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Sauvons les médias communautaires et indépendants

Mahaut Engérant | Le Délit

Les médias nous font vibrer de leurs chants distincts ; qu’il s’agisse de géants commerciaux, de radio communautaire ou encore de presse étudiante, la pluralité des médias fait résonner une douce mélodie. Certes, toutes ces voix ne bénéficient pas de la même longueur, mais leurs notes sont toutes complémentaires et apportent une richesse unique à la scène médiatique. Cependant, cette harmonie — pour poursuivre dans le champ lexical de la musique — perd en richesse lorsque l’une d’entre elles vient à disparaître, à s’évanouir dans le silence. Justement, il semblerait qu’un chant de plus en plus monotone se soit fait entendre ces dernières années. En effet, selon le Local News Research Project, 234 journaux, radios et presse digitale auraient disparu depuis 2008.

En ce sens, le cas de CIBL, radio communautaire montréalaise ayant vu le jour en 1980, est particulièrement pertinent. Souffrant d’une situation financière difficile depuis de longues années, l’administration de la station a mis à pied la totalité de ses employés le 5 janvier dernier. Le Conseil d’administration de la radio justifia à ceux-ci qu’il était financièrement impossible pour la radio de continuer à opérer. Cette même administration se targue d’espérer pouvoir offrir des solutions qui permettrait de relancer CIBL, tout en assurant sa viabilité sur le long terme.

Faisant preuve d’une audacieuse initiative et d’une grande force de mobilisation, les employés ont affirmé leur volonté de se battre pour la survie de la radio. Dans une lettre ouverte publiée le 8 janvier,  ils y réitèrent l’importance d’un média tel que le leur : « La parole alternative qu’elle [CIBL] propage est un rempart essentiel dans une société où la polarisation s’enracine et où l’information locale de qualité s’émiette ». En effet, dans un entretien avec Le Délit (p. 16), Julien Poirier-Malo, porte-parole du mouvement de mobilisation, soulignait l’importance d’une pluralité des voix médiatiques, qui assure un équilibre entre acteurs commerciaux, communautaires et publiques.

Dans cet esprit des choses, nous ne pouvons nous permettre d’oublier l’importance de ces médias indépendants et communautaires ; des médias tels que CIBL, ou encore nos journaux et radios étudiant·e·s, ces mêmes organes qui sont les poumons de notre scène médiatique, font carburer notre démocratie. Ils offrent une plateforme aux voix marginalisées et leur approche critique des enjeux incarnent les clefs de voûte de nos communautés. Qu’il soit question de CKUT, la radio mcgilloise, ou du Link, le journal étudiant de Concordia, tous ont pour mandat d’élever des voix et des idées qui sont souvent absentes de la presse généraliste. Cette semaine, avec son dossier spécial sur la liberté d’expression (p. 8–10), Le Délit vous propose une mise en contexte, certes particulière, mais tout de même engageante face à cette problématique. La pluralité des voix, la liberté d’expression : ces problématiques soulèvent des questions qui, étrangement ou non, ressurgissent périodiquement dans notre société. Loin de renoncer face à cette éternelle récurrence, il est de notre devoir à tous de demeurer droits et dignes. En effet, à une époque où la presse est assiégée par de nouvelles contraintes, la liberté d’expression dont jouit les médias indépendants est un atout indéniable et restitue cette participation communautaire si vitale à l’expression libre et continue.

Pour l’heure, ayant nous-même vu notre survie mise en danger lors d’un référendum d’existence le semestre dernier, nous tenons à réitérer plus que jamais l’importance de sauver ces voix indépendantes et nous soutenons sans conditions la mobilisation des employé·e·s de CIBL. Nous saluons leurs efforts. Chacun·e·s d’entre nous a un rôle à jouer dans l’évolution de la scène médiatique contemporaine. Ainsi, il ne serait guère avisé de sombrer dans l’indolence d’une société qui pleure la perte de ses médias locaux sans pour autant agir dans le but de les sauver. Plutôt, il nous incombe de rappeler au public « qu’il est possible de devenir membre de CIBL, de s’impliquer comme bénévole, de participer au rayonnement de la station sur les réseaux sociaux et de soutenir les éventuelles opérations de financement qui seront déployées ». 

Que résonnent haut et fort ces voix libres et multiples ! 


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