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Des chiens, des rats et des singes : l’expérimentation animale à McGill

L’Université interdit à son personnel de photographier ou de partager des documents sur la recherche animale. 

Yigu Zhou | Le Délit

Comme dans la plupart des universités de recherche, McGill permet à ses chercheur·se·s de faire des expériences impliquant des animaux dans ses laboratoires. Afin de respecter la loi et de recevoir du financement gouvernemental, les chercheur·se·s qui s’y prêtent doivent respecter un strict cahier d’exigences concernant le bien-être animal.

Sur son site Internet, l’Université justifie les expériences sur les animaux, qu’elle considère comme « une composante essentielle des progrès continus de la médecine, de la science, de l’éducation, des sciences de l’environnement et de l’agriculture, qui se traduisent par d’énormes avantages pour la santé humaine et animale ». Plusieurs documents explicatifs sont mis à la disposition des internautes pour faire valoir ce point de vue.

Si McGill ne divulgue pas explicitement sur son site la nature des expériences menées sur des animaux, il est possible d’en avoir une idée en consultant les centaines de « procédures opératoires standardisées » destinées aux chercheur·se·s et mises en ligne par l’Université. Ces procédures détaillent les gestes et les opérations les plus courantes afin d’aider les chercheur·se·s à les réaliser de la manière la plus éthique possible. En consultant ces procédures, on apprend qu’une grande variété d’animaux sont utilisés pour des expériences à McGill. Des procédures d’anesthésie différentes sont ainsi détaillées pour les chats, les rongeurs, les chiens, les lapins, les furets, les amphibiens, les reptiles, les cochons et les vaches.

Plusieurs des expériences menées sur les animaux sont invasives, c’est-à-dire qu’elles compromettent leur intégrité physique. Il peut entre autres s’agir de l’injection de produits chimiques pour observer leurs effets sur les animaux, notamment dans le cas de médicaments. De nombreuses procédures détaillent aussi des interventions chirurgicales, telle que l’insertion de tumeurs dans des souris ou des rats.

La majorité des expériences semble destinée à la recherche médicale ou pharmaceutique. Une partie des procédures détaille aussi des expériences à mener sur des animaux d’élevage alimentaire, en particulier des vaches. Aucun document ne confirme ni n’infirme si McGill utilise des animaux dans des expériences destinées à l’industrie cosmétique.

Les procédures opératoires standardisées disponibles sur le site de McGill permettent aussi de savoir en détail comment sont nourris et élevés les animaux lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour des expériences.

Des primates non-humains

McGill utilise également ce qu’elle désigne dans ses documents comme des « primates non-humains » à des fins de recherche. Le Délit n’a pas obtenu de chiffres concernant le nombre de primates utilisés à McGill pour l’année 2021, mais une requête d’accès à l’information réalisée en 2006 avait révélée que 919 primates avaient été utilisés cette année-là.

« Si le primate refuse de se soumettre à l’expérience, la quantité d’eau qui lui est donnée peut être réduite par paliers réguliers jusqu’à ce qu’il perde 15% de son poids ou qu’il montre des signes cliniques de déshydratation »

Les « primates non-humains » sont parfois utilisés pour étudier la neurologie et le fonctionnement du cerveau humain. Une procédure disponible sur le site de McGill décrit comment réaliser une chirurgie crânienne pour insérer des capteurs ou des implants dans leurs cerveaux. Plusieurs chirurgies crâniennes successives peuvent être effectuées sur un même individu, qui peut être euthanasié si nécessaire à la fin de l’expérience. L’injection de produits chimiques toxiques peut aussi être réalisée : une procédure encadre l’injection de MPTP à des ouistitis, une puissante neurotoxine provoquant des séquelles irréversibles similaires à celles de la maladie de Parkinson.

Une autre procédure détaille comment il est possible d’enseigner de nouvelles compétences à des primates en limitant leur consommation d’eau. Les chercheur·se·s peuvent alors inciter le primate à réaliser certaines tâches en lui donnant seulement à boire lorsqu’il accepte de les accomplir. Si le primate refuse de se soumettre à l’expérience, la quantité d’eau qui lui est donnée peut être réduite par paliers réguliers jusqu’à ce qu’il perde 15% de son poids ou qu’il montre des signes cliniques de déshydratation.

