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Combat de coqs

Le débat sur l’économie a enflammé les trois candidats majeurs aux élections fédérales.

Frédérique Lefort | Le Délit

Le 17 Septembre dernier, le conservateur Stephen Harper, le libéral Justin Trudeau, et Thomas Mulcair du NPD (Nouveau Parti Démocratique du Canada) sont montés sur le ring à l’occasion du débat sur l’économie organisé par le Globe and Mail à Calgary. Le débat était centré sur six sujets : l’emploi, l’énergie et l’environnement, l’immigration, le logement et les impôts. Mais c’est bien évidemment la question énergétique joué une place particulière dans le débat. L’abondance en ressources naturelles au Canada et son impact très important sur l’économie et l’environnement en font un des sujets pilier des prochaines élections fédérales