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Démission de la première ministre française

Quels enjeux pour la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron ?

Clément Veysset | Le Délit

Après presque 20 mois à Matignon, Elisabeth Borne a remis sa lettre de démission au président français Emmanuel Macron, qui l’a acceptée le 8 janvier dernier. Cet événement met fin à un mandat turbulent pour la politicienne et son gouvernement, et annonce un nouveau tournant pour le président Macron. Ce dernier a nommé Gabriel Attal, ex-ministre de l’éducation, premier ministre pour former un nouveau gouvernement, et redonner de l’élan à la macronie.

La gouvernance du 49.3

Forte d’une longue carrière dans la fonction publique, et plusieurs fois ministre depuis la première élection d’Emmanuel Macron en 2017, Elisabeth Borne avait pris ses fonctions de première ministre en 2022 dans des conditions pour le moins compliquées. Dès fin 2018, Emmanuel Macron avait déjà largement perdu en popularité à cause du mouvement des gilets jaunes. Cette période fut suivie d’une crise COVID douloureuse pour la France sur les plans économique et social. Dès la première année de son mandat, Elisabeth Borne s’était donné pour objectif de faire avancer l’agenda du président réélu afin de relancer rapidement le nouveau quinquennat.
Néanmoins, malgré sa réélection, Emmanuel Macron n’est pas parvenu à se constituer une majorité absolue lors des élections législatives de juin 2022, ne lui permettant pas de jouir d’une capacité d’action aussi forte que précédemment. Là où une majorité relative aurait dû forcer le groupe du président (Renaissance) ainsi que les oppositions à négocier, et laisser place au compromis, la situation n’a cependant pas évolué comme tel.

Ces vingt derniers mois, le gouvernement Borne a eu recours à l’article 49.3 de la constitution à de multiples reprises. L’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution permet d’éviter le vote de l’Assemblée lors des débats autour d’un texte de loi. Elisabeth Borne en a fait l’usage 23 fois, un chiffre historique s’approchant des 28 utilisations par l’ancien premier ministre Michel Rocard de 1988 à 1991. L’emploi répété de cette mesure exceptionnelle ne s’est pas fait sans contestation, tant à l’Assemblée que dans les rues de nombreuses villes françaises, par exemple place de la Concorde, à Paris. La réforme des retraites, prévoyant l’augmentation graduelle du départ à la retraite, de 62 à 64 ans, adoptée en mars 2023, illustre ces tensions qui s’expriment tant dans l’enceinte de l’Assemblée nationale que dans les rues.

Cette utilisation du 49.3, qualifiée par beaucoup d’excessive, a largement remis en cause la légitimité démocratique des lois adoptées, et a plus généralement contribué à une baisse significative de popularité pour Emmanuel Macron, son gouvernement et leur manière de gouverner.

« Cette utilisation du 49.3, a largement remis en cause la légitimité démocratique des lois adoptées, et a contribué à une baisse significative de popularité pour Emmanuel Macron »

Vers un renouveau ?

Conscient des 3 années de mandats difficiles qui l’attendent, Emmanuel Macron décide de remanier son gouvernement le 8 janvier 2024, et nomme Gabriel Attal au poste de premier ministre. Faisant partie du gouvernement depuis 2017, l’homme politique de 34 ans a jusqu’à aujourd’hui fait partie des plus fidèles du camp macroniste, et ce, même dans les moments les plus complexes pour la macronie. Néanmoins, si les remaniements sont d’usage, utilisés pour redonner de l’élan au pouvoir exécutif lorsqu’il s’essouffle, la nomination de Gabriel Attal au poste de premier ministre a rapidement fait réagir les oppositions, critiquant la nomination d’un « bébé Macron » à la tête d’un gouvernement dont la politique n’allait que se poursuivre et rester inchangée.

En effet, le profil du nouveau gouvernement, annoncé le 11 janvier, laisse entrevoir une continuité avec le gouvernement d’Elisabeth Borne. Gabriel Attal affiche néanmoins des ambitions nouvelles. Au cours de son discours lors de la passation de pouvoir à Matignon, le premier ministre a annoncé les objectifs de son gouvernement. Parmi ces objectifs, Gabriel Attal a insisté sur sa volonté de donner une place prépondérante
à « la cause de l’école », renforcer les services publics, et mieux contrôler l’immigration.

Si le gouvernement Borne a gouverné en entrant parfois en désaccord total avec l’Assemblée, Gabriel Attal va-t-il changer de mode d’action d’ici la fin du quinquennat ? Quelle nouvelle manière d’agir va-t-il mettre en œuvre ? Dans le journal de 8 h 30 de la radio France Info du 11 janvier 2024, le chef du parti communiste français Fabien Roussel, a notamment défié Gabriel Attal de ne plus utiliser l’article 49.3 pour l’adoption de futurs projets de loi. Dans son discours lors de la passation de pouvoir, le premier ministre a montré sa volonté de renouer avec les groupes d’opposition, il s’est notamment donné pour objectifs de « toujours les écouter » et de « toujours les respecter ». Ces déclarations resteront-elles des paroles, ou se traduiront-elles par des actes ?


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