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Le nom de nos équipes ne devrait pas nous faire rougir

Iyad Kaghad | Le Délit

« En vue de positionner McGill comme un chef de file de l’après-CVR (Commission de vérité et réconciliation du Canada, ndlr) tout en tenant compte des points de vue partagés au sein de la communauté mcgilloise, le Groupe de travail invite notre université à lancer un processus de consultation à l’intérieur de l’université, mais aussi auprès des organismes et des communautés externes concernés, afin de renommer les équipes universitaires masculines de McGill ». 

En ces termes, le Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtones demandaient l’année dernière à l’administration de changer le nom Redmen. Ce nom est une référence directe à l’appellation péjorative « Peaux-Rouges », selon le rapport du Groupe. 

Le bureau aux Affaires autochtones de l’AÉUM (une branche des Affaires externes de la fédération étudiante) organise, le 31 octobre prochain, une manifestation devant le pavillon de l’administration James, et ce, alors que la campagne pour le changement de nom a suscité une forte attention médiatique, y compris au niveau national. Dans un communiqué le vice-principal exécutif, le Pr. Christopher Manfredi reconnaissait pour la première fois « la frustration et l’impatience » de la communauté mcgilloise, promettant un vaste processus de consultation et ce, alors que l’université a promis de revoir ses initiatives de commémoration et de changement de nom avant son 200e anniversaire. Tout en reconnaissant la frustration de la communauté, la décision du vice-principal exécutif ne l’allège pas, en nous promettant un nouveau processus de consultation, sans nous garantir qu’une décision sera prise à sa suite. 

Dans notre éditorial du 25 septembre, nous soulignions l’importance de briser le monopole de la subjectivité, en condamnant l’habitude des personnes non autochtones à prêter aux Autochtones des désirs, des souffrances et des revendications sans consultation préalable. La même critique pourrait avoir aujourd’hui une certaine légitimité, au regard des différentes réactions suscitées par l’appel au changement de nom des équipes sportives masculines de l’université.

Nous espérons que les voix seront pesées à l’aune de leurs histoires. La mise en place de plateformes de débats solides, accessibles à grande échelle est urgente. En effet, sans discussion préalable entre les différents partis, et notamment sans diffusion claire des souffrances causées par l’association des équipes sportives de l’université à des symboles et des stéréotypes violents liés aux communautés autochtones, le résultat des consultations ne pourra être satisfaisant. Il ne sera que le fait de sentiments  isolés, notamment ceux émanant du fort attachement des athlètes et des amateurs·rices de sport à l’université, qui n’auront pas pu être remis en question en profondeur. Il faut que ceux et celles qui répètent que le nom Redmen n’est qu’une référence aux couleurs de l’université entendent la force performative du langage : quelle que soit l’intention à la source de la création de ce nom, ce dernier renforce les violences symboliques perpétuées à l’égard des communautés autochtones. 

Si Pr. Christopher Manfredi souligne l’importance du « sentiment d’appartenance envers le nom Redmen », nous pensons que l’histoire d’oppression des peuples autochtones au Canada et le devoir d’exemplarité de McGill à leur égard doit être pris en plus grande considération. Il est probable que le sentiment d’appartenance de la communauté soit davantage lié aux équipes et à leurs performances sportives qu’au nom inscrit sur le jersey des joueurs. Il nous semble que les valeurs prônées dans les hautes sphères du sport mcgillois, comme le respect, le courage et l’esprit d’équipe correspondent au combat mené avec détermination depuis plusieurs semaines pour le changement de nom.


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