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T.O.C. (Trouble d’opposition colonial)

L’illusion du désir d’un McGill en français.

Toscane Ralaimongo | Le Délit

Les opinions exprimées sur les retombées de la loi 96 (sur la langue officielle et commune du Québec) par la communauté mcgilloise sont pour le plus souvent articulées par des crétins, non-Québécois de surcroît. Je n’ai pas moi-même la prétention de ne pas être un crétin, mais au moins, je suis un Québécois. Francophone. Une précision quelque peu pléonastique, si vous voulez mon avis.

En premier lieu, je vous avertis. Ne vous avisez même pas de m’accuser frénétiquement d’être moi-même un avide colonialiste quant au sort linguistique des Premières Nations et des Inuit. Leur combat est le plus ardu de tous, et leur souveraineté se doit d’être une priorité étatique. Mais, par pitié, lisez la loi d’abord ! Lisez le préambule ! Elle n’est pas parfaite. Elle est même nettement insuffisante dans certains aspects. Mais elle vise à faire du français la seule vraie langue d’État québécoise. C’est tout. Il est carrément ignoble de démoniser les actions qu’un peuple prend pour assurer sa survie, et de présenter de manière malhonnête un projet de protection du français et de l’identité nationale. Un combat ne voit pas sa légitimité amoindrie par l’existence d’une autre injustice. 

Il fallait bien sûr que la minorité anglophone y voie une tentative ethnonationaliste de les éradiquer, de faire de leur vie un calvaire, le français faisant office d’engin de torture moyenâgeux. Il en faudra davantage pour me soutirer des larmes. Ce sont ces mêmes geignards anglophones qui ont rendu nécessaires les mesures de protection démocratiques législatives de la langue officielle du Québec ! Le français n’est parlé au Québec que grâce à la résistance, la survivance courageuse de nos ancêtres colonisés, rabroués, humiliés et vassalisés. Ils ont donné leurs vies pour se réapproprier les systèmes démocratiques et économiques du Québec, pour se retirer du joug étouffant d’une minorité d’aristocrates et de bourgeois voraces. 

Vous avez encore le droit de parler en anglais, je vous rassure. Comme j’ai le droit de parler français en Hongrie. Ou bien de baragouiner quelques phrases d’italien en Indonésie. Mais ce n’est pas la langue d’État. On ne peut pas s’attendre à ce que toute une société se contorsionne et renie son identité pour accommoder nos caprices linguistiques. On doit bien être la seule nation qui doit se justifier de vouloir protéger sa langue ! Au Québec, c’est en français que ça se passe. C’est en français que ça doit continuer de se passer. 

Sauf à McGill, évidemment. 

Le fier bastion du bilinguisme approximatif (on y alterne l’anglais et la langue de bois) mène des campagnes pour essayer de nous faire croire que le français lui importe. Qu’il faut vivre McGill en français, ou du moins être capable de le faire. Soyons sérieux : il est impossible de vivre McGill dans une autre langue que l’anglais, exception faite de quelques facultés. J’ai rarement vu plus hypocrite. Mais, je vais donner raison à l’administration sur un point : les hausses des tarifs pour les étudiants hors Québec sont paralysantes et administrées de manière bancale par les législateurs de la Coalition Avenir Québec (CAQ). C’est complètement contre-productif d’induire des coupes budgétaires alors que l’on souhaite que l’Université amplifie la prestation de services de francisation. Colossale erreur de jugement, sans doute. 

Vous avez encore le droit de parler en anglais, je vous
rassure. Comme j’ai le droit de parler français en
Hongrie. Ou bien de baragouiner quelques phrases
d’italien en Indonésie. Mais ce n’est pas la langue d’État.
On ne peut pas s’attendre à ce que toute une société se
contorsionne et renie son identité pour accommoder nos

caprices linguistiques

Quand des mesures concrètes sont implantées par le gouvernement pour franciser la population étudiante, l’Université s’oppose. Et ça, il fallait s’y attendre. Pourtant, le seuil de francisation fonctionnelle des étudiants, établi à 80%, est bien loin d’être déraisonnable, quoi qu’en dise la Cour supérieure du Québec (dont les juges sont nommés, évidemment, par le fédéral). Ça pourrait même être 100%, quant à moi. Mais pour McGill, il n’en est pas question. Franciser, c’est trop cher, pas assez important, trop relatif, trop chronophage… franciser, ça les emmerde ! 

Et bon, pragmatisme oblige, les étudiants internationaux anglophones sont tellement plus lucratifs ! 

Je suis aussi tanné d’entendre régurgiter l’espèce d’adage débilitant qui affirme que « si on force les gens à apprendre le français, ils ne s’en servent pas sur le long terme, ils ne seront pas motivés à le faire ». Ils sont par contre assez motivés pour choisir consciemment de venir s’installer au sein d’une nation francophone, mais pas assez pour l’intégrer. Étrange. C’est sûr que la motivation tend à s’effacer quand on sait pertinemment que l’on peut s’établir dans une enclave unilingue anglophone et être parfaitement fonctionnel. 

Si on veut s’installer au Québec, il faut apprendre à parler français. C’est enrageant de voir qu’une logique qui s’applique à absolument toutes les nations du monde (si on se refuse à appeler le Québec un pays) se bute à tellement de gens qui ignorent l’histoire et la réalité de l’endroit qu’ils habitent. Relisez (ou, pour la plupart, lisez) votre histoire québécoise : vous serez moins récalcitrants. Vous comprendrez pourquoi une multitude de gouvernements ont fait des efforts herculéens (et parfois maladroits) pour protéger la langue du peuple. Je me répète, me direz-vous, mais ça me paraît tellement simple ! Tellement évident ! 

Un autre argument inventé pour s’opposer à la loi 96 repose sur un refus total de reconnaître le déclin du français au Québec. Refus complètement insensé : le français perd du terrain, surtout chez les jeunes, et les Québécois francophones ont le poids démographique le plus faible de leur histoire, en comparaison au reste de la population canadienne. Les Québécois francophones ont beau être majoritaires sur leur territoire, ils perdent du terrain, confinés à leur protectorat néocolonial. Nier un déclin qui crève les yeux, c’est vraiment un non-sens. Dites-le, si vous ne voulez pas parler français, mais ne faites pas semblant que vous n’avez aucun impact sur l’existence de notre société. 

Bon, et quel rapport avec l’Université ?

Dans l’imaginaire collectif francophone, elle reste le symbole de l’Anglo-patroneux-arrogant. L’université du petit bourgeois qui fait son chemin du manoir de Westmount de son papa, le grand bourgeois, jusqu’au pied du Mount Royal. En saisissant la Cour supérieure du Québec pour s’opposer à la francisation de son corps étudiant, elle entretient soigneusement cette image. McGill veut éduquer ses étudiants en anglais, strictement en anglais, toujours en anglais. Elle continue d’asseoir sa supériorité sur le peuple québécois francophone, ne lui jetant que quelques miettes minables pour calmer son appétit. 

Je suis très loin d’aimer la CAQ. Même que je l’abhorre. Mais la loi 96, malgré ses défauts, sera assurément un outil de protection et de promotion de la langue assez formidable. Tout devra être produit ou traduit en français, des documents légaux aux promesses d’affaires… et c’est normal ! Le français, c’est encore notre langue, et en dépit des efforts d’une minorité qui a longtemps agi comme une majorité, j’ose espérer que ce le sera toujours.


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