Aller au contenu

Parce que les mots ne suffisent pas

Les manifestations finies, c’est au tour des gouvernements d’agir.

Julien Potié

Nous voilà quelques jours après la fin de l’Assemblée générale des Nations Unies et de l’une des plus grandes séries de manifestations climatiques de l’histoire. Pourtant, le désespoir en lien avec l’inaction climatique semble encore plus profond qu’il y a deux semaines. Alors que les nations les plus puissantes du globe continuent de polluer de plus en plus, des solutions ne semblent pas être en vue.

L’inaction des grandes puissances

Ce qui semblait enfin pouvoir construire un futur durable pour l’humanité s’est avéré être une nouvelle déception pour les militants de l’action climatique. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, appelait pourtant à venir avec des « plans concrets et réalistes et non pas des discours » à l’Assemblée générale des Nations Unies, du 23 au 27 septembre 2019. L’espoir initial s’est néanmoins progressivement tourné en désespoir.

« La nature est en colère », proclamait Guterres en ouvrant le Sommet Action Climat le 23 septembre, « et nous nous trompons nous-mêmes si nous pensons pouvoir tromper la nature ». Les catastrophes naturelles liées au climat se multiplient, comme c’est le cas au Mozambique, « frappé par des cyclones successifs sans précédent », ou encore aux Bahamas, « secouées par l’ouragan Dorian pendant deux jours sans relâche ». L’inaction climatique, selon le secrétaire général de l’ONU, se fait de plus en plus dangereuse, s’accompagnant d’une « destruction [qui n’est] pas seulement effroyable, mais épouvantable ».

« Mais en voyant toutes ces images », demandait-on au secrétaire général, « ne tombe-t-on pas dans le désespoir ? », question à laquelle António Guterres répond très fermement : « Non. J’ai encore bon espoir, et je l’ai grâce à vous », se référant aux dirigeants du monde entier. « Vous êtes ici avec des engagements, […] et vous êtes ici pour apporter des solutions concrètes au changement climatique ».

Cependant, au fur et à mesure que les discours se succédaient, l’optimisme de Guterres s’est à nouveau montré insuffisant. La Chine, premier pollueur mondial, n’a annoncé aucune intention claire de sortie des énergies fossiles. Wang Yi, représentant spécial du président Xi Jinping auprès des Nations Unies, affirmait pourtant que son pays tiendrait les promesses des Accords de Paris sur le Climat de 2015, contrairement à « certains pays » – faisant allusion aux États-Unis, la puissance américaine n’ayant même pas sollicité la parole au sommet.

Quant aux Européens, les engagements semblent s’accroître, bien que timidement. La chancelière allemande, Angela Merkel, promet une augmentation de 2 à 4 milliards d’euros à son budget climat. Elle déçoit cependant en annonçant ne pas pouvoir fermer la dernière usine à charbon allemande avant 2034. 

Pour Emmanuel Macron, « la priorité immédiate est le Fonds Vert », auquel l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, la Norvège et le Danemark ont récemment « doublé leurs contributions ». Il s’agit ici d’une conférence européenne de recapitalisation, ciblant €10 milliards en partie pour « compenser le retrait américain », selon le président français.

Ainsi, Audrey Garric, du journal français Le Monde, écrit que « seules soixante-six nations, essentiellement des pays en développement pesant pour 6,8 % des émissions, se sont engagées, lundi à New York, à accroître leurs efforts d’ici à 2020 ». En absence d’initiative de la part des principaux pollueurs mondiaux, António Guterres estime que « nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs » et que « nous sommes loin de mobiliser le financement dont nous avons besoin, qu’il soit public ou privé ».

La parole des jeunes

« Le coût le plus élevé est celui de l’inaction », avertissait António Guterres et des millions de jeunes semblent l’avoir pris sur parole lorsqu’ils ont manifesté les 20 et  27 septembre dans les rues des grandes villes mondiales, suite à l’appel de l’activiste  suédoise Greta Thunberg.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1,4 million de grévistes en Allemagne, 100 000 à Londres, 400 000 en Australie et – comment ne pas oublier – 500 000 dans les rues de Montréal ce vendredi 27 septembre, soit la plus grande manifestation climatique au monde. Les jeunes – et moins jeunes – se sont mobilisés massivement pour la justice climatique, tentant de faire pression sur les gouvernements pour se départir des combustibles fossiles.

Ces manifestations ont été lancées par l’appel de Greta Thunberg, activiste suédoise âgée de 16 ans, initiatrice de mouvements mondiaux pour la lutte contre le changement climatique. 

Bien que vivement critiquée par les milieux climatosceptiques, elle continue de défendre fermement ses idéaux avec le soutien d’une jeunesse mondiale dont elle représente désormais une égérie.

« Comment osez-vous ? » dit-elle en s’adressant aux dirigeants mondiaux au Sommet Action Climat le 23 septembre 2019, « comment osez-vous détourner le regard ? Vous dites que vous nous entendez, que vous comprenez l’urgence de la situation, mais peu importe à quel point je suis triste et en colère, je ne veux pas vous croire. Parce que si vous compreniez vraiment la situation et continuiez à ne pas agir, alors cela ferait de vous de mauvaises personnes, et cela, je refuse de le croire ».

Bien que les paroles de Greta Thunberg résonnent chez les jeunes, et bien que les manifestations mondiales accaparent les premières pages des journaux à l’international, l’action de la part des gouvernements ne se montre pas à la hauteur des attentes des manifestants. 

« Ce ne sont que des mots vides de sens », affirme l’activiste suédoise à Montréal le 27 septembre en référence aux discours des chefs de gouvernement mondiaux. Selon elle, les dirigeants mondiaux « nous ont déçus avec des mots insignifiants et des plans insuffisants. Nous leur avons averti de s’unir derrière la science, mais ils ne nous ont pas écoutés ».

António Guterres semble partager l’opinion de Greta Thunberg, affichant sur un écran géant à Montréal que « [sa] génération a largement échoué jusqu’à présent à préserver la justice climatique dans le monde et à préserver la planète ».

Ainsi, António Guterres et Greta Thunberg s’unissent sur une idée : nous sommes désormais à un point où les mots ne suffisent plus. Seule l’action concrète peut encore maintenir l’espoir de notre futur en vie ; seule l’action concrète peut remédier à une catastrophe climatique sans précédent. 


Articles en lien