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Trudeau et le Bloc

Espaces Politiques.

Luce Engérant
David Leroux

Le résultat de la dernière élection fédérale aura été, d’un point de vue canadien, une surprise absolue. D’un point de vue québécois, prenant en considération l’importance que revêt la question nationale depuis les années 1960 dans l’univers politique de la province mouton-noir de la fédération, la lune de miel prend une toute autre saveur. Moins de 48 heures après que le Canada ait porté Trudeau-fils au pouvoir, François Legault et Philippe Couillard chantaient déjà l’agonie du projet souverainiste. Il est vrai que le pari de miser tant de ressources et d’énergies sur le Bloc Québécois, un parti devenu soudainement mineur suite à la « vague orange » de 2011, était pour le moins courageux. Serait-il possible de le faire renaître de ses cendres ? 

Avec deux députés sortants, les beaux jours des défenseurs des intérêts et de la spécificité québécoise aux Communes semblaient révolus. Gilles Duceppe revenu en sauveur travaillant main dans la main avec un Pierre Karl Péladeau qui avait déclaré, un an auparavant, mettre en doute l’utilité du Bloc Québécois, promettaient, le feu dans la voix, le début d’un nouveau cycle indépendantiste.

Axe gauche-droite

Seul problème : les électeurs québécois étaient polarisés autour de l’axe gauche-droite, non pas autour de la place de la nation dans (ou hors de) la fédération. Reprenant les arguments traditionnels des détracteurs du Bloc Québécois, c’est-à-dire l’inutilité de voter pour un parti condamné à l’opposition, la gauche sociale-démocrate s’est détournée sans plus de questions du Bloc au profit de n’importe quel parti en mesure de ne pas redonner le pouvoir aux Conservateurs. Les élucubrations les plus originales furent faites sur la base des innombrables sondages électoraux. Les appuis furent donnés tous azimuts au NPD, puis aux Libéraux ; le Bloc devenant l’ennemi qui divise le vote.

L’adoption par le Bloc d’une position sans équivoque en faveur du vote à visage découvert provoquée par le débat sur le niqab orchestré par les stratèges conservateurs a suffit à donner à la gauche « stratégique » une arme supplémentaire pour attaquer l’ennemi diviseur de vote : le nationalisme québécois serait injecté de xénophobes et reposerait sur une intolérance latente. 

Montée électorale

Pourtant, la députation bloquiste, au lendemain du scrutin, a quintuplé, passant de deux à dix députés — pas assez toutefois pour que l’organisation bloquiste soit reconnue comme parti officiel sur la Colline Parlementaire. Duceppe, un parlementaire d’expérience et d’une qualité reconnue bien au-delà des frontières du Québec, a de nouveau été défait dans sa circonscription. Le pourcentage d’appui au parti a, lui aussi, baissé depuis 2011. Malgré le fait que le Bloc Québécois ait servi de plateforme pour qu’une coalition souverainiste (PQ-ON-QS) travaille pour la première fois ensemble, que de nouvelles stratégies de communication aient été testées et enfin que la députation ait quintuplé, il semble difficile de se réjouir des résultats. L’aventure aura-t-elle causé plus de tort que de bien au na tionalisme québécois ? L’avenir le dira.

Indépendentisme, de retour ?

La question nationale et la souveraineté étaient certes loin d’être au premier plan, il n’empêche que l’image et les résultats mitigés obtenus par les porteurs de cette option apporteront beaucoup d’eau au moulin de ses opposants naturels d’ici l’élection provinciale de 2018. Seul espoir pour les indépendantistes : avec un gouvernement libéral de centre-gauche à Ottawa, la polarisation de l’électorat sur l’axe gauche-droite tendra probablement à diminuer . Cela pourrait ouvrir une fenêtre favorable à la réconciliation des nationalistes de gauche, de centre et de droite sous une même enseigne, et revenir à une dualité politique centrée autour de la question de l’indépendance.


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