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Immortaliser les années

Le Délit a assisté à une projection du nouveau film de Liza Azuelos et l’a rencontrée.

Capture du film

Le 3 mai 2019 au Cinéplex Odéon s’est déroulée la projection très émouvante du dernier film de Liza Azuelos, Mon bébé.  Les spectateurs ont découvert à travers l’écran la vie d’Héloïse, une mère de trois enfants, dont la petite dernière, Jade, se prépare à partir faire ses études au Canada. C’est ainsi que commence une succession d’anecdotes du présent et du passé, qui relatent la belle relation et la complicité mère-fille entre les deux personnages principaux. La réalisatrice Lisa Azuelos a présenté cette dernière oeuvre  accompagnée de sa fille Thaïs Alessandrin, qui joue le rôle de Jade. La représentation était une avant-première du film et aucun siège n’est resté inoccupé, la plupart étant pris par des étudiants de l’Université McGill, venus voir à l’écran leur nouvelle célébrité locale, Thaïs. Le parcours du personnage de Jade dans le film retrace son histoire à elle, sa relation avec sa mère et plus particulièrement les mois précédents son départ pour le Canada, où elle poursuit maintenant des études à McGill. Et c’est justement cela qui a rendu cette projection unique et émouvante, sentiment ressenti par Mme Azuelos elle-même. « Cette représentation était très particulière, je n’ai jamais eu une représentation avec seulement des jeunes et en plus, je sais qu’ils sont tous concernés et que ça les a beaucoup touchés parce que la plupart ont dû quitter leur famille en venant ici », nous confie-t-elle lors d’une entrevue. 

Le film est touchant pour ceux qui ont vécu la même situation, mais aussi pour les autres, car Azuelos invite les spectateurs chez elle, dans sa maison, à ses petits-déjeuners et dans sa vie pendant les deux heures que dure la projection. « Une fois que c’est à l’écran, c’est joué, et même si c’est ma vie, la plupart des gens vont dire qu’on dirait que j’étais chez eux et que j’ai filmé leur vie. On parle toujours des gens comme si on n’en faisait pas partie, mais les gens, c’est nous aussi ; on n’est pas si unique que ça », affirme Azuelos. Et ce n’est pas la première fois que la réalisatrice se lance dans ce genre de projet. En effet, elle racontait déjà sa vie dans Lol, Une rencontre et Comme t’y es belle !. Elle-même reconnaît cette tendance : « En fait, je fais ça dans tous mes films, j’ai l’habitude de romancer ce qui m’arrive et de me servir de ma vie pour créer. Je ne fais pas des univers parallèles très différents, je fais surtout ma vie et j’essaie de la rendre universelle pour tout le monde. » Et si elle veut rendre sa vie universelle, c’est parfois aussi pour communiquer avec une audience féminine et l’aider en apportant les réponses qu’elle-même a déjà trouvées : « Avant, j’avais besoin de parler de moi, de ma vie, de mon expérience de femme. C’était important pour moi de partager ça, parce que je sentais qu’il y avait beaucoup de femmes en souffrance, qui se posaient des questions et parfois, moi j’avais la chance d’avoir répondu à ces questions. »

Les gens, c’est nous aussi ; on n’est pas si unique que ça 

Relation mère-fille

Si ce besoin de créer un dialogue avec d’autres femmes est présent dans Mon bébé, Azuelos a aussi été motivée par le sentiment que les choses allaient changer dans sa vie et qu’elle voulait les immortaliser avant qu’il ne soit trop tard. L’idée pour son projet de film lui est venue après avoir vu le film Boyhood (Linklater, 2014). Une scène l’a particulièrement touchée, pendant laquelle le fils s’en va pour faire ses études avec un petit carton qui contient toute sa vie passée avec sa mère ; c’est à partir de ce moment-là qu’elle a commencé à filmer sa vie avec son iPhone ; elle voulait garder une trace de son appartement, de ses petits-déjeuners et de sa vie avec ses enfants. « Mes films, je les fais aussi pour ça, c’est comme si je voulais pouvoir redonner un sens au temps qui est passé et pouvoir le partager », ajoute Azuelos. 

En plus de cette motivation très personnelle, le choix des acteurs pour les rôles principaux avait aussi une grande importance pour Azuelos. Thaïs Alessandrin joue son propre rôle dans le film et Sandrine Kiberlain joue sa mère, le rôle d’Azuelos. « Elle a le même humour que moi et il me fallait quelqu’un qui peut improviser, qui a de l’humour », dit la réalisatrice. Et Azuelos n’a pas fait son choix au hasard, car elle ajoute ensuite : « En plus, elle a vécu ça avec sa fille, donc elle était très proche des sentiments du film et j’ai trouvé ça super intéressant de travailler avec elle. » Après avoir organisé une première rencontre entre Thaïs et Sandrine pour s’assurer que les deux futures actrices s’entendraient bien, le tournage a été lancé et s’est déroulé dans une ambiance amicale et agréable. « Mes tournages se passent toujours bien, j’essaie de faire en sorte que les gens se sentent comme chez eux et ça crée une ambiance sympa dans laquelle on travaille mieux […] et pour moi, c’est surtout l’occasion de matérialiser un scénario, ce n’est pas le moment d’aller chercher des choses, elles arrivent naturellement », explique Azuelos.

C’est comme si je voulais pouvoir redonner un sens au temps qui est passé et pouvoir le partager

La création de ce film plein de vie et de bonne humeur aura apporté beaucoup à son audience, mais avant tout à la réalisatrice elle-même. Les spectateurs, adolescents comme parents, peuvent s’y retrouver et se replonger dans leurs propres souvenirs. Ce voyage nostalgique, mais aussi heureux, les fait ressortir de la salle touchés et avec l’envie d’en discuter. « Sous ses airs de comédie, Mon bébé est un film profond et il a nécessité beaucoup d’énergie pour moi », confie Azuelos. Et pour elle, en plus d’un voyage dans ses souvenirs, le film lui a permis de mieux vivre le départ de sa fille : « Je commence à être prête à passer à autre chose ; c’est ma manière artistique de m’en sortir. C’est quand même une séparation qui est importante et le fait de le mettre en images et de le romancer m’a aidé à faire la transition. » Malgré le côté comique, Mon bébé est donc un film  qui fera rire certains comme il en poussera d’autres à appeler leurs parents dès qu’ils rentreront chez eux.


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