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Le regard féminin

Marie Prince | Le Délit

Ce que j’aime dans les soupirs,

C’est l’expressivité que peut avoir une brise,

Lorsque je respire trop fort

Je crains qu’on ne me croie abandonnée

À des plaisirs interdits.

.

Alors je retiens mon souffle,

À m’en étourdir l’âme

Les courbes de mon corps se cassent

Éboulement.

.

Je peux vraiment dire

Que la peur,

Que les regards voyeurs sur nos corps

Font naître en nos coeurs,

Est à couper le souffle.

.

On me peint

On m’habille

On me dessine

On me photographie

Je suis oeuvre

Mon corps est oeuvre.

.

Pourtant, moi, je vois une voie lactée

Ce sont les milliers de coups

L’érosion de la pluie

Les brûlures et la brume

Qui lui permettent de briller.

.

Le rouge, le brun et le bleu de mon visage 

Cachent une chair dévorée par le temps 

Consumée par la vie.

.

Et je ne suis pas une femme

Parce que je serai belle dans tous les cas

Je suis une femme

Car sur la pierre dans laquelle sont gravés mes dix commandements

Toutes les tempêtes se sont abattues.

.

Le roc qui me porte me chuchote

Que je suis douce, sensible, compliquée, impulsive, calme, dévouée, imprévisible, courageuse et puissante

Car le ruisseau qui m’emmène est celui de la féminité

Et il m’apprend plus que l’on ne m’en apprendra jamais.


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