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« Je ne vole plus à la nature »

L’histoire du véganisme, entre enjeux éthiques et esthétiques.

Eileen Davidson | Le Délit

L’image du véganisme sur les réseaux peut se résumer à deux stéréotypes : soit l’influenceuse Instagram qui aime le yoga, les animaux et le macramé ; soit le fameux performative male (« homme performatif »), qui ajoute le véganisme comme corde à son arc, entre féminisme radical et anticapitalisme. À la base, le véganisme est un mode de vie visant à refuser toute consommation de produits d’origine animale. Ces dernières années, il a explosé en popularité : en Occident, les recherches Internet portant sur le sujet ne font qu’augmenter : en 2025, le véganisme était plus populaire que jamais.

Pourtant, l’histoire du véganisme est bien plus ancienne et diverse que cette récente vague de popularité pourrait nous amener à croire. Le premier exemple de véganisme nous vient du poète et philosophe syrien al-Ma’arri, il y a plus de 1 000 ans. Dans son poème « Je ne vole plus à la nature (tdlr) », il appelle à respecter la vie et le labeur des animaux sans chercher à se l’approprier.

« L’histoire du véganisme est bien plus ancienne et diverse que cette récente vague de popularité pourrait nous amener à croire »

Lisa, étudiante mcgilloise végane et membre du Student Club for Animal Liberation and Ethics (Club pour la libération et l’éthique animale), raconte son expérience individuelle et les valeurs liées au véganisme. Pour elle, l’élément déclencheur a été un documentaire Arte sur les abattoirs ; après ce moment, impossible pour elle de continuer à consommer des produits d’origine animale. D’abord devenue piscivégétarienne, ne mangeant donc pas de viande, mais encore du poisson, Lisa a ensuite entamé une transition progressive vers le véganisme. Aujourd’hui, cela fait plus de huit mois qu’elle a arrêté de consommer tout aliment d’origine animale – viande, produits laitiers, œufs, etc. Pour elle, c’est une question d’éthique : « Je ne vois pas de différence entre la dignité humaine et la dignité animale », explique-t-elle. « Pour moi, l’homme a la même valeur que les autres êtres vivants ». Elle étaye son argument par une citation du philosophe Jeremy Bentham : « La question n’est pas “peuvent-ils raisonner?” ni “peuvent-ils parler?”, mais plutôt, “peuvent-ils souffrir?” » Ignorer la souffrance animale revient, pour elle, à être spéciste, soit à créer une hiérarchie entre les espèces. Elle éclaircit ses propos:«Il y a plein de gens qui trouvent ça aberrant de manger un chien, mais qui n’hésitent pas devant un steak. C’est parce qu’il est plus facile de faire preuve d’empathie avec un animal que l’on connaît et côtoie. Et c’est parfaitement naturel : les humains créent des liens constamment. Mais, exclure ce qu’ils ne comprennent pas et ce qu’il ne leur ressemble pas, c’est une forme de discrimination. »

Même si le véganisme gagne en popularité, la consommation de viande continue également d’augmenter, avec une hausse de près de 3 % depuis 1960. Cette tendance est notamment due à l’accessibilité croissante de la viande dans les pays en développement. La consommation de produits animaux est en effet une question économique et sociale, comme le montre la réalité universitaire. Beaucoup d’étudiants, au contraire, réduisent leur consommation de viande et produits laitiers en raison des prix ; pour eux, s’orienter vers un régime végane n’est pas un choix basé sur des convictions éthiques, mais plutôt sur une nécessité économique.


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