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On va y passer la nuit

Présentation de la section inédite « Vie nocturne ».

Alexandre Gontier | Le Délit

Il faisait encore jour dans mon appartement, j’accumulais les nuits blanches. Je m’apprêtais à m’asseoir pour commencer à écrire ce texte quand une femme est rentrée chez moi. Je crois que je la connaissais, elle s’est assise, elle a parlé avec ses vêtements et des silences. Je ne l’ai pas regardée, j’ai soupiré. Elle m’a répondu en frottant sur sa robe. J’ai expliqué que j’étais l’éditeur d’une nouvelle section du Délit et qu’elle allait s’appeler « Vie Nocturne ». Elle comprenait tout ce que je disais comme si nous nous connaissions. Elle n’a rien dit au début, puis dans un langage de serpent, je l’ai entendue sourire. Elle s’est rapprochée pour me poser une question. J’ai écouté sa question et j’ai réfléchi. Elle n’était déjà plus là. Je n’ai pas arrêté de réfléchir. J’y ai passé la nuit. À cause d’elle, je suis en retard. Encore troublé par mes réflexions, je me suis rendu à McGill, et j’y suis en ce moment. J’écrivais dans les bureaux du Délit. Mon texte peinait à avancer, l’équipe s’impatientait. Un·e membre de l’équipe est venue me voir et m’a dit : « Alexandre, finis vite ! On ne va pas y passer la nuit ». Agacé par sa présence légitime, j’ai répondu : « Mais qu’est-ce que c’est la nuit ? » Iel m’a regardé, puis iel a dit : « Je ne comprends pas, tu n’écris pas en Philosophie ? Tu devais juste expliquer au lectorat comment contribuer pour écrire dans ta section ». J’ai réalisé qu’iel avait raison et depuis l’écriture avance bien mieux. Une définition de la nuit n’existe pas, la nuit est une expérience métaphysique. Il ne me reste que quelques minutes pour vous expliquer comment écrire dans ma section « Vie Nocturne ». 

« La nuit est un défi, elle relève de la transgression des codes de l’expérience diurne » 

L’enjeu de la section peut se résumer sans définition mais en deux questions : Comment la nuit vous impacte-t-elle ? Que vous évoque la nuit ? 

Elle peut être le temps, le sommeil, les rêves. Elle peut renvoyer à l’intimité (aussi bien pour le secret que pour la sexualité). Et enfin, on la rattache aussi aux fêtes, aux autres, aux étrangers et aux dangers. La nuit peut être tout ça et plus encore, c’est une aventure existentielle plus ou moins rassurante. Ce qui est intéressant avec le thème de la nuit, c’est l’idée de l’inconnu, du mystère nocturne qui s’installe aux couchers du soleil et de certains, que l’on sent tous mais qui ne s’explique pas. La nuit est un défi, elle relève de la transgression des codes de l’expérience diurne. Le jour est ordonné, il est la surface visible où les cachettes se font plus rares. Le jour correspond à la rationalité de la productivité. En négatif, la nuit renvoie à la dilatation du temps, à la légèreté des rendez-vous : on n’est pas en retard la nuit. Cependant le capitalisme contemporain nous rappelle souvent que le jour ne nous échappera pas, et que la liberté nocturne est plus un fantasme qu’une vérité. Même quand il fait nuit, les ascenseurs fonctionnent et les lumières automatiques nous rappellent qui nous sommes : le hibou couche-tard, une punaise de lit ou un vampire. La nuit est ponctuée de ces moments aseptisés qui nous sortent de nos obsessions. L’opposition entre le jour et de la nuit n’est pas réductible au contraste nox/lux ni à une succession manichéenne. L’alternance est indispensable au fonctionnement du cycle nycthéméral, le jour a besoin de la nuit. La nuit complète le jour, car elle donne à l’imprévisible un rôle plus important. Quand la nuit porte conseil, elle offre l’occasion de transfigurer la vie diurne.

« “Alexandre, finis vite ! On ne va pas y passer la nuit”. Agacé par sa présence légitime, j’ai répondu : “Mais qu’est-ce que c’est la nuit?” »

La section « Vie Nocturne » se décompose en six rubriques. Vous êtes invité·e·s à partager vos productions sur la nuit selon les rubriques suivantes : 

La première : « Délit au lit »

Cette rubrique regrouperait les travaux et créations (textes, entrevues, illustrations, BD…) qui se rattachent à tout ce qui se passe au lit : sexualité, sommeil, somnambulisme et punaises de lit… la seule limite est le matelas (sauf si vous dormez sur une surface plus originale).

La deuxième : « Soifaim »

Cette partie regrouperait vos critiques gastronomiques, recommandations de restaurants, bars, dépanneurs ouverts 24h… dans la région de Montréal. En somme, tout ce qui se réduit au goût. 

La troisième : « Attention : Danger »

Celle-ci serait composée de vos expériences nocturnes dangereuses, effrayantes ou mystérieuses. Soyez sans crainte, tous vos témoignages sont les bienvenus, même si vous parlez de fantômes, de vampires ou de votre peur de l’obscurité. Les menaces peuvent aussi bien être concrètes qu’abstraites, et nous prendrons au sérieux toutes vos propositions. 

La quatrième : « À voix basse…»

Cette branche accueillera les délits, questions brûlantes, aveux et confessions que vous enverrez à vienocturne@​delitfrancais.​com. Les témoignages seront anonymisés et publiés avec des réponses de la rédaction, mêlant vos confessions et les réponses de l’éditeur·rice de la section… Faites confiance à l’anonymat offert par cette branche, elle a vu pire… bien pire. 

La cinquième : « Horaires à l’envers »

Pour celle-ci, le point focal est tourné vers les métiers nocturnes. L’idée est d’éclairer le lectorat quant au travail de l’ombre qui, souvent, reste inconnu. Par exemple, une entrevue avec des concierges de nuit, des opérateur·rice·s d’usine, des surveillant·e·s de stationnement, les oiseaux de nuit de la bibliothèque…mise au point sur différents milieux de la nuit. 

La sixième : « Aller danser »

Enfin, pour cette rubrique, vos recommandations de boîtes de nuits, de DJ, de soirées alternatives et clandestines seront appréciées. Mylène Farmer, Madonna et Lady Gaga doivent nous lire. Vos albums préférés, reportages photo sur les artistes drag ou les clubkids sont très attendus. 

Bonne nuit.


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