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Apple et l’obsolescence programmée

Le côté ultracapitaliste de « l’innovation ».

Webmestre, Le Délit | Le Délit

L’entreprise californienne Apple a toujours été un exemple d’innovation dans le domaine de la technologie portable. En effet, si l’introduction de l’iPod au début des années 2000 a aidé à populariser le concept du lecteur mp3, l’iPhone, arrivé en 2007, a propulsé le téléphone intelligent (smartphone, ndlr). Grâce à ses nombreuses innovations, Apple est devenu un leader dans l’entrepreneuriat. Selon Forbes, la compagnie vaut 586 milliards de dollars, faisant d’elle la 8e plus grande au monde, et elle se place en première position en termes de profit. Cependant, avec l’ascension de nouveaux compétiteurs tels que Google, Samsung et Motorola, Apple se doit d’innover constamment. Cependant, d’après plusieurs experts économiques, c’est plutôt l’obsolescence programmée qui permet à l’entreprise de générer une grande partie de ses profits. 

Rendez-vous annuel

Comme à chaque année, le 7 septembre dernier, Apple présentait sa nouvelle gamme de produits l’iPhone 7 et l’iPhone 7 Plus devant ses investisseurs. C’est Tim Cook, PDG (Président Directeur Général, ndlr) de la compagnie depuis le décès du légendaire Steve Jobs, qui a encore une fois cette année eu la tâche de présenter la vision du futur d’Apple. Le mot clé pour justifier les changements apportés cette année : courage.

i-iphone7

Courage : le spectre de Steve Jobs ?

Généralement, en plus d’avoir des composants internes plus performantes que le modèle précédent (caméra, processeur, mémoire, etc.), chaque nouvel iPhone est plus léger et plus mince. Cependant, cette année, le changement le plus controversé est le retrait de la prise audio conventionnelle 3.5mm (aussi appelée « jack »). L’iPhone 7 et son compagnon, l’iPhone 7 Plus, n’ont en effet plus ce port qui permettait d’y introduire des écouteurs ou un fil auxiliaire pour écouter de la musique. Apple prévoit de lancer des petites oreillettes sans-fil Bluetooth, au coût de 219.99 dollars canadiens, pour remplacer les écouteurs conventionnels. Cependant, pour ceux qui refusent de faire le virage vers le sans-fil, un adaptateur sera fourni pour pouvoir utiliser des vieux écouteurs dans la prise Thunderbolt, qui est aussi celle où l’on introduit le fil d’alimentation du téléphone. Ce changement a donc généré son lot de critique, en raison de l’impossibilité de charger son appareil tout en écoutant de la musique. Surtout, le manque de praticité des petites oreillettes a été noté.

En guise de justification, Phil Schiller, v.-p. marketing d’Apple, a affirmé que la compagnie avait fait preuve de « courage ». Steve Jobs, celui qui aura amené iTunes, l’App Store, l’iPod, l’iPhone et bien plus encore, perdait son combat contre le cancer en 2011. Même s’il est parti depuis près de cinq ans, une citation de Jobs semble prédire le retrait de la prise audio. En 2010, Jobs a disait à propos des consommateurs : « Ils nous paient pour faire des choix […] pour que l’on tente d’élaborer les meilleurs produits. Si on réussit, ils achètent, et si on échoue, ils n’achètent pas.» (traduit de l’anglais, ndlr). Certes, on ne peut réellement savoir ce que Jobs pense du retrait de la prise jack, mais il semblerait qu’Apple soit encore fidèle à la vison de son fondateur et ancien PDG. 

Il semblerait pourtant  qu’Apple joue un tout autre jeu.

Obsolescence programmée et dépenses inutiles

Depuis la sortie de l’iPhone originel en 2007, l’entreprise a présenté un nouveau modèle de son téléphone chaque année. Les plus fidèles à la marque n’hésitent jamais à changer de modèle annuellement, et ce même si celui de l’année précédente est toujours très performant. Cet attachement à une marque, et le besoin de toujours avoir le plus récent appareil, permet à la compagnie de générer des profits en comptant sur une base cliente solide. Ainsi, d’année en année, les compagnies sortent de plus en plus fréquemment des produits d’une durée de vie toujours plus courte : c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée.

Jonathan Sterne, professeur de communications à McGill, a expliqué ce concept dans un texte publié dans le Globe and Mail le 8 septembre dernier. Selon Sterne, une entreprise modifie légèrement un de ses produits, et met sur le marché un modèle qui diffère assez du précédent pour créer un sentiment de nouveauté. C’est ici le cas des écouteurs du nouvel iPhone. Ainsi, les entreprises qui travaillent actuellement sur le nouveau produit, qui n’est toujours pas disponible sur le marché, pensent déjà à la fin de son cycle de vie. 

En as-tu vraiment besoin ?

L’obsolescence programmée est étroitement reliée à la responsabilité du consommateur. Le chroniqueur économique québécois Pierre-Yves McSween a sorti, le 7 septembre dernier (même journée que l’événement d’Apple : coïncidence?), un livre intitulé En as-tu vraiment besoin ? Avec cet ouvrage, il espère sensibiliser les Québécois pour qu’ils arrêtent de se définir par ce qu’ils possèdent, et établir un modèle de citoyen responsable financièrement. Il s’agit là du meilleur antidote contre les pratiques ultracapitalistes des entreprises.

Malgré la panoplie d’innovations dont elle su faire preuve au cours des dernières années, Apple reste, comme toutes ses compétitrices, une entreprise qui cherche d’abord et avant tout à générer des profits. L’iPhone 7 présente certes de nouvelles fonctions, mais est-il vraiment pertinent pour quelqu’un possédant déjà un iPhone 6 de débourser plus de mille dollars pour se procurer un appareil quasiment similaire ? Apple a beau prétendre faire preuve de courage, il n’est reste pas moins que, dans les faits, les consommateurs délaissent leur appareil qui est encore performant pour un autre. Certains sont assez aisés financièrement pour pouvoir se le permettre, mais pour monsieur et madame tout le monde, ce n’est probablement pas le cas. Il serait donc pertinent pour nous de nous poser la question : en avons-nous vraiment besoin ? 


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