Ce lundi 6 octobre, entre vos études et vos écrans, si vous avez eu l’occasion de regarder le ciel nocturne, vous avez peut-être remarqué que la lune d’automne battait son plein. À première vue, hormis les chansons qu’elle a inspirées à Neil Young et Michel Rivard, elle pourrait paraître anodine. Détrompez-vous. Dans l’hémisphère nord, cette lune est l’occasion de fêter symboliquement les dernières journées de récolte. Elle tombe dans le huitième mois du calendrier lunaire, lorsque les journées chaudes s’effacent. Sous sa lumière éclatante, elle rassemble des familles à travers le monde, souvent devant un repas spécial. Explorons comment les étudiants de McGill, issus de diverses cultures, fêtent cette période joyeuse.
Chuseok en Corée
Ce 6 octobre, la Corée du Sud a célébré Chuseok, une journée de fête nationale centrée autour de la famille. Pour Nayoung, une étudiante sud-coréenne en deuxième année à McGill, c’est l’une des fêtes les plus importantes dans le pays, avec le Nouvel An. « C’est une réunion de famille et l’occasion de retrouver ceux qui résident loin de chez toi (tdlr) », me dit-elle. Originaire de Séoul, elle se rappelle des heures passées dans les embouteillages lorsqu’elle descendait vers Busan, une ville au sud du pays, pour retrouver sa famille. Il est évident que Chuseok mène à un grand nombre de déplacements ; l’aéroport international d’Incheon attend 2,45 millions de passagers entre le 2 et le 12 octobre !
« Peut-être que les songpyeons eux-mêmes n’étaient pas exceptionnellement savoureux, mais toute la joie, la chaleur et la bénédiction d’être réunis en famille les rendait délicieux à mes yeux »
Seoyoung, étudiante sud-coréenne
Chuseok est aussi un moment pour se rapprocher de ceux qui sont partis. Selon Seoyoung, une étudiante de troisième année à McGill, c’était une coutume d’aller visiter les cimetières où reposent les membres de sa famille. Cet esprit commémoratif se poursuit également à la maison. « Chez nous, on avait une table couverte de fruits et de plats pour nourrir l’esprit de nos ancêtres », m’explique Seoyoung.
L’un des plats typiques que l’on pourrait trouver à table pour un repas de Chuseok est le gâteau de riz gluant : songpyeon. Ce sont de petites boules de pâtes en forme de lune faites en combinant la farine de riz avec un peu d’eau. Elles peuvent se trouver en plusieurs couleurs selon les saveurs, comme la citrouille, l’armoise ou, comme dans la famille de Seoyoung, au sésame et au sucre fondant. Il en résulte un gâteau aux saveurs simples et douces, avec une texture légèrement collante. « Peut-être que les songpyeons eux-mêmes n’étaient pas exceptionnellement savoureux, mais toute la joie, la chaleur et la bénédiction d’être réunis en famille les rendait délicieux à mes yeux », résume-t-elle.
La mi-automne au Vietnam
Plus au sud de l’Asie, la pleine lune est aussi l’occasion de fêter la mi-automne, notamment au Vietnam, avec Tết Trung thu. « C’est une fête qui est dédiée aux enfants », me dit Elie, une étudiante vietnamienne à McGill. « Il y a beaucoup de jouets, comme des lanternes de papier en forme d’étoiles (venant du drapeau vietnamien) ou d’animal », poursuit-elle. Les plats de nourriture suivent cette même idée enfantine, qu’on retrouve avec le mâm ngũ quả, un plat à base de fruits en morceaux sculpté en forme d’animaux. « C’est comme si, par exemple, tu prenais un pamplemousse, puis tu faisais en sorte que ça devienne un lapin », dit Elie le sourire aux lèvres.
