Un pas dans la salle, puis nous voilà au parc Ambroise Boimbo (1930 – 1981), Congo, en compagnie de Malaika Première. La nouvelle exposition du centre d’image contemporaine VOX, signée Moridja Kitenge Banza, rassemble mémoire et imaginaire. L’artiste montréalais d’origine congolaise nous fait vivre une expérience où les époques se confondent. Guidés par une princesse qui voyage dans le temps, Malaika, les visiteurs découvrent des récits réinventés qui proposent une relecture de l’histoire officielle. L’expérience nous invite à ressentir, voire à écouter autrement le passé. C’est une proposition artistique qui déstabilise notre façon de penser.
La galerie occupe le quatrième étage de l’édifice. Loin du tumulte de la rue Sainte-Catherine, le lieu respire le calme. Dès la sortie de l’ascenseur, le vacarme de la ville disparaît et laisse place à un profond silence . La salle est tapissée de gazon synthétique. Et dans l’air, le gazouillement instaure une atmosphère pastorale. Il ne manque que l’odeur de la terre humide pour se croire réellement dehors. Ici, on ressent l’espace avant même de regarder les œuvres.
Au centre de la salle, la statue de Malaika Première se dresse, imposante et mystérieuse. Sa tête disparaît sous de larges feuilles d’hévéa. Dans sa main droite, une carte redessine l’Afrique telle qu’elle existait avant le partage colonial de la conférence de Berlin, tandis que, dans l’autre, le sabre repris au roi Baudouin en 1960 est le symbole d’un pouvoir reconquis. La sculpture va au-delà d’une représentation des faits en proposant de réinventer l’histoire. En arrière-plan, une projection du parc Ambroise Boimbo ouvre l’espace comme si on pouvait s’y rendre à la marche.
Durant la visite, le spectateur est invité à lire un court récit. Ce conte, qui porte le même nom que l’exposition, Il était une fois Malaika, suit la princesse qui voyage dans la nuit à travers des mondes hantés par le colonialisme. Elle traverse des forêts habitées, rejoint les villages marrons mentionnés, s’aventure jusqu’au palais des objets volés. Conçu pour le jeune public, le conte rend l’œuvre accessible à tous. L’approche par le récit merveilleux prend la place des manuels d’histoire et ressuscite des récits effacés des victimes du colonialisme.
Une piste audio complète le dispositif. La voix enregistrée revient sur la statue, éclaire les intentions de l’artiste, explique les symboles. Sans imposer d’interprétation, elle propose un chemin de lecture qui accompagne la marche et relie chaque partie de l’installation.
Moridja Kitenge Banza signe ici un projet ambitieux qui va plus loin que les expositions classiques. En mêlant sculpture monumentale, projections et narration, l’artiste crée un langage propre pour aborder des sujets plus sensibles. Les plus jeunes y trouvent une aventure captivante, les adultes une réflexion nécessaire sur les silences de l’histoire. Cette approche multisensorielle transforme le quatrième étage du centre VOX en un lieu où la mémoire résiste en douceur.
L’exposition est ouverte du 10 septembre au 29 novembre 2025, du mardi au samedi de 11h à 17h. Entrée gratuite.