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Professeur·e·s – étudiant·e·s : soyons connecté·e·s

Coco plein, Google Docs vides et micro éteint.

Parker Le Bras-Brown | Le Délit

J’ai toujours trouvé le campus de l’Université fatiguant.

Devoir changer de bâtiment entre chaque cours. Courir parce que je n’ai que 10 minutes de pause. Avoir l’impression de faire une randonnée tant les rues du campus sont à‑pic. Marcher dans le froid. Glisser sur les trottoirs qui appartiennent à la Ville ou à l’Université… Je ne sais plus, tellement le campus est grand. 

Tout ça pour vous dire qu’aller à l’école physiquement, je trouve ça fatiguant. 

Lorsqu’en mars le confinement a commencé, McGill n’a pas donné de cours durant environ deux semaines. La reprise a donc été plutôt difficile, mais, bon, il fallait s’y faire. Il fallait bien la terminer, cette session. 

En septembre, j’étais motivée. J’avais même décidé de suivre cinq cours à l’automne et à l’hiver. Habituellement, je n’en suis que quatre et c’est suffisamment exigeant. Je m’étais dit que le temps que je gagnerais à ne pas me déplacer, je l’investirais dans un autre cours, pour finir mes études plus vite, pour fuir l’Université plus vite. 

La réalité m’a vite rattrapée. Quelques semaines après le début des cours, je réalise que la charge de travail est surprenante. Les professeur·e·s nous demandent de participer à de nombreux forums de discussion, parfois plusieurs fois par semaine, comme si c’est quelque chose d’éducatif ou de plaisant. Mais écrire seul·e à son ordinateur n’a rien de stimulant. 

Chaque jour, je n’ai hâte qu’à une chose, dormir. J’ai hâte que le soir arrive pour que je puisse enfin fermer mes écrans. Me libérer. 

Récemment, j’ai perdu la vue pendant quelques heures. Je ne voyais plus rien. Tout était devenu noir. J’ai cru que j’étais devenue aveugle. Entre nos lectures qui sont presque toutes en ligne, nos participations obligatoires à des forums de discussion, qui souvent ont une pondération beaucoup trop importante, et nos cours ; les étudiants universitaires passent beaucoup trop d’heures devant leur écran sans pouvoir se divertir. Cela a un effet sur notre santé physique ; maux de dos, de cou et de tête. 

Je vois, bien sûr, beaucoup d’avantages à étudier à distance. Nous réduisons nos déplacements et les coûts liés à ceux-ci, nous réduisons nos dépenses et notre consommation, nous pouvons dormir plus longtemps et je dirais même que nos enseignant·e·s sont plus accessibles par Zoom puisque nous pouvons leur poser des questions directement dans la section « discussion ». 

Je crois que si nous pouvions sortir, voir des ami·e·s, étudier dans les bibliothèques et les cafés, cette expérience de télé-étude seraient bien moins pénible. C’est le fait de toujours être enfermé·e·s et seul·e·s qui nous exaspère, nous dégoûte, nous déprime et nous décourage. 

Les temps sont durs pour tout le monde, autant pour les professeur·e·s que pour les étudiant·e·s. À mon avis, toutes les charges de cours devraient être allégées pour les étudiant·e·s. J’espère que le bien-être physique et mental des étudiant·e·s est une priorité pour les établissements d’enseignement supérieur. La jeunesse débrouillarde et brillante que nous sommes a bien réussi à passer au travers de la première vague, mais là, nous avons besoin de vous, les profs.

L’un de mes professeur·e·s nous a dit que l’Université avait demandé, mais pas obligé, les professeur·e·s à donner des cours en ligne pour un maximum de 90 minutes par semaine. Sur mes cinq professeur·e·s, un seul respecte cette demande et je remarque que mes notes de cours sont mieux prises et mon attention est ininterrompue. Je crois qu’enseigner 90 minutes est raisonnable. Dans mon programme de science politique – et je ne parle que pour mon programme – je crois que les professeur·e·s ont toutes les compétences pour être bref·ève·s, concis·es et efficaces dans leur enseignement.

Nous avons besoin de votre compassion, de votre compréhension et de votre participation. La meilleure des qualités qui soit en ce moment est celle de l’adaptation, et je remercie mes professeur·e·s qui ont adapté le plan de cours au fil des semaines afin d’alléger la charge de travail. J’aimerais dire que vous êtes et avez toujours été des piliers dans l’éducation de la société. Aujourd’hui, en ces temps de pandémie, vous vous devez d’être nos allié·e·s. Nous nous devons d’être connecté·e·s à nos réalités. 

Je ne crois pas que cela affecterait la qualité de notre apprentissage. Au contraire, nous serions plus concentré·e·s, plus captivé·e·s et plus déterminé·e·s durant nos cours, car avouons-le, rares sont ceux ou celles qui écoutent le professeur après une heure de cours, surtout lorsque nous pouvons fermer notre micro et notre caméra.


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