Ce n’était pas une surprise », confie Phil, étudiant québécois au Collège LaSalle. L’établissement se voit confronté à une amende de près de 30 millions de dollars pour avoir accueilli un trop grand nombre d’étudiants dans ses programmes anglophones. Il ajoute, l’air vaguement agacé : « Il y a tellement d’anglophones. On est très minoritaires en tant que francophones. »
Cet événement s’inscrit dans une campagne de protection de la francophonie qui a débuté il y a déjà trois ans. En 2022, une nouvelle réforme de la Charte de la langue française – la loi 14 – entre en vigueur. Cette loi a pour objectif « d’affirmer que la seule langue officielle du Québec est le français », et instaure de nouvelles régulations visant à contrer l’anglicisation croissante du réseau collégial. Entre autres, la loi 14 prévoit que « l’obtention d’un diplôme d’études collégiales […] est conditionnelle à la connaissance du français ». Dans les faits, le gouvernement québécois met en place un quota afin de réduire le nombre d’élèves pouvant s’inscrire dans les programmes anglais des cégeps. L’année de l’application de la réforme, le Collège LaSalle avait déjà admis les étudiants dans ses programmes anglophones et a refusé de les renvoyer. Dépassant la limite du quota par plus de 1 000 étudiants, le Collège LaSalle reçoit une première amende de 8,8 millions de dollars pour l’année 2023–2024. Il a fallu plusieurs années aux étudiants pour finir leur cursus, soit autant de temps nécessaire pour parvenir à atteindre les quotas imposés. Le total de l’amende a continué à grimper jusqu’à atteindre 29,9 millions de dollars.
Le Collège LaSalle continue de nier avoir accepté plus d’élèves que par le passé. Il prétend simplement ne pas avoir eu le temps nécessaire pour se plier aux demandes. Phil corrobore cela : « C’est pareil que les autres années », explique-t-il, « il y a toujours eu beaucoup d’anglophones, ce n’est pas cette année qu’il y en a eu plus ». Il admet que c’est très frustrant de devoir se forcer à parler ou suivre des cours en anglais : « Je me suis fait servir en anglais l’autre jour, en allant refaire ma carte étudiante », raconte-t-il, « la dame ne parlait même pas français. Alors qu’elle travaille ici ! Je trouve ça ordinaire ».
Si le collège est vraiment obligé de payer l’amende, il risque de devoir fermer. Claude Marchand, le PDG du groupe LCI Éducation auquel appartient le Collège LaSalle, dénonce la somme ahurissante : « Ce n’est pas la loi que je remets en cause », maintient-il, « mais les pénalités qui en sont les conséquences. » Une proposition de règlement à l’amiable pour la somme de 11,5 millions de dollars a été avancée par le collège, sans réponse du gouvernement pour l’instant.
Face à la fermeture possible du Collège LaSalle, Phil ne semble pas très inquiet. « 30 millions, c’est impossible », dit-il, « c’est trop gros comme amende ! LaSalle, c’est juste une école. Si elle doit payer 30 millions, peut-être que ça va devoir fermer, mais je ne pense pas qu’ils vont payer ».