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Campagne de syndicalisation

L’AÉÉDEM veut aider les travailleurs de soutien éducatif.

Courtoisie de l'AÉÉDEM

L’AÉÉDEM est l’Association des étudiant·e·s diplômé·e·s employé·e·s de McGill, le syndicat des enseignant·e·s auxiliaires et des surveillant·e·s d’examens (AGSEM en anglais, ndlr). Elle souhaite étendre sa protection à tous les postes à McGill reliés au soutien éducatif. Le Délit a rencontré Rafael Finn, président de la campagne de syndicalisation de l’AÉÉDEM.

Le Délit (LD) : Quelle est l’histoire de l’AÉÉDEM ? En quoi consiste cette nouvelle campagne de syndicalisation ?

Rafael Finn (RF) : L’AÉÉDEM est fondée en 1993 et a syndiqué les auxiliaires d’enseignement (TA en anglais, ndlr). À l’époque, ce n’était que des étudiant·e·s des cycles supérieurs qui travaillaient comme auxiliaires, donc ce n’était que ces étudiant·e·s qui étaient initialement représenté·e·s. Depuis, la protection de l’AÉÉDEM a été étendue aux surveillant·e·s d’examens en 2009 sous une autre unité de négociation. Toutefois, depuis 1993, le travail académique a énormément changé. Maintenant, nous avons des emplois sur le campus qui sont nommés « assistant·e‑professeur·e au bac », ou « assistant·e‑professeur·e Tomlinson ». Le dernier exemple réfère à un programme où un·e étudiant·e au bac est payé·e un très petit montant [celui-ci varie d’un·e enseignant·e à l’autre] pour accomplir le travail d’auxiliaire. Notre organisation reconnaît qu’un changement a eu lieu, et que celui-ci a souvent eu un impact négatif sur les étudiant·e·s au bac.

LD : Quelles sont les causes de cette transformation ?

RF : McGill fait partie d’un écosystème économique plus vaste, qui est lui-même en mutation. De tels changements sont observables partout au Canada. J’ai parlé à des professeur·e·s de l’Université de Toronto alors que je me préparais pour la campagne, et il·elle·s ont constaté les mêmes phénomènes. L’emploi est en mutation, et cela se répercute à McGill.

LD : Quels sont vos objectifs pour la campagne en cours ?

RF : C’est de pouvoir négocier des meilleures conditions de travail pour les travailleur·euse·s de soutien en enseignement. Notre but est de créer une convention collective pour représenter ce troisième groupe d’employé·e·s, qui n’est pas syndiqué actuellement. Une fois que nous l’aurons établi, nous négocierons avec McGill un [contrat de 5 ans].

LD : Quels sont les emplois qui entrent dans cette catégorie de « travailleur·euse de soutien en enseignement » ?

RF : Il y en a plusieurs, les plus communs sont : correcteur·rice, tuteur·rice, preneur·euse de note, démonstrateur·trice, assistant·e de cours, assistant·e étudiant·e, auxiliaire au bac. Pourquoi y en a‑t-il autant ? Parce qu’il n’y a pas de précédent juridique pour chacun de ces postes. On sait intuitivement qu’un·e correcteur·trice corrige, qu’un·e preneur·euse de notes prend des notes, mais dans les départements de McGill, chacun de ces postes revêt une signification différente. Par exemple, dans le contrat d’un·e correcteur·trice, on retrouvera peut-être qu’il doit avoir des heures de bureau. Il y a aussi souvent du travail qui n’est pas établi dans le contrat, mais qui est quand même attendu de l’employé·e. Par exemple, on s’attend à ce qu’un correcteur·trice rencontre l’enseignant·e ou qu’il·elle réponde à ces courriels dans un délai particulier. Ces conditions restent indéfinies, et elles peuvent être rapidement changées et manipulées. Même le poste peut carrément changer de nom. Il n’y a ni contrôle ni supervision de ces pratiques.

LD : Qu’est-ce qui t’a mené à t’impliquer dans cette cause ?

