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Fausses nouvelles, vrai problème

Abigail Drach

Comme chaque année, en collaboration avec le Centre d’enseignement du français, le Délit publie des textes d’étudiants en cours d’apprentissage du français. Cette année, ces étudiants ont choisi de s’exprimer sur le phénomène des fausses nouvelles. 

 

« Le chef de Daesh exhorte les musulmans américains ‘soutenir Hillary Clinton ! ». Pendant la dernière élection présidentielle des États-Unis, un article avec ce titre choc s’était répandu parmi le public américain. Avec près de 522 000 vues sur les réseaux sociaux, on doit certainement croire qu’il dit la vérité, non ? Étonnamment, ce n’est pas le cas : cet article compte parmi les milliers qui propagent des « fausses nouvelles ». Il est vrai que ce phénomène mensonger n’est pas nouveau. Cependant, avec la montée des réseaux sociaux, il est devenu de plus en plus courant. Il est maintenant difficile de déterminer si ce qu’on lit est vrai, ou s’il a l’intention de duper le lecteur. Les fausses nouvelles posent pourtant une menace majeure à la société contemporaine.

Semer les graines de la division sociale 

Ces mensonges qui se présentent comme de vraies nouvelles agrandissent les clivages dans notre société. Les fausses nouvelles permettent aux gens de croire à une réalité qui confirme leurs opinions, augmentant la polarisation de la population sur les enjeux politiques et sociaux. Un article à propos des viols commis par des Arabes à Francfort – une assertion qui n’avait aucune graine de vérité – a, par exemple, attisé la haine envers les immigrants en Allemagne. Nous pouvons désormais consommer des articles complètement en harmonie avec nos perspectives politiques ; par exemple, un sondage réalisé par Pew Research en 2014 a déterminé que 47% des conservateurs qui trouvent des actualités politiques sur Facebook voient surtout des informations qui confirment leurs partis pris. En conséquence, des personnes crédules se nourrissent intellectuellement avec des informations qui leur plaisent, même si ce sont des mensonges. Ce problème contribue à la xénophobie.

« Les mensonges polarisent la société et endommagent notre démocratie, tandis que leurs instigateurs en profitent »

Miner le processus démocratique 

Bien que les fausses nouvelles soient difficiles à quantifier en raison de leur nature abstraite, on sait qu’elles ont un impact explosif sur la politique. L’élection américaine de 2016 est un exemple typique. Les articles faux étaient partout, comme un article (partagé 6 millions de fois) qui prétendait qu’on avait découvert des milliers de votes frauduleux pour Clinton. Des « trolls » russes ont également répandu des informations favorables à Trump sur Internet. Un de ces trolls a admis dans une entrevue que son rôle était « de faire changer l’avis des personnes simples d’esprit ». Donald Trump a également publié une variété de mensonges, affirmant que le père de son opposant Ted Cruz avait joué un rôle dans l’assassinat de JFK. Dans un tel climat de « post-vérité », il est impossible pour le public de voter de façon informée. 

Les profits s’accumulent

Pour comprendre pourquoi les fausses nouvelles sont si répandues, on doit se pencher sur les raisons économiques qui incitent les gens à les écrire. Grâce aux publicités, on peut gagner des milliers de dollars en écrivant des absurdités. Paul Horner, un producteur de fausses nouvelles sur Facebook, s’est vanté qu’il « gagne 10 000$ par mois de Adsense », tandis que Cameron Harris a gagné 22 000$ durant l’élection américaine. Google et Facebook, qui étaient des grandes sources de revenus pour ces auteurs, ont pris des mesures pour minimiser l’argent qu’ils donnent aux « journalistes » de désinformation. Ce n’est cependant pas assez pour résoudre le problème.

La vérité n’est pas facile 

Comment pouvons-nous naviguer en cette ère de fausses nouvelles ? Les mensonges qui nous entourent polarisent la société et endommagent notre démocratie, tandis que leurs instigateurs en profitent ; on ne peut donc pas les ignorer. Bien qu’il n’y ait aucune solution facile (car la censure violerait les pratiques démocratiques), on peut combiner des stratégies. En mettant de la pression sur les compagnies technologiques, on peut les encourager à ne pas financer les producteurs des fausses nouvelles. Néanmoins, une grande responsabilité repose sur nos épaules : nous devons vérifier ce que l’on lit, et contester les mensonges que l’on rencontre. La situation nécessite aussi une mesure plus fondamentale : nous devons promouvoir le contact interculturel afin d’abaisser les partis pris qui divisent notre société. La protection de la vérité sera difficile, mais un monde sans vérité serait pire. 


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