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Canada, entre chance et exception

McGill explore l’idée d’un « exceptionnalisme Canadien ».

Hannah Raffin | Le Délit

L’image du « gentil Canada », accueillant, multiculturel, et libéral, ne se fait pas rare, surtout ces jours-ci. Entre le Brexit de Theresa May, la montée de Marine Le Pen, ainsi que l’isolationnisme populiste de Donald Trump, il est vrai que le Canada semble être une exception à la règle. Une espèce de pays de bisounours aux saveurs de poutine et sirop d’érable.

Cependant cette image est-elle réalité ? C’est ce que la conférence « L’exceptionnalisme canadien : sommes-nous bons ou sommes-nous chanceux ?» tentait d’explorer. Organisée cette semaine passée par l’Institut d’études canadiennes de McGill, cette conférence de deux jours se posait la question de savoir si le Canada est en effet unique, et si, dans ce cas, il s’agit d’une question d’Histoire, de géographie, de circonstances, ou bien de nos institutions, nos politiques, ou de notre « caractère ». Une conversation qui résonne alors que,  les récents événements à Québec ont secoué cette idée d’une exception canadienne.

Le Canada se distingue

La conférence a accueilli une grande variété d’intervenants, entre académiques, journalistes, et politiciens tels que Michelle Rempel (membre du parlement et du Parti conservateur), Kathleen Weil (Ministre de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec), ou encore Bob Rae, (Premier ministre de l’Ontario entre 1990 et 1995). Malgré cette diversité, la majorité gravitait vers un consensus : nous, Canadiens, sommes chanceux. 

D’une part, nous avons la chance de la géographie : entre le froid canadien, et les milliers de kilomètres qui séparent Alep, Dakar, ou bien l’Amérique centrale de nos frontières, le Canada ressent largement moins de pressions migratoires que l’Europe ou les États-Unis. D’autre part, de nombreux panélistes accordent cet « exceptionnalisme canadien » au succès du modèle fédéral d’immigration et d’intégration, qui a très bien fonctionné jusqu’à présent. 

En effet, ce dernier est basé sur un système de citoyenneté permanente, ainsi qu’un très haut niveau d’intégration des immigrants. Le Canada a un des plus hauts pourcentages de naturalisation dans le monde, deux fois plus élevé qu’aux États-Unis, et 20% de plus qu’en France. 

De même, grâce à un système de citoyenneté ouvert et inclusif, les immigrants sont très vite intégrés à la fois dans la communauté canadienne et dans son système politique. Par exemple, en 2015, 92% des immigrants arrivés au Canada dans les 10 dernières années témoignaient d’un fort sentiment d’appartenance au Canada, comparable aux 91% chez les Canadiens·nes.

Les Canadiens seraient également plus ouverts à l’immigration que les Européens et les Américains, voyant ledit phénomène comme étant positif pour l’économie et contribuant au partage d’idées et de cultures.

Un bilan mitigé

Le bilan n’est cependant pas que positif. Toujours à l’image de la diversité d’opinion et de point de vue de cette conférence, certains intervenants tels que Michelle Rempel et Debra Thompson ont été beaucoup plus critiques envers cette notion « d’exceptionnalisme canadien ». 

Selon Thompson, le Canada est « non-exceptionnel de façon inquiétante » lorsqu’il s’agit de racisme et d’exclusion sociale. Elle dénonce le traitement choquant des peuples autochtones par le gouvernement canadien, jusque-là très peu évoqué lors de la conférence. De même, pour Rempel, parler du fait que nous sommes « exceptionnels » serait se reposer sur nos lauriers, alors qu’il nous reste beaucoup de choses à faire. Elle critique cette image du « gentil » Canada ouvert aux réfugiés, et dénonce la manière dont le gouvernement sélectionne les réfugiés les plus « convenables », à l’image du Programme d’immigration des investisseurs qui prioritise les plus fortunés, discontinué au fédéral en 2014 mais encore en place au Québec.  Elle fait également remarquer l’hypocrisie des partis politiques canadiens, qui, lors de l’élection de 2015 ont utilisé la crise des réfugiés syriens à des fins politiques plutôt que de traiter le sujet avec compassion, humanité, et logique. 

Daniel Weinstock, professeur de droit à McGill, remet les choses en perspective : être meilleur que les Marine Le Pen et les Trump de la planète est-ce vraiment être exceptionnel ? S’il reste sûrement du travail à faire, une chose est certaine :  le Canada est engagé sur la bonne voie. 

Concluons  avec les mots de Ratna Omdivar, sénatrice de l’Ontario : « Je suis une immigrante canadienne ; l’optimisme est ancrée dans mon ADN ».


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