Évidemment, les gâteaux de lune jouent un rôle essentiel dans cette fête de mi-automne. Deux déclinaisons sont répandues : le bánh dẻo, fait avec une pâte de riz gluant donnant à l’intérieur un goût similaire au mochi. L’autre s’appelle le bánh bò nuong et est cuit au four comme une tarte traditionnelle, avec une garniture pouvant varier, allant de la viande sucrée au jaune d’œuf. Mais cela reste ouvert pour les plus créatifs. « On peut trouver à l’intérieur des gâteaux des saveurs plus originales parlant à tout le monde : Coréens, Chinois ou même Français », ajoute Elie. Oserait-on aller jusqu’à la saveur d’une poutine ? « Non, je n’irai pas jusque-là », répond-elle en riant.
Au-delà de leur dimension culinaire, toute une symbolique est attribuée à ces gâteaux. Aujourd’hui, ces derniers sont donnés comme cadeaux pour témoigner d’une reconnaissance. « Tu dois en donner à ton patron, tu dois en donner aux professeurs de tes enfants », souligne Elie. Pourtant, elle estime que cette fête est devenue trop normée, marquant une rupture avec l’esprit original où les gâteaux sont donnés simplement pour de bonnes intentions. « On fait des gâteaux vraiment bien décorés avec des boîtes bien ornées pour que ça soit des beaux cadeaux ». Elle regrette, « malgré tout, on ne va pas nécessairement les manger ».
La Chine sous la pleine lune
On ne peut évoquer les fêtes de mi-automne sans penser à la Chine, voisine septentrionale du Vietnam. Partageant une frontière de plus de mille kilomètres, les deux pays affichent certaines traditions communes. Une nouvelle fois, la lune suscite des thèmes familiaux : « C’est une soirée où toute la famille se réunit et mange ensemble », me confie Jiayuan, étudiante chinoise en première année à McGill. « On considère que ce jour-là, c’est la nuit où la lune est la plus ronde de l’année et lorsque cela se produit, c’est un symbole de réunion », remarque Jiayuan.
Entre la Chine et le Vietnam, les gâteaux de lune se consomment et se partagent aussi de façon similaire. « On a souvent l’habitude de les offrir aux familles, amis, et collègues », se souvient Jiayuan. Pour les saveurs, on y trouve également une grande variété régionale. « Dans les régions au sud de la Chine, on en mange avec des jaunes d’œufs à l’intérieur, mais sinon, il existe une déclinaison avec des noix qui s’appelle wú rén ». Ce dernier est composé de cinq noix différentes et est associé à une blague récurrente au sein de la diaspora chinoise du Canada : si on l’emmène ici, ce gâteau risque de faire des dégâts en raison du nombre d’allergies qu’il peut provoquer !
« On considère que ce jour-là, c’est la nuit où la lune est la plus ronde de l’année et lorsque cela se produit, c’est un symbole de réunion »
Jiayuan, étudiante chinoise
Les grandes fêtes juives
Quittons un instant l’Asie : la religion juive, elle aussi, attribue une certaine importance à la lune d’automne et à la période qui l’entoure. Suivant également un calendrier lunaire, avec ses propres subtilités, les grandes fêtes juives reposent sur le cycle lunaire. De la nouvelle année, Roch Hachana, à la fête de récolte, Souccot, les célébrations se succèdent en ce début d’automne avec les différentes phases de la lune.
La nouvelle année, Roch Hachana, est particulièrement significative, ayant lieu le soir de la nouvelle lune. D’après Emet, un étudiant juif en maîtrise à McGill, cette fête marque « le renouvellement et l’optimisme avant tout ». Dans l’assiette, ce thème se poursuit avec des pommes trempées dans du miel pour symbolisé « l’espérance et la douceur pour l’année à venir ». Une autre spécialité de Roch Hachana est le challah, un pain brioché formé en cercle spécialement pour l’occasion du Nouvel An. « La forme circulaire symbolise le passage de temps. C’est cyclique, c’est la nouveauté », me dit Emet.