vision artistique pertinente.
La popularité de cet art de la scène est telle que des lieux de diffusion entiers concentrent leur programmation autour du spectacle jeunesse : on parle de l’Arrière Scène, située en Montérégie, ou de la Maison Théâtre, à Montréal, qui proposent des spectacles pour jeunes publics, mais s’adressant à tous les âges. À l’affiche : propositions « philosophico-pop », tendant vers la poésie ou même la métaphysique. Chaque spectacle défie les genres ou les mélange, oscillant entre danse-théâtre, conte musical, théâtre d’objet, et encore. Les maisons de la culture offrent aussi des productions jeunesse à bas prix. La proximité est la clé de ces lieux de diffusion, ce qui permet aux représentations de voyager dans plusieurs arrondissements pour trouver leur public cible.
La pertinence du spectacle jeunesse dépasse même sa simple adaptation aux enjeux de l’époque contemporaine ou son accessibilité. Qui ne se souvient pas d’une forme de média qui l’a profondément touché dans son enfance ? La nostalgie gagne souvent, et il est observé qu’on a tendance à retourner vers ce que l’on connaît déjà. Proposer du contenu artistique original aux jeunes, c’est aussi développer leur sensibilité à des objets culturels insolites, une curiosité qui peut être nourrie tout au long d’une vie. Il s’agit d’une bonne première porte d’entrée dans un milieu qui apparaît parfois hors d’accès ou trop abstrait.
C’est là que la médiation culturelle entre en jeu. Le développement de la relation entre un jeune public et les acteurs culturels derrière le spectacle jeunesse se fait par le biais d’ateliers et d’animations où la bienveillance est de mise. Il est essentiel, pour plusieurs centres culturels, de considérer l’enfant comme un sujet comme un autre, activement présent dans la réception de l’œuvre. Cela lui permet de placer son point de vue dans un processus de création achevé et de faire ressortir sa propre sensibilité en tant que jeune public. L’art de la scène dédié aux enfants, en se tournant vers la réception de ses jeunes spectateurs, offre des propositions inusitées qui nous incitent tous à voir de nouveaux horizons, comme toute autre forme d’art nécessaire.



