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Le féminisme à la rescousse

Inégalités face au changement climatique.

Esther Perrin Tabarly

Les enjeux du changement climatique sont bien connus depuis des années. En 1896, Svante Arrhenius, chimiste suédois, prévoyait déjà les effets potentiellement dévastateurs des émissions de CO2 dans l’atmosphère et théorisait l’effet de serre. La menace globale a provoqué une réponse internationale, qui, depuis plusieurs décennies, peine à atténuer le phénomène. Pourtant les conséquences sont bien réelles – augmentation du niveau de la mer, catastrophes naturelles en hausse, augmentation de la température globale de la Terre, écosystèmes affaiblis  – et ont un coût humain élevé. 

Les inégalités face aux effets du dérèglement climatique

Bien que la responsabilité du changement climatique soit historiquement attribuable aux pays « développés » – industrialisés et grands émetteurs de gaz à effet de serre – les répercussions frappent majoritairement les pays dits « en développement ». Sécheresse, fonte des glaces, inondations, glissements de terrain et dégradation environnementale sont des phénomènes plus récurrents dans les pays « du Sud », les zones côtières et les communautés circumpolaires. Dans ces régions où les moyens de subsistance reposent avant tout sur les ressources naturelles, les populations sont particulièrement vulnérables à ces cataclysmes. Ce sont leurs droits humains les plus fondamentaux qui sont menacés : sécurité alimentaire, accès à l’eau, santé, logement, etc. 

De plus, dans des sociétés où les femmes sont responsables de 60 à 80% de la production agricole et représentent 70% des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour, elles sont les plus affectées par ces évènements. Il devient compliqué pour elles d’assurer la sécurité alimentaire et la santé de leurs familles. Elles se confrontent également à des barrières sociales, politiques, économiques et culturelles pour trouver des mécanismes d’adaptation. En effet, souvent privées de droits ruraux (dans les lois qui régissent l’exploitation agricole, ndlr) et exclues des prises de décision collective par exemple, elles se voient offrir des alternatives très restreintes. 

Ce cercle vicieux de pauvreté que provoquent les effets du changement climatique est loin de concerner exclusivement les pays « du Sud » et les femmes. Au sein même des pays industrialisés, les populations déjà minoritaires et/ou racialisées se retrouvent davantage marginalisées et vulnérables face aux impacts du dérèglement climatique. C’est le cas par exemple des populations autochtones au Canada, dont le mode de vie est fortement fragilisé. En réalité, le changement climatique exacerbe les inégalités sociales déjà existantes. 

Esther Perrin Tabarly

Quelle(s) solution(s)?

Des solutions pour pallier simultanément les inégalités et les conséquences climatiques ont été établies au niveau international, notamment par l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui a intégré la dimension du « genre » dans ses mesures. Le but est de mettre les femmes au centre des initiatives, de mettre en avant leur expertise et savoir-faire, et de garantir leur accès à l’information et aux ressources financières et matérielles. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires. Les voix alternatives au discours techno-scientifique dominant des gouvernements restent en marge des prises de décision. Bien que des associations de peuples autochtones et de femmes seront présentes à la COP21, qui se tiendra entre le 30 novembre et le 11 décembre à Paris, elles ne seront que de simples « observatrices » de l’événement, limitant ainsi leur réel pouvoir d’influence sur les négociations. 

Face à la lenteur de l’action internationale, les actions individuelles et locales semblent à ce jour les plus efficaces. La société civile regorge d’associations qui s’efforcent de pallier les effets du changement climatique. Néanmoins, la problématique de la justice sociale qui accompagne les changements climatiques est parfois souvent méconnue et sous-estimée, tant par les groupes environnementaux que par les groupes de femmes et de minorités. La destruction de la nature et l’oppression des femmes et minorités sont pourtant intrinsèquement liées selon les théories « éco-féministes ». L’éco-féminisme critique le système capitaliste qui renforce les inégalités sociales et ignore les services rendus par les écosystèmes dont il dépend. Il est donc primordial aujourd’hui que les actions écologistes et féministes s’allient stratégiquement, dans le but de construire des sociétés égalitaires et écologiques, respectueuses de tous. 


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