L’Université McGill affirme sur son site Internet que les « primates non-humains » qu’elle utilise sont traités humainement. Un grand nombre de procédures détaillent d’ailleurs comment assurer leur bien-être en les nourrissant correctement et en leur assurant un environnement sain. L’une d’entre elles décrit par exemple comment utiliser des jouets et des récompenses pour leur assurer un environnement stimulant.

Normes légales et de la CCAC

C’est le Conseil canadien de protection des animaux (CCPA) qui est chargé par le gouvernement fédéral de s’assurer que la recherche animale se fasse de manière éthique. Une équipe d’évaluation de l’organisme fédéral doit se présenter sur les lieux de l’institution de recherche et s’assurer que les protocoles et les installations en lien avec les animaux atteignent les standards requis. Le CCPA prévoit également des visites à la demande d’un·e citoyen·ne et, en cas de manquement, il peut exiger que l’institution fautive remédie à la situation dans les plus brefs délais, sous peine de se faire retirer sa certification.

En outre, toutes les activités de recherche comportant une composante animale doivent démontrer qu’elles ont respecté le « principe des trois R », soit le remplacement des expériences sur les animaux par d’autres méthodes, la réduction du nombre d’animaux utilisés et le raffinement des méthodes d’expérience pour minimiser la souffrance. Le principe de remplacement relatif prévoit que, si possible, les animaux soumis à l’expérience soient remplacés par des animaux moins sensibles à la douleur. Le principe de remplacement complet, quant à lui, exige de retirer entièrement les animaux du protocole et de se fier à des données déjà existantes ou à des simulations informatiques lorsque les gains réalisés seraient similaires au recours à l’expérimentation animale.

Le projet de recherche doit aussi chercher à réduire au maximum le nombre d’animaux utilisés et à collecter le maximum de données, même lorsqu’elles ne sont pas directement liées au sujet de l’étude, afin de limiter le recours aux animaux à l’avenir. Enfin, la souffrance et la détresse des animaux doivent être réduites par un raffinement des protocoles expérimentaux et par les conditions de vie en dehors des périodes de tests. Le CCPA affirme que ce dernier critère permettrait également d’augmenter la validité des résultats de l’expérience, car il diminuerait les perturbations qu’entraînent le stress et la souffrance dans le comportement et dans la biologie des sujets animaux.

Des pratiques sous le signe du secret

L’Université se dit transparente en ce qui concerne l’expérimentation animale et met à la disposition du public de nombreux documents expliquant l’utilité de l’expérimentation animale et son déroulement à McGill. En revanche, ce à quoi peut accéder le public dépend du bon vouloir de l’Université. Il est strictement interdit aux employé·e·s de McGill de partager des documents concernant l’expérimentation animale. Un processus de confidentialité rigoureux a été mis en place pour éviter la fuite de documents, intimant par exemple les employé·e·s à déchiqueter ceux qui ne sont plus nécessaire. Il est également contraire aux politiques de McGill de prendre des photos lors des expériences sans l’autorisation de l’administration, entre autres parce que « la réputation de l’Université et de l’institut de recherche pourrait être affectée négativement si des images étaient publiées de manière incompatible avec les politiques et les directives de l’Université ».

« Il est également contraire aux politiques de McGill de prendre des photos lors des expériences sans l’autorisation de l’administration, entre autres parce que “la réputation de l’Université et de l’institut de recherche pourrait être affectée négativement si des images étaient publiées de manière incompatible avec les politiques et les directives de l’Université”»

Aux fins de cet article, Le Délit a demandé une entrevue avec une personne responsable de superviser l’éthique des expériences animales à McGill. Un courriel contenant des questions précises a également été envoyé à l’administration. Ces questions portaient notamment sur le coût de ces expériences, sur les qualifications nécessaires pour y participer et sur les procédures utilisés à McGill. Nous n’avons pas pu rencontrer de responsable et l’Université n’a pas voulu répondre à nos questions. Un court communiqué répétant l’information déjà disponible sur son site officiel a toutefois été envoyé.


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