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« Des bonbons ou un sort ! »

La cuisine d’Halloween : des traditions anciennes aux combines commerciales.

Leili Cossu | Le Délit

 La cuisine d’Halloween : des traditions anciennes aux combines commerciales.

Halloween puise ses racines dans des traditions très anciennes, bien antérieures à la fête que l’on connaît aujourd’hui. Son nom, « Halloween », est lui aussi récent, issu de la contraction de « All Hallow’s Eve » ou « la nuit de la Toussaint », tdlr. Bien avant de devenir une fête chrétienne, ce sont les romains et les celtes qui célébraient le changement de saison. Lorsque les romains envahirent les îles britanniques en l’an 43, le festival de Pomona du 1er novembre – une fête en l’honneur de la déesse des vergers et des récoltes – fusionna avec le festival celte de Samhain. Ce dernier célébrait également un moment de récolte, mais incorporait aussi un mysticisme traditionnel, se basant sur la croyance selon laquelle les esprits des ancêtres voyageaient parmi les vivants. On leur offrait de la nourriture pour tenter d’entrer en contact avec eux et obtenir des avertissements sur les dangers futurs, comme les mariages ou autres événements importants. Pour se protéger des esprits malveillants, les habitants revêtaient des costumes effrayants, se fondant ainsi dans la masse, et organisant des parades pour guider ces esprits hors des villages. 

Avec la montée du christianisme en Europe, de nombreuses fêtes païennes furent transformées en célébration religieuse, et Samhain n’y fit pas exception. La fête de la Toussaint, instituée en 835, s’inscrit ainsi dans cette continuité. On ne se déguisait plus pour se protéger des esprits, mais pour honorer les saints, une réadaptation qui mena à l’émergence de nouvelles traditions comme les « soul cakes » ou « gâteaux des esprits, tdlr ».

Traditions Culinaires La nourriture a toujours joué un rôle central dans les célébrations d’Halloween et les « soul cakes » en sont un parfait exemple. Ces petits sablés aux fruits secs et aux noix étaient offerts lors du « souling », un rituel où les enfants et les pauvres visitaient les familles riches pour prier pour les âmes des défunts et chasser les esprits malveillants, en échange de nourriture ou d’argent. Les pommes et autres fruits du verger ont aussi une place importante dans les traditions d’Halloween. Les jeux de « pêche à la pomme (tdlr) », encore populaires aujourd’hui, servaient de rituels de divination, œuvrant à prédire les prochains mariages. L’aisance avec laquelle une jeune femme parvenait à attraper une pomme laissée au fond d’un bassin d’eau dans sa bouche révélait son prochain mariage. Certaines épluchaient aussi les fruits, tentant de lire dans les bouts de peaux tombant sur le sol le nom de leurs promis. De même, brûler des noisettes dans le feu était un moyen de prédire des problèmes maritaux, selon si elles brûlaient ou craquaient sous les flammes. Des bonbons ou un sort ! Le « trick-or-treating» tel qu’on le connaît aujourd’hui est en réalité un mélange d’influences historiques et de transformations modernes. Au XIXe siècle, la migration massive d’Irlandais vers les États-Unis a apporté avec elle la tradition du « souling ». Mais le concept de frapper aux portes pour obtenir des friandises n’est vraiment apparu qu’au début des années 1930. 

La tradition irlandaise de farce ou « trick » s’est intensifiée pendant la Grande Dépression, et a entraîné des instances de vandalisme. Dans l’espoir de modérer ce genre de comportements, la pratique du « trick-or-treat » tel qu’on la connaît aujourd’hui a été mise en place. Si le rationnement de sucre lors de la Seconde Guerre mondiale a interrompu ces traditions, le baby-boom a redonné un nouvel élan à cette fête. En outre, dans les années 1950, les entreprises de confiserie et la publicité ont contribué à populariser cette pratique pour le grand public. Les médias de masse ont popularisé l’image d’enfants déguisés allant de maison en maison. Aujourd’hui, Halloween est l’une des fêtes les plus commerciales, rivalisant avec Noël et la Saint-Valentin. 

Consommation de friandises 

On ne peut pas parler d’Halloween sans parler de friandises – le cœur fondant de la célébration. C’est la fête par excellence pour se gaver de bonbons et de chocolats, jusqu’à être prêt à exploser. Une étude réalisée par le gouvernement révèle que le canadien moyen consomme plus de 135 grammes de bonbons sur la période d’Halloween ! Soit l’équivalent de 57 000 gigajoules : de quoi chauffer 570 foyers pendant un an. 

Cependant, cette année, Halloween s’annonce encore plus coûteux qu’auparavant. Il est prévu qu’en 2025, les ménages canadiens dépensent 10 à 20 % de plus en friandises – non pas parce qu’ils achètent davantage, mais parce que les bonbons eux-mêmes ont rapetissé. « Les tablettes de chocolat ont diminué de taille, les sacs de croustilles sont plus légers et les coûts d’emballage ont augmenté », explique l’économiste Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie. Cette stratégie commerciale appelée « réduflation » est souvent adoptée dans des contextes d’augmentation des coûts de la production afin de maintenir les marges bénéficiaires. Chocolats, croustilles et sucreries sont particulièrement touchés. Certaines entreprises se justifient en promouvant un effort de baisse calorique, mais surtout par la hausse astronomique des prix du cacao et du sucre, exacerbée par la sécheresse en Afrique de l’Ouest, ainsi que l’augmentation des coûts de transport et d’emballage. La domination des grandes marques favorise aussi l’escalade des prix car les consommateurs sont souvent prêts à payer plus cher pour leurs friandises préférées. Toutefois, cette réalité économique ne semble pas refroidir l’enthousiasme pour Halloween. Selon un sondage effectué en 2023, près de 49 % des Canadiens célébrant la fête prévoient de dépenser plus de 50 $ à l’occasion. Les analystes constatent aussi que plus de 80 % des consommateurs comptent maintenir ou augmenter leur budget Halloween, en dépit des pressions financières. 

En fin de compte, Halloween, avec ses traditions anciennes et ses montagnes de friandises, reste une fête de partage et de plaisir. Même si les bonbons rapetissent et les prix montent, l’envie de se déguiser, de célébrer et de se régaler reste bien la même – et ce même après plusieurs centaines d’années !


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