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Les fantômes de 1995

Réflexions désordonnées sur l’avenir du Québec-pays.

Eileen Davidson | Le Délit

L’idée d’une troisième campagne référendaire aura à peine eu le temps de germer dans les esprits déconfits des Québécois que, déjà, les colonisés de service dressent avec empressement les épouvantails usés de l’asservissement volontaire. Dissimulés par des façades pragmatiques et fédératrices, les Chrétien, Trudeau et Ryan de ce monde ont su empoisonner le Québec grâce à une rhétorique malsaine, un vitriol de peur et de petitesse dont seul le Canada a le secret.

L’idée d’un Québec souverain est certainement polarisante, mais la mauvaise foi dont a fait preuve le camp du Non depuis maintenant 45 ans contribue à une débilisation du débat qui tient de l’absurde.

Et donc, 30 ans après la dernière mobilisation de notre peuple pour sa liberté et son indépendance, que nous reste-t-il vraiment de notre esprit combatif ? À en croire les sondages, il faudra placer notre espoir dans la génération nouvellement habilitée à décider de son destin. Il faudra rallier les jeunes Québécois.

Si ces mêmes jeunes expriment, par leur appui à la souveraineté, un désir de se départir d’une entité coloniale et pétrolière régressant dans un conservatisme social navrant, pourquoi leur refuser l’occasion de s’exprimer ? Pourquoi refuser à la moitié de la population québécoise l’opportunité de décider de son avenir, son identité et son existence pour la première fois ?

Je l’ai déjà écrit, mais l’idéal de l’indépendance québécoise n’est pas un délire nationaliste populiste exclusionnaire. Vous n’aimez pas ce que raconte le Parti québécois dans les dernières années ? Moi non plus ! Heureusement que l’indépendance n’a rien à voir avec lui… Il sera peut-être le parti qui la proposera à la population, mais il ne demeurera qu’une courroie, un vaisseau vers l’atteinte de notre souveraineté. Il est dit depuis toujours que le Québec-pays sera construit par une consultation diligente et démocratique de la population, pas par une entité despotique. Vous ne seriez tout de même pas assez idiots pour croire que le Québec perdra son multipartisme au profit d’un totalitarisme péquiste ! Et, si vous l’êtes, je connais un parti qui serait ravi de vous compter parmi ses membres…

Il est évident que toute la hiérarchie du PLQ, de l’aile jeunesse à la tête (creuse) du parti, se mobilise pour démoniser les motivations réelles du projet indépendantiste. On associe liberté et xénophobie, intolérance et autodétermination. On nous fait peur avec les tarifs de Trump, alors que Carney (supposé Christ incarné de l’économie) est incapable d’en faire une gestion quelconque. C’est trop compliqué, cette histoire d’indépendance, et de toute façon, ça n’intéresse personne.

L’incompétence apparente du chef libéral Pablo Rodriguez, qui formule des idées au rythme de l’écriture de ses discours par ses publicistes, est peut-être (ironiquement) un catalyseur éventuel du support à l’indépendance.

Si les jeunes (et les moins jeunes!) le démasquent pour ce qu’il est réellement, ils constateront peut-être enfin toute l’hypocrisie d’Ottawa. Un ministre fédéral déchu, inutile, qui n’attend même pas de siéger à l’Assemblée pour parler de ratification de la Constitution de 1982. Quelle injure pour tout Québécois qui connaît son histoire ! Au moins, le camp du Oui pourra se conforter dans le fait qu’il est bien loin d’avoir le charisme bourgeois de Trudeau ou l’expérience momifiante de Chrétien. Il n’a comme seul avantage qu’une coupe de cheveux relativement réussie et un site Web assez bien foutu.

Ne vous laissez pas rire au nez par les infâmes politiciens du Rest of Canada (et du Rest of Québec) qui réduisent l’indépendance à un projet farfelu, un idéal duquel on peut se moquer allègrement. Ne laissez personne tourner vos convictions au ridicule, et n’allez surtout pas imaginer que vous êtes seuls. Mais votre soumission, votre infériorité ne dépend que de vous. Elle résulte de votre choix ou de votre indifférence face à ce projet de liberté. Il vous paraît trop colossal, et le régime à abattre trop imposant.

« Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux » , disait de La Boétie.

Vous n’avez jamais été aussi nombreux à être unis pour la liberté de votre pays.

Il faut continuer à rêver à un Québec inclusif, une nation francophone unique en Amérique du Nord, un joyau culturel richissime de par sa diversité. Une nation hydroélectrique, durable et bardée de ressources naturelles. Mais avant tout, une nation libre, un pays reconnu par ses pairs, un gouvernement réellement souverain.

Et elle ne se fera pas dans un Canada en dérive.

Cette fois-ci sera la bonne. Vive le Québec libre !


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