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Une difficile mobilisation des électeurs pour la course à la mairie de Montréal

La politique municipale peine toujours à rallier les électeurs québécois.

Toscane Ralaimongo | Le Délit

Depuis le 18 septembre, les courses à la mairie battent leur plein dans toutes les municipalités du Québec. Le 2 novembre prochain, les Québécois seront appelés aux urnes pour élire leurs prochains gouvernements municipaux. À Montréal, cinq partis et leurs chefs respectifs – Action Montréal (Gilbert Thibodeau), Ensemble Montréal (Soraya Martinez Ferrada), Futur Montréal (Jean-François Kacou), Projet Montréal (Luc Rabouin) et Transition Montréal (Craig Sauvé) – se disputent la direction de la métropole dans une lutte serrée. Si Ensemble Montréal domine actuellement les sondages, la majorité de l’électorat demeure toutefois indécise : 37 % des électeurs montréalais affirmaient à la mi-octobre, selon un sondage de Radio-Canada, ne pas savoir s’ils voteront, ni pour qui. 

Au Québec, le principal défi des candidats est de parvenir à mobiliser un électorat souvent peu intéressé par la politique municipale. Pour mieux comprendre les enjeux de cette campagne, Le Délit s’est entretenu avec Philippe Dubois, professeur à l’École nationale d’administration publique (ENAP) et expert en politique municipale. 

« Des élections de second ordre » 

« Le palier municipal est le plus concret ; il a des actions très tangibles pour la vie des électeurs. On peut penser au transport collectif, à l’aménagement du territoire, au logement… Tous ces champs d’actions relèvent de la municipalité », rappelle le professeur Dubois. Pourtant, c’est aussi celui qui suscite le moins d’intérêt au Québec. Lors des élections municipales de 2021, ce sont seulement 38 % des Montréalais qui se sont déplacés pour voter. 

Selon Dubois, ce taux d’abstention élevé serait dû à un désintérêt généralisé pour la politique municipale. Il explique qu’au Québec, « les élections municipales sont considérées comme des élections de second ordre, quand on les compare aux élections provinciales. On en discute moins, donc c’est plus difficile pour l’électorat de positionner les partis et les candidats ». Un sondage d’Élections Québec appuie ce constat : 52 % des non-votants de 2021 disaient manquer d’information sur les enjeux, les candidats et leurs idées, tandis que 44 % avouaient n’avoir aucun intérêt pour la politique municipale. 

D’après le professeur, « la courbe d’acquisition de l’information est plus abrupte pour les élections municipales. On n’a pas les mêmes raccourcis cognitifs qui nous permettent de positionner les partis au niveau provincial ou fédéral, même sans suivre la politique ». Rose Langlois, étudiante en deuxième année à McGill et électrice à Montréal, constate le même phénomène : « Pour les élections fédérales et provinciales, il y a des débats, des discussions, ainsi qu’énormément de battage médiatique autour de l’événement – c’est plus facile d’avoir accès à l’information sans y passer trop de temps. Au municipal, on est un peu laissés à nous-mêmes et ça complique le processus. » 

Les jeunes, grands absents des urnes 

L’abstention est d’autant plus préoccupante qu’elle touche surtout les jeunes électeurs. D’après Élections Québec, 47 % des 18 à 34 ans ne se sont pas déplacés en 2021, contre seulement 21 % des 55 ans et plus. Dubois souligne que « pour les plus jeunes et les étudiants, il y a à la fois une barrière bureaucratique à l’exercice du vote – ils ne savent pas toujours comment voter – et une barrière au niveau du sentiment d’appartenance. On s’intéresse aux élections municipales quand on sent qu’on fait partie de la communauté municipale. Si ce n’est pas le cas, on est moins enclin à voter ». 

« Le palier municipal est le plus concret ; il a des actions très tangibles pour la vie des électeurs. On peut penser au transport collectif, à l’aménagement du territoire, au logement… »

Philippe Dubois, professeur à l’ENAP et expert en politique municipale

Pour Jiayuan Cao, étudiante mcgilloise et fille d’immigrants chinois, le désintérêt pour la politique municipale découle en effet d’un manque de sentiment d’appartenance. « À cause de la barrière de langue, mes parents ne connaissent pas trop tout ce qui est de la politique d’ici ; on ne m’a jamais parlé de politique quand j’étais enfant, alors je n’ai pas développé d’intérêt pour cela. Même si j’ai le droit de vote maintenant, je ne sais pas vraiment pour qui voter ». 

Le professeur Dubois insiste qu’il « faut miser sur la pédagogie. Au Québec, on part souvent du principe que les citoyens connaissent déjà le système, mais ce n’est pas le cas ». Les campagnes auraient tout à gagner à mieux s’adresser à cette génération. 

Mobiliser sur les campus 

Dans cette optique, l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a organisé un débat sur le campus le 27 octobre. Quatre représentants des partis étaient en présence pour l’occasion : Jean- François Kacou (candidat à la mairie, Futur Montréal), Maryse Bouchard (candidate au poste de conseillère de ville, Projet Montréal), Danso (candidat·e au poste de conseiller·ère de ville, Transition Montréal) et Julien Henault Ratelle (candidat au poste de conseiller de ville, Ensemble Montréal). 

Le débat a été annulé à peine vingt minutes après le début de l’événement.

Une vingtaine de manifestants propalestiniens ont hué Angela Campbell, en soutien au mouvement BDS (Boycott, Divest, Sanction) en dénonçant l’inaction de l’Université. Les manifestants représentaient l’essentiel des étudiants assistant à l’événement.

Les étudiants de l’Université McGill ont l’option de voter sur le campus le 29 octobre, entre 10 h et 14 h dans la salle 201‑A du centre universitaire.


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