RF : Je suis un ancien étudiant de littérature anglaise. Avant de graduer, on m’a offert un assistanat dans la Faculté de gestion. J’étais bien heureux, je savais que le poste était syndiqué et qu’il était accompagné d’un salaire protégé et d’une sécurité d’emploi. J’ai signé mon contrat et j’ai commencé à travailler, puis je suis venu voir l’AÉÉDEM pour me joindre au syndicat. Seulement, je n’étais pas admissible, parce que mon travail, quoiqu’on y ait référé comme « auxiliaire », était en fait subdivisé en plusieurs tâches, aucune d’elle n’étant « auxiliaire d’enseignement ». Pourquoi une telle pratique ? Simplement pour économiser de l’argent. J’étais payé au salaire minimum, 12$ de l’heure, plutôt que 29,33$ de l’heure pour un auxiliaire syndiqué. Je n’avais aucune sécurité d’emploi, mon travail était purement contractuel. Je devais remplir des fiches de temps que j’ai trouvées extrêmement mélangeantes. Souvent, je ne recevais pas mes paies à temps. Par ailleurs, il y avait un plafond à mon salaire puisque je ne pouvais pas travailler plus de 50 heures par semestre. On donne souvent aux correcteurs·rices des plafonds salariaux complètement déraisonnables. C’est impossible de corriger 400 dissertations en 50 heures de travail. Si on fait les maths, c’est un peu plus de 5 minutes par copie, et c’est sans tenir compte des autres tâches de l’employé·e. Cette mauvaise expérience m’a poussé à m’impliquer à L’AÉÉDEM et à m’impliquer dans ce dossier.

LD : Tu mentionnes la Faculté de gestion, est-ce que le problème est commun à toutes les facultés ?

RF : Nous avons établi, avec des données obtenues grâce à des demandes d’information faites auprès de l’Université McGill, que les travailleur·euse·s de soutien en éducation étaient concentrés dans les Facultés de gestion et de génie, bien que de tels postes existent dans les Facultés des sciences et des arts.

LD : Combien de travailleur·euse·s occupent de tels emplois ? Combien d’entre eux·elles ont présentement rejoint votre campagne ?

RF : Selon nos estimations, il y a autour de 500–600 travailleur·euse·s de soutien académique. Avec ce chiffre, nous portons le pourcentage d’adhésion à autour de 15%. Nous ne ferons aucune demande officielle de syndicalisation tant que nous n’aurons pas largement surpassé le seuil de 35% requis par le gouvernement du Québec.

LD : Est-ce que la syndicalisation des travailleur·euse·s de soutien en éducation améliorera drastiquement leurs conditions de travail ?

RF : Oui. L’AÉÉDEM a un historique de succès. Depuis que les surveillant·e·s d’examens se sont syndiqué·e·s, leur salaire a augmenté 25% plus rapidement que le salaire minimum. Je suis confiant que nous pouvons améliorer les conditions de travail. Dans certains cas, c’est particulièrement évident, comme avec les preneur·euse·s de notes du Bureau de soutien aux étudiant·e·s en situation de handicap, qui ont vu leur compensation s’effacer du jour au lendemain. Ils et elles n’avaient aucun organisme vers qui se tourner, aucune ressource. Leur donner une telle organisation serait un premier pas, pour l’amélioration de leurs conditions de travail, mais aussi pour l’amélioration de services aux étudiant·e·s en situation de handicap. Les enjeux académiques sont aussi au coeur de notre campagne, nous souhaitons que l’éducation dispensée à McGill soit à la hauteur des attentes de ses étudiant·e·s.

LD :  Une fois votre projet réussi, pensez-vous que les facultés de McGill seront toujours en mesure de contourner les protections syndicales en créant de nouveaux emplois qui ne sont pas inclus dans la convention collective ?

RF : Ç’a été une de mes premières inquiétudes en commençant cette campagne. Mon idée initiale était de changer la convention collective des auxiliaires, mais cela aurait été passablement compliqué. Notre stratégie est donc d’inviter le plus de travailleur·euse·s de soutien que possible à se joindre à notre campagne et ensuite de travailler à consolider les emplois existants et de les protéger dans une convention collective. C’est toujours possible que de tels contournements existent après, mais nous évaluons que ce sera beaucoup moins probable. Je pense aussi que de passer par une nouvelle entente a l’avantage d’être rapide. Je ne veux pas que mes ancien·nes collègues soient forcé·e·s d’accepter l’emploi que j’occupais l’année passée avec le même salaire et les mêmes conditions. Avec une telle campagne, je pense que nous aurons un impact positif très réel sur leur vie, et ce, dans un futur proche.


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