Depuis le lundi 15 septembre, une grève de l’enseignement menée par les médecins spécialistes secoue le Québec. Cette mobilisation touche des milliers d’étudiant·e·s en médecine, tant au premier cycle qu’à l’externat.
Une rémunération conditionnelle qui fait polémique
La grève est une réponse directe au projet de loi 106, proposé par le gouvernement du Québec, qui vise à lier 25% de la rémunération des médecins aux critères de performances, dans le but de « mettre la priorité sur les patientes et les patients et de s’assurer que le temps et l’expertise des médecins contribuent pleinement à améliorer l’accès aux soins ».
Des étudiants laissés en plan
Le Délit s’est entretenu avec Ryan Kara, président de l’Association des étudiant·e·s en médecine de McGill (MSS : Medical Students’ Society), qui entame sa troisième année du doctorat en médecine, équivalente à la première année d’externat.
« Pour les étudiants au préclinique, les cours magistraux sont désormais remplacés par des enregistrements d’années précédentes, ce qui retire la possibilité de poser des questions en direct », explique-t-il. « Les petits groupes, qui étaient encadrés par des spécialistes, sont fusionnés en groupes plus larges avec des professeurs non cliniciens ou des médecins de famille, réduisant ainsi l’interaction directe et l’apprentissage personnalisé. » Mais l’impact est encore plus marquant pour les étudiants en externat : « Tous les stages cliniques, sauf ceux en médecine familiale, sont annulés. Cela signifie que les externes n’ont plus d’exposition clinique, ce qui compromet leur formation pratique essentielle. »
La réponse de McGill
Face à la situation, l’Université McGill tente de s’adapter en offrant plus de flexibilité administrative. Il est désormais possible de modifier ou d’annuler un stage à la dernière minute, souvent pour le remplacer par un stage de recherche. Mais la rapidité avec laquelle ces décisions doivent être prises constitue une source de stress supplémentaire pour les étudiant·e·s, déjà contraint·e·s de naviguer dans un contexte hautement incertain.
Malgré tout, Kara souligne les efforts de la Faculté de médecine pour soutenir les étudiant·e·s. Selon lui, celle-ci s’efforcerait de maintenir une exposition clinique en facilitant l’accès à des stages à l’extérieur de la province. Une mesure saluée par les étudiant·e·s bien qu’elle aille à l’encontre des objectifs du gouvernement, notamment ceux exprimés dans le projet de loi 83, qui vise à retenir les diplômé·e·s au Québec après leur formation. Un contraste que Kara juge pour le moins paradoxal.
Les impacts potentiels sont considérables
Kara souligne également les risques à long terme de la grève : retards de l’obtention du diplôme, perte d’accès au Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) et affaiblissement global de la formation clinique. Les étudiant·e·s concerné·e·s aujourd’hui seront les résident·e·s de demain, en première ligne dans les hôpitaux. « Si une cohorte entière de résidents manquait à l’appel en juillet 2026, cela créerait une pression supplémentaire importante sur le système de santé, qui se ferait malheureusement sentir par les patients », ajoute-t-il.
Tout en réitérant leur solidarité envers les médecins spécialistes et omnipraticiens dans leurs revendications, les étudiant·e·s en médecine, qui seront éventuellement représentés par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) ou par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), dénoncent le projet de loi 106. Le corps étudiant demande au gouvernement de reconnaître l’enseignement médical comme une priorité et d’accélérer les négociations. Kara déplore : « Le blocage actuel pénalise les médecins, les étudiants et, ultimement, les patients. »
Si cette grève constitue une contestation claire des médecins face à la réforme proposée, elle engendre aussi un ralentissement préoccupant de la formation des futurs médecins. En l’absence de résolution rapide du conflit, l’incertitude plane sur la suite de leur parcours.