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ChatGPT : une nouvelle façon d’apprendre ?

L’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans le milieu éducatif.

Alexandre Gontier | Le Délit

L’intelligence artificielle ChatGPT de OpenAI a révolutionné la manière dont nous interagissons avec
les ordinateurs. Formé sur des milliards de lignes de textes, ce modèle de traitement du langage peut générer du texte en réponse à des questions, fournir des informations précises et même effectuer des tâches complexes. Les élèves de l’Université McGill sont de plus en plus conscients des avantages que peut leur apporter l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage. Grâce à sa capacité à comprendre le langage naturel, ChatGPT peut aider les élèves à clarifier leurs doutes, à approfondir leurs connaissances et à résoudre des problèmes de manière autonome. Cet article se concentre non seulement sur les bénéfices concrets que les élèves de McGill tirent de l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage, mais également sur leur vision de l’avenir de l’utilisation de l’IA dans l’éducation et sur la place que cela prend dans leur vie quotidienne.

Le ton peut sembler un peu rigide, mais qui, en lisant cette introduction, devine que l’auteur n’est autre que l’intelligence artificielle ChatGPT elle-même ?

Sortie le 30 novembre 2022, elle compte aujourd’hui plus de 100 millions d’utilisateurs actifs. Sa capacité à rédiger des textes quasi-instantanément et à accéder aisément à une vaste étendue de connaissances en fait un outil incroyablement performant et capable de répondre à la plupart de nos questions. L’IA peut produire en quelques secondes ce qui prend à un humain des heures.

C’est pour cette raison qu’elle est de plus en plus utilisée chez les étudiants. Cette popularité soulève de nombreux questionnements dans le milieu académique. On entend en effet de plus en plus de professeurs manifester leur crainte de ne plus pouvoir vérifier l’authenticité des devoirs de leurs élèves. Chat GPT Detector, une entreprise montréalaise permettant de vérifier si l’IA est l’autrice d’un texte, a même été développée dans l’objectif de répondre à ces inquiétudes. Cependant, certains tiennent un discours opposé : pourquoi se priver d’un outil aussi puissant quand on pourrait apprendre à bien s’en servir pour développer l’enseignement supérieur ?

Plusieurs étudiants de différentes facultés de McGill ont accepté de témoigner de leur utilisation de ChatGPT, et ont été sondés sur les conséquences qu’ils entrevoient pour le système éducatif futur.

« ChatGPT pourrait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive »

Eglantine, étudiante à la Faculté des arts

Eglantine, étudiante de la Faculté des arts, a récemment découvert ChatGPT en jouant avec son frère. Elle estime que l’IA fournit des réponses trop simples qui ne correspondent pas aux standards des essais demandés par les professeurs de la Faculté des arts, et ne pourrait donc pas se substituer à ses rendus. Elle regrette cependant que les professeurs n’utilisent pas cette ressource comme outil dans l’apprentissage des étudiants. « ChatGPT pour- rait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive. »

Murad, étudiant à la Faculté de génie, a appris l’existence de ChatGPT peu après sa sortie en décembre dernier. C’est un événement qui a provoqué beaucoup d’enthousiasme dans les cercles de codeurs dont il fait partie. Il l’utilise très fréquemment dans son quotidien, pour ses travaux académiques comme pour ses activités extrascolaires. « Je l’utilise pour m’aider à répondre à des questions sur des sujets que je ne comprends pas bien à l’école, pour répondre à des mails. Je l’utilise même pour générer la description des évènements de l’Engineering Socials Committee. Cependant mon utilisation préférée – et la plus prometteuse – c’est sa capacité à générer du code. C’est absolument remarquable, les choses que cela peut créer en quelques secondes. L’IA peut faire un projet en quelques minutes qui aurait pris à une équipe des mois à finir. »

Il prend l’exemple d’un projet de groupe qu’il devait faire avec une équipe de 10 personnes. Son équipe a entré les consignes dans ChatGPT qui a commencé à générer le code qui était demandé. Il s’agit d’un devoir qui doit prendre à l’équipe un semestre à compléter. L’utilisation de l’IA fait l’objet de débats au sein du groupe.

« Certaines personnes dans l’équipe veulent faire le travail elles-mêmes, mais je ne suis pas d’accord. Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous ? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes. »

ChatGPT est un outil extrêmement puissant, qui va probablement provoquer de nombreux changements dans notre façon de vivre, d’enseigner et d’apprendre. S’il y a définitivement un décalage dans la façon dont certains craignent cette innovation et l’aide immense qu’elle pourrait pourtant nous apporter, ce n’est, selon Murad, qu’une question de temps avant que l’outil soit intégré à l’apprentissage scolaire.

« Il faut juste que ça rentre dans les mœurs. Avant, les calculatrices n’étaient pas toujours bien acceptées en cours, mais elles le sont de plus en plus parce qu’on accepte qu’on vit dans un monde où les calculatrices sont accessibles à tout moment. L’IA va s’intégrer doucement dans la façon dont on enseigne et on apprend, et ça reflétera la façon dont ça va s’intégrer dans la société. »

En effet, comme le dit Murad, à mesure que l’IA s’intégrera à la société, elle risque de provoquer des changements importants dans la forme de l’enseignement et ses objectifs. Le doyen des étudiants Robin Beech, a envoyé un courriel aux McGillois pour leur inter- dire l’utilisation de ChatGPT dans leurs rendus. Comme il l’a souligné, l’IA est encore en processus d’amélioration et n’est pour l’instant pas en mesure de fournir des réponses fiables. Cependant, au vu de ses progrès rapides, on peut imaginer le potentiel d’évolution de ChatGPT, jusqu’à devenir un outil académique incontournable.

« Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous ? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes »

Murad, étudiant à la Faculté de génie

Les écoles devront alors s’adapter et intégrer l’IA dans leurs programmes d’apprentissages pour que leurs enseignements continuent de correspondre au monde qui les entoure. Mais seront-elles en mesure de le faire ? Bien qu’enrichi de nouveaux formats, le système scolaire n’a pas tant évolué depuis sa création. La capacité de ChatGPT à synthétiser une grande quantité d’informations renverse le rapport au savoir entre l’enseignant et l’élève. Face à des bouleversements aussi importants, on peut se demander si le système éducatif va réussir à s’adapter ou s’il s’agit d’une innovation de rupture qui va le forcer à se réinventer. Les inquiétudes qu’a soulevées la popularisation de l’IA est peut-être le symptôme d’un mal plus grand : le décalage qui existe entre la vitesse d’évolution des technologies et la difficulté des institutions qui se sont pérennisées aut-our de principes obsolètes à absorber ces changements. 


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