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Un Soir, rien qu’avec elle

Vendredi 21 octobre vers 22 heures avec La Femme.

La Femme

Dehors devant la salle,  La Femme se fait entendre sous la pluie. Son nom est soit prononcé avec un accent terriblement anglais, ou encore hurlé par de jeunes demoiselles dont l’excitation pourrait seulement se mesurer par la beauté de leurs souliers. Aspirés par le magnétisme du Sphynx, nous montons les marches du Théâtre Fairmount qui sera, le temps d’un soir, le temple de l’étalage du décalage. Brut, quasiment impérial, ce lieu fréquentable par seul un Hopper se serait transformé ici en décadence. Après déjà nous avoir conquis avec leur album Psycho-Tropical Berlin, La Femme fait de nouveau ses preuves avec un nouveau,  Mystère.

La pluie ne nous empêchera pas de transpirer. Mais derrière cette femme, six individus se dessinent incandescents dans l’obscurité. Ce qui était « cool » pendant les répétitions révèle finalement un aura sous les projecteurs. 

Introduction de l’émulsion. Il ne suffira que de quelques instants pour que le soleil soit au zénith. Les sueurs se mélangent, les corps s’enlacent et se délacent au rythme de Où va le monde. On retrouve l’insouciance qu’on croyait avoir oubliée, comme une ode juvénile qui nous fait frissonner. La sois-disante exclusivité de l’intimité semble à gommer ici aussi, tant il ne reste que le sourire partagé par une foule. L’euphorie générale prend le visage d’une marée humaine quand les premières notes de Sur la planche résonnent.

Résonnance de la renaissance. Naissance de l’unisexe avec Si un jour où les femmes abandonnent leur Moulinex. Hommes, et femmes ne pensent plus qu’à se déhancher, se déchaîner, complices, au point que les corps de nos artistes se dévoilent. La sensualité apparaît, on n’arrache pourtant pas les pétales ; on caresse du bout des doigts la pénombre rouge bercée par Tueur de fleurs. Puis la tempête se calme, nous laissant le temps de déchiffrer quelques mots sur le torse de Marlon, le chanteur blond qui se décrivait tout à l’heure comme mi-renard, mi-furet : « Fuck Zubrowka » (on n’est pas fan non plus rassure-toi, ndlr).

Retour à l’état animal. Sacha, le guitariste, perd sa discrétion et se révèle pleinement lors d’une danse endiablée nous invitant dans sa jungle citadine avec SSD – on irait bien s’exiler avec toi petit léopard. Prétendant que la fin approche, Mycose fait son apparition dans toute son absurdité. Nous menacent-ils vraiment de couper le son ? C’est absurde de nous prendre pour des idiots, on n’a pas envie que ça s’arrête. Nobles, ils nous donnent peu mais suggèrent beaucoup. On se sentirait presque privilégié de croiser un de leurs regards dignement sucrés. Les derniers instants d’hystérie emportent la salle alors que certains de nous imposent leurs présences lourdes mais volatiles sur scène : désir de voler la vedette aux petits prodiges et prêt à tout pour surplomber la foule. Mais qu’importe, cette légèreté aérienne, on l’avait pas croquée depuis longtemps. On a joué au chat et à la souris. Ils s’échappent, on les rappelle, absence, absence, ils ne reviennent pas et, étonnement, ils pointent enfin le bout de leur nez. La béatitude inonde jusqu’à en surprendre le buvard. Le majestueux psychédélisme résonne. Apparemment, il ne nous reste qu’à prendre le bus. La pluie ne nous aura pas empêcher de transpirer. 


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