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Laboratoires à distance pour la Faculté des sciences

Les défis sont multiples pour les étudiants inscrits en sciences.

Anne Tamar Morency | Le Délit

Les défis que l’apprentissage à distance impose sont différents d’une faculté à l’autre. Qu’en est-il de la situation du côté de la Faculté des sciences ?

Depuis la migration des cours de la salle de classe vers l’écran, certains cours pratiques de laboratoire ont dû être adaptés. « Les profs nous montrent en vidéo ce qu’ils ont fait, et donc, ce qu’on fait, c’est vraiment de l’analyse de données, c’est-à-dire qu’on écrit du code qui analyse les données que les profs nous ont fournies », dit Otto*, finissant en physique.

Normalement, une part importante de la formation pratique en laboratoire consiste à jouer avec les paramètres d’une expérience afin de déterminer les potentielles sources de biais et confirmer que les résultats obtenus sont significatifs. « Là, c’est très difficile de faire ça parce qu’on ne peut pas refaire l’expérience nous-même, en changeant les paramètres qu’on voudrait », dit Otto*. L’analyse de résultats s’en trouverait donc plus difficile. 

« Comme on ne comprend pas forcément ce qu’est le montage, on n’a pas vraiment une idée exacte de ce que font les différents détecteurs et ce que veulent dire les différentes mesures qu’ont faites les professeurs »

Otto*, finissant en physique

Les cours de nature plus théorique seraient moins affectés par le confinement, affirme l’étudiant. « Si le prof écrit des maths sur un tableau, que le tableau soit réel ou virtuel, les mêmes maths sont écrites », résume-t-il. Les cours typiques dans les disciplines scientifiques sont des cours magistraux, ce qui n’aurait pas changé depuis que les cours sont donnés sur Zoom. L’utilisation des « break-out rooms » serait quant à elle marginale.

Les évaluations

À distance, les examens sont plus faciles pour les étudiants : puisqu’ils sont à livre ouvert, il est possible de consulter ses manuels et chercher par mots-clés à travers ses documents (control+f), explique Sneha, étudiante de deuxième année en pharmacologie et v.-p. aux Affaires académiques de l’Association des étudiants en sciences.

Pour compenser cette facilité, plusieurs professeurs choisissent de rendre leurs examens plus difficiles ou d’approcher la matière de manière complètement différente qu’à l’habitude, ce qui, selon Sneha, poserait un stress additionnel pour les étudiants. Cela s’observerait notamment dans l’apparition du phénomène des tests hebdomadaires. Non habitués à ce type d’évaluation, les étudiants devraient soudainement se préparer pour jusqu’à 5 tests par semaine. Selon Sneha, la plupart du corps étudiant témoigne avoir trouvé les examens finaux de l’hiver et de l’automne 2020 significativement plus difficiles qu’avant la pandémie.

« Plusieurs cours dans la Faculté des sciences comportent un examen de mi-session et un examen final qui pèsent pour une grande partie de la pondération » 

La Faculté avait mis en place des politiques entourant les modalités d’évaluation pour la session d’automne, et les avait renouvelées pour la session d’hiver. Afin d’éviter de pénaliser les étudiants pour des problèmes technologiques et des délais de connexion Internet, le temps accordé pour les examens doit correspondre au double du temps normalement requis pour le compléter plus 30 minutes, un système communément appelé le « 2x+30 »

Selon Sneha, les politiques en place répondent bien aux problèmes qu’apporte l’apprentissage à distance. Cependant, elle souligne que leur application est loin d’être uniforme, ce qui donnerait lieu à certaines injustices. « La politique 2x+30 ne fonctionne que si le professeur choisit un [temps donné] x raisonnable », souligne-t-elle. 

Otto* affirme de son côté ne pas avoir eu de problèmes en lien avec la durée des examens. La plupart de ses professeurs ont choisi de donner des examens dits « à la maison » qui ne sont pas chronométrés. « C’est très apprécié. Ça fait un stress de moins. » Tous les examens, chronométrés ou pas, qui valent plus de 20% de pondération sont disponibles pour 72 heures, ce qui permet aux étudiants de choisir le moment qui leur convient le mieux pour subir l’examen. 

Le support et l’aide

Certains professeurs seraient mieux équipés que d’autres pour enseigner à distance. « C’est moins facile pour eux d’enseigner avec des supports numériques qu’avec des supports concrets. Il faut donc qu’on fasse un effort additionnel pour comprendre la matière à cause de la façon dont elle est transmise. » Il est plus difficile de tirer profit des heures de bureau qu’auparavant. « On ne peut pas écrire une équation sur un tableau dans leur bureau, il faut un peu plus décrire de manière orale les difficultés. On essaye d’utiliser les partages d’écrans, mais c’est difficile d’écrire des équations mathématiques compliquées avec une souris. Les profs ont des tablettes, mais les élèves, pas forcément », dit Otto*.  Il y aurait donc un peu plus de travail à faire pour comprendre la matière, étant donné que l’aide est moins accessible qu’à la normale.

La Faculté des sciences avait instauré des groupes d’études « drop in », appelés FRezCA, qui permettaient aux professeurs et aux assistants d’enseignement d’aider les étudiants et étudiantes tout en respectant la distanciation physique. Cette mesure n’était cependant disponible que pour ceux et celles résidant à Montréal et donc capables de se rendre au campus de l’Université.

En plus des quiz sur MyCourses, plusieurs professeurs utilisent aussi la plateforme Crowdmark pour les examens et travaux à réponse ouverte. « C’est une plateforme où on peut soumettre nos réponses. L’avantage, je crois, c’est que c’est plus facile à partager », dit Otto*. Cela permettrait aux professeurs et correcteurs de fournir plus de rétroactions, car il serait plus facile d’indiquer l’emplacement des erreurs.

Les impacts à long terme

D’après Sneha, un thème au centre des préoccupations de nombreux étudiants à travers les différents programmes de la Faculté est l’inquiétude de ne pas en apprendre assez pour préparer leur carrière académique ou professionnelle. Plusieurs s’inquièteraient également que les mesures d’accommodement permettent à des personnes d’avoir de meilleures notes qu’elles n’en auraient d’habitude. Cela ferait en sorte que les moyennes cumulatives pondérées (GPA) seraient plus élevées, ce qui rendrait l’admission aux cycles supérieurs et dans les écoles professionnelles encore plus compétitive. « Je n’ai pas vu les moyennes de la dernière session, et je sais qu’en hiver de l’an dernier, l’Université avait carrément refusé de publier les moyennes sur nos relevés de notes. Donc je ne sais pas si cette perception est fondée », dit Otto*. Tant que les moyennes de groupes ne sont pas divulguées, il serait difficile de se comparer et de juger comment les autres étudiants sont affectés par le contexte d’apprentissage actuel.

Bien que la plupart des universités affirment qu’elles tiendront compte de l’incidence que peuvent avoir sur la performance académique les difficultés financières, sociales et mentales apportées par la pandémie, il n’est pas dit que les employeurs en feront de même. Pour Otto*, il est clair que les cours pratiques de laboratoire réalisés à distance lui procurent moins d’expérience en manipulation, mais plus en analyse de données, ce qui peut être perçu comme un avantage ou un désavantage selon les exigences qui varient d’un employeur à l’autre. Selon lui, la qualité de l’instruction dans sa formation faite à distance reste la même que si elle avait été faite en personne. 

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