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La sérénissime à Montréal

Le Musée des Beaux Arts aux senteurs de l’Italie.

Camille Chabrol | Le Délit

L’Italie existe en elle-même autant qu’à travers les innombrables voyages qui y sont effectués par des masses de touristes, et ce, depuis des siècles. Pays sensuel où tous les plaisirs sont exacerbés ; la gastronomie, l’art, les paysages, l’Italie est un fantasme autant qu’une nation. Normal donc que Venise soit avant tout une destination de rêve, une ville qui n’est pas tant habitée que visitée. Avec l’exposition Splendore a Venezia, le Musée des Beaux-Arts de Montréal s’est mis au défi de permettre à ses visiteurs d’apprécier une portion de la ville mythique en se concentrant sur un angle particulier : les liens qui unissent l’histoire de la ville à celle de la musique. C’est donc une exposition fondamentalement plongée dans le multimédia qui nous est proposée.

C’est étonnamment agréable de visiter une ville de cette façon, en toutes petites bouchées, loin de sa véritable localisation. On a droit à un dépaysement bref et abordable, incomparable certes à l’expérience véritable, mais qui parvient jusqu’à un certain point à illustrer la fascination qu’exerce Venise sur le monde.

Sur les murs sont inscrites des informations en lien avec la thématique particulière qui organise chaque salle. On apprend, entre autres, que c’est à Venise qu’a été inauguré le premier théâtre d’opéra ouvert au public, ou encore que vers l’an mille, le doge (chef élu de l’ancienne république) de la ville présidait au mariage officiel de la ville avec la mer en jetant un anneau d’or dans les flots au cours d’une grande célébration. Ou bien encore que Vivaldi était surnommé « le prêtre roux ». Il s’agit là d’une révélation qui peut, ou non, transformer de façon radicale une appréciation personnelle des Quatre saisons. Sont aussi écrites diverses citations tirées des nombreux récits de voyage dont Venise a fait l’objet au fil des années et qui permettent de comprendre les effets que cette ville a eu sur ses visiteurs.

Sur le plan visuel, de nombreux tableaux sont exposés et viennent illustrer les lieux importants de la ville, tels que la place Saint Marc, la fameuse tour de l’horloge ou la vue du grand canal. L’exposition propose aussi une grande variété d’artefacts, tous en lien avec Venise et la musique. Toutes sortes de partitions, missels, recueils de chansons et carnets d’opéra témoignent à la fois des grands changements qui ont été opérés dans l’histoire de la musique et de la place cruciale que celle-ci a occupée dans le rayonnement de Venise. On peut  observer divers instruments d’époque dont les noms sont autant de mélodies à l’oreille : cornet à bouquin basse, mandoline milanaise, hautbois d’amour, viole d’amour, archiluth, etc.

Chaque salle est aussi agrémentée d’une sélection sonore qui vient compléter l’expérience ; Vivaldi en particulier, mais aussi Gabrieli, Monteverdi et bien d’autres. Malheureusement, les nombreux artefacts viennent peut-être nuire à l’appréciation des extraits musicaux qui demandent somme toute une attention beaucoup plus délicate. Une seule salle parvient à accorder à la musique l’accent qui permet d’en saisir tout l’art et la valeur. Il s’agit de la toute dernière, dans laquelle un écran présente des extraits de l’opéra l’Incoro de Monteverdi, dont la sobriété et l’éclairage tamisé viennent accentuer la richesse et la magnificence de l’œuvre musicale.

C’est une drôle d’impression, après avoir été saisi de plein fouet par la beauté de deux voix qui s’unissent et se déchirent dans un alliage parfait d’émotion et de virtuosité du chant, de passer directement à la boutique. Il suffit d’un pas pour quitter les hautes sphères de l’âme et de l’esprit pour aller s’acheter une preuve garante de notre culture raffinée : un aimant, un signet, ou encore un stylo. Il n’y a rien de mal là-dedans, rien de particulièrement sublime non plus.


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