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Les Jabac à bout de souffle

Surchargé et superficiel, Place Publique nous laisse sceptique

Avec Place Publique, le duo Jaoui-Bacri est de retour pour une cinquième collaboration. Réalisée par Agnès Jaoui, cette comédie dramatique met en scène la pendaison de crémaillère de Nathalie (Léa Drucker), productrice de télévision, dans sa villa à la campagne, « à trente-cinq minutes de Paris ». 

Où est la subtilité ? 

Parmi les invités, on retrouve Castro (Jean-Pierre Bacri), un animateur cynique et râleur dont la popularité chute, son ex-femme (Agnès Jaoui) une militante « gauchiste » qui passe sa soirée à faire signer des pétitions, mais aussi leur fille, des paysans en colère, une star de YouTube… Jaoui présente un éventail de la société : des jeunes, des vieux, des bobos forcément parisiens, des paysans, mais les personnages ne s’éloignent jamais du stéréotype car ils sont trop nombreux pour pouvoir tous être intelligemment développés. 

Jaoui s’évertue à traiter de nombreux thèmes « actuels », à savoir la vacuité de la célébrité, la dépendance à l’image et au paraître à l’ère des réseaux sociaux, le populisme, la peur de vieillir, oppose les altruistes et les égoïstes, mais ne propose rien de neuf. Le contraste entre le monde « réel » et celui d’Internet est trop caricatural pour être pris au sérieux, tout comme les différences entre le citadin vaniteux et le campagnard. Systématiquement, le traitement du sujet tombe dans les travers de la facilité, ne s’éloigne pas du cliché et ne parvient pas à toucher le spectateur. Dans son approche de la société, le film manque indéniablement de nerf et, plus dommage encore, de réelle humanité. Pas besoin de se déplacer au cinéma pour apprendre que le mépris c’est pas bien, et que la jalousie c’est mal. 

Peut mieux faire

Le film n’est pas à fuir mais la déception semble inévitable sachant que le duo nous avait habitué à davantage de qualité. Le film aurait pu être corrosif et juste à l’évocation du sentiment de vieillesse et du caractère cruel du temps qui passe et n’épargne personne, mais il reste mou, paresseux, et peu sincère. On regrette que les jeunes personnages, le chauffeur (Kevin Azaïs), la fille des protagonistes (Nina Meurisse), et Biggistar, la star d’Internet (MisterV), soient négligés, eux qui pourraient être porteurs d’espoir, une réponse au cynisme et au défaitisme de leurs anciens. 

Même si le film est teinté d’une légère maladresse, il est toutefois élégamment mis en scène, on apprécie le choix des différents plans, la beauté du décor et on sauve un petit moment de grâce lorsque Bacri imite Alain Bashung et Yves Montand. 

Ceux qui l’année dernière ont vu Le Sens de la fête, la savoureuse comédie de Nakache et Tolédano, ne pourront malheureusement pas s’empêcher de comparer les deux films, d’autant plus que Bacri y tient un rôle similaire mais plus brillamment écrit et incarné. 

Si, comme le dit Bacri, « vieillir c’est atteindre une forme de sérénité », vieillir n’est pas le gage de meilleurs films. On quitte la salle avec une furieuse envie de revoir « Le Goût des autres », leur remarquable comédie sortie en 2000. 


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