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Laissez nos écoles tranquilles

Nous devons éduquer sur la sexualité et l’identité de genre dans les écoles québécoises.

Rose Chedid | Le Délit

Avec la sortie de la quatrième saison de Sex Education et la récente manifestation 1 Million March 4 Children, qui avait pour objectif de « plaider en faveur de l’élimination du programme d’orientation sexuelle et d’identité de genre, de l’éducation sur les pronoms, sur l’idéologie de genre et des toilettes mixtes dans les écoles (tdlr) », l’éducation à la sexualité et aux identités de genre est le sujet de l’heure. Notre ministre provincial de l’Éducation, Bernard Drainville, s’est lui aussi lancé dans une croisade anti-inclusion quand il a exprimé son refus catégorique de voir des toilettes non genrées devenir la norme au Québec. Pour sa part, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), prétend être témoin d’une montée des idéologies de la « gauche radicale » et dit craindre que ces idées deviennent la norme sans être débattues à l’Assemblée nationale. Il a donc proposé une commission parlementaire qui viserait à déterminer si l’identité de genre doit prendre davantage d’espace dans le cursus d’éducation sexuelle, et à partir de quel âge on devrait y exposer les enfants.

L’éducation sexuelle et à la diversité de genre au Québec

Depuis 2018, le ministère de l’Éducation a mis en place un cursus d’apprentissage lié à la sexualité, qui est enseigné partout à travers le Québec. Ce dernier est obligatoire pour les élèves d’établissements primaires et secondaires, autant pour les étudiant·e·s du privé que du public. Au primaire, les jeunes commencent par apprendre les concepts plus globaux liés à la sexualité, comme la croissance sexuelle, l’image corporelle ainsi que la vie affective et amoureuse. Ils·elles apprennent ensuite à reconnaître la violence à caractère sexuel, et suivent un module intitulé « Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales ». Celui-ci initie les jeunes aux stéréotypes genrés de féminité et de masculinité, afin de les reconnaître et de se situer par rapport à ces normes. Ils·elles doivent comprendre en quoi la perpétuation de ces stéréotypes et la discrimination liée à l’orientation sexuelle ou à l’expression et l’identité de genre sont problématiques.

Au secondaire, le programme québécois d’éducation à la sexualité recentre son attention sur la prévention des infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS), sur les concepts de consentement, de contraception, et de plaisir et désir sexuel. Bien qu’on parle toujours d’identité de genre dans le cursus académique, d’autres sujets semblent prévaloir sur l’éducation à la diversité de genre à cet âge.

L’éducation sexuelle : un indispensable ?

Selon l’organisation Action Canada pour la santé et les droits sexuels, « l’éducation à la sexualité vise à autonomiser les jeunes personnes en leur fournissant les outils et l’information dont elles ont besoin pour faire des choix éclairés et pour vivre selon leurs valeurs (notamment religieuses, spirituelles et familiales) ».

L’organisation souligne l’importance de cette pratique, et met en garde contre la croyance populaire que c’est en fait une sorte de « propagande de la promiscuité », ou encore que cette forme d’enseignement est incompatible avec la foi.

Au Québec, l’éducation sexuelle et sur la diversité de genre cause toujours des vagues. Nous en avons été témoins la semaine dernière, quand des centaines de manifestants se sont rassemblés pour la 1 Million March 4 Children au centre-ville de Montréal, afin de protester contre l’éducation à l’idéologie de genre dans les écoles. Leur rhétorique se centrait principalement sur le droit des parents de décider s’ils·elles désirent leur en parler, et à quel âge ce sujet devrait être abordé.

En revanche, les contre-manifestants étaient d’avis que les protestataires tentaient d’importer les guerres culturelles américaines ici, au Québec, et désiraient priver les jeunes Québécois·e·s d’enseignements importants sur l’inclusion et le respect des personnes de diverses identités sexuelles et de genre. Quant à elles·eux, il est essentiel d’éduquer en jeune âge à la diversité de genre, parce que c’est durant ces années formatrices que les stéréotypes et les attitudes discriminatoires s’enracinent.

Réfuter un argumentaire réducteur et discriminatoire

Pour commencer, l’éducation sexuelle et sur la diversité de genre est une pratique qui, comme mentionné précédemment, ne vise pas à influencer l’identité sexuelle ou de genre de qui que ce soit, mais plutôt à créer un environnement inclusif et accueillant pour tous·tes dans les écoles québécoises. Quand PSPP parle d’une montée de la « gauche radicale », je dis plutôt que c’est le bon sens qui commence à émerger, tout simplement. Il s’agit du minimum que de s’assurer que tous·tes les jeunes se sentent bien dans leurs écoles, sachant que ce n’est parfois pas le cas à la maison. Mais dans quel univers ne voudrions-nous pas rendre nos écoles plus accueillantes aux jeunes vivant déjà au quotidien avec le défi de se sentir différent·e·s ?

« Il est essentiel d’éduquer en jeune âge à la diversité de genre, parce que c’est durant ces années formatrices que les stéréotypes et attitudes discriminatoires s’enracinent »

Non seulement l’éducation sexuelle et à l’idéologie de genre rend nos écoles plus inclusives et accueillantes, mais aussi plus sécuritaires. Une jeunesse mal éduquée est une jeunesse en danger. Le programme d’éducation sexuelle permet aux jeunes d’apprendre une panoplie de notions, telles que le consentement, les abus sexuels non traditionnels, comme l’abus verbal ou psychologique, les différents modes de contraception, et plusieurs autres. C’est le manque d’éducation de la jeunesse qui permet à des rhétoriques transphobes, homophobes et autres de se perpétuer : en initiant à la diversité en bas âge, on démonte les murs bâtis autour de la différence, et on ouvre le dialogue, laissant place aux questions et en leur offrant des réponses.

Les discussions autour de différents sujets associés à la sexualité et à l’identité de genre font partie intégrante de l’éducation de nos enfants, et celles-ci passent non seulement par la sphère privée, mais aussi par la dispersion de cette information dans
les écoles. Certains diront : « Mais pourquoi ne pas attendre l’âge adulte, quand nos enfants pourront prendre des décisions pour elles·eux-mêmes ? » Selon Action Canada pour la santé et les droits sexuels, il n’y a pas d’âge auquel on devrait initier les enfants à la diversité sexuelle et de genre, ainsi qu’aux différentes facettes d’une sexualité saine. Selon l’organisation, « l’éducation sexuelle à la maison commence dès la naissance, en montrant par exemple à nos enfants que nous respectons leurs limites lorsqu’ils et elles ne veulent pas qu’on leur donne de câlin ou qu’on les chatouille, en répondant à leurs questions sur ce qu’est une famille, ou en contestant l’idée selon laquelle le rose est une couleur réservée aux filles ».

Cette responsabilité d’éducation se transpose par la suite à la sphère publique lorsque les enfants entrent à l’école. Bien que les parents soient les premiers enseignants, l’éducation à la sexualité et aux identités de genre en milieu scolaire sert de complément à l’enseignement offert –ou non–à la maison.On ne peut donc pas supposer que les parents font un travail exhaustif quant à la santé sexuelle et en ce qui a trait à la diversité. Il faut donc que ces sujets soient abordés à l’école, afin de permettre un environnement de compréhension, d’acceptation et de célébration de la différence, non seulement dans nos écoles, mais dans toutes les sphères de la vie.


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