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L’assurance collective : une accessibilité compromise

Le débat du retrait.

Toscane Ralaimongo | Le Délit

Maintenir un régime d’assurance accessible pour la communauté étudiante ou protéger les étudiants en tant que consommateurs et consommatrices ? C’est le dilemme que pose le régime d’assurance collective fourni par l’Alliance pour la santé étudiante au Québec (ASEQ) et Desjardins, et qui devra être étudié par la Cour supérieure du Québec.

Depuis 1996, des milliers d’étudiants québécois et canadiens bénéficient d’une assurance collective négociée par l’association étudiante de leur université respective. L’adhésion au régime d’assurance est automatique, avec la possibilité de s’en désinscrire à chaque nouvelle rentrée de session d’automne. À McGill, c’est Studentcare qui est derrière ce plan de santé, courtier entre Assurance Desjardins et l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Les avantages sont nombreux : couverture d’un large éventail de services, allant des soins dentaires aux conseils juridiques, le tout à un prix compétitif. Une offre trois à cinq fois moins chère qu’une couverture classique, se voulant accessible pour tous. Ces assurances font surtout office de complément pour les étudiants, dont la plupart sont déjà couverts par un régime de base. Elles prennent en charge les soins dentaires, ophtalmologiques, de santé mentale et autres services non inclus dans le plan provincial.

« Le rapport suggère une simplification des démarches de retrait, un rallongement du délai et une meilleure communication »

Si ce système d’assurance semble en tout point avantageux pour la communauté étudiante, des voix s’élèvent à son encontre. Les critiques sont principalement dirigées contre le caractère automatique de ce régime d’adhésion, jugé illégal. Déposée en juin 2023 et menée par deux anciennes étudiantes de McGill et Concordia, une action collective conteste le modèle de retrait (opt-out). Manque d’informations et de transparence, délais de retrait trop limités, collection de données personnelles non consenties, voilà les principaux reproches adressés à l’assurance collective.

En détaillant la facture de frais d’étude, on peut s’apercevoir que la communication laisse effectivement à désirer : les dépenses optionnelles et automatiques ne sont pas explicitées. À la manière du petit poucet, McGill semble les dévoiler au compte-goutte, nous dirigeant d’un site à l’autre. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux étudiants ignorent jusqu’à l’existence de cette couverture. Certains frais, comme le programme de protection juridique et les frais dentaires de l’AÉUM sont accompagnés d’un astérisque, signifiant qu’ils sont facultatifs. Mais cela, la page ne le précise pas, et indique encore moins la démarche à suivre pour se retirer. Il faudra passer par la page intitulée « Description des frais », puis à nouveau par Minerva, puis enfin par Studentcare pour y parvenir. Et si les étudiants viennent à bout de cette chasse au trésor, il faut leur souhaiter d’y être arrivés avant la fin du délai de retrait. Cette année, la fenêtre de délai s’étend du 13 août au 26 septembre. En moyenne, les étudiants bénéficient de trois à six semaines pour se désinscrire. De nombreux étudiants déjà couverts l’ont manqué, et se sont vus contraints de payer une année entière d’assurance sans possibilité de remboursement.

Face aux critiques autour de l’assurance collective, la transition vers un régime d’adhésion individuelle semble être une solution idéale. Pourtant, un bon nombre d’étudiants reste attaché à son maintien.

En 2024, l’Université de Montréal a tenté de s’en défaire, soucieuse de se conformer à la Loi 25 sur la protection des renseignements personnels au Québec. L’Université voulait adopter un modèle d’adhésion. Cette démarche a été largement contestée par son association étudiante, la FAÉCUM. Défendant le droit à une assurance collective, elle a lancé une pétition cumulant près de 1 400 signatures. Ce refus de la part de la FAÉCUM n’est pas surprenant, car c’est le modèle de retrait qui garantit l’accessibilité à l’assurance. En effet, l’adhésion du plus grand nombre d’étudiants au régime permet une plus grande répartition des coûts, au profit des étudiants les plus défavorisés. À l’inverse, une adhésion individuelle serait beaucoup moins rentable pour les fournisseurs d’assurance, qui verraient une baisse des montants perçus.

Dans un rapport publié en janvier 2024, l’Autorité des marchés financiers a lancé une consultation publique ouverte à diverses parties prenantes. Parmi celles-ci, 95% étaient favorables au maintien du modèle actuel et 43% jugeaient souhaitable que des améliorations soient mises en place. Le rapport suggère une simplification des démarches de retrait, un rallongement du délai et une meilleure communication.

Devons-nous donc totalement changer de modèle, en faveur d’un régime d’adhésion, ou seulement réexaminer certaines modalités de l’assurance collective ? C’est la Cour supérieure du Québec qui tranchera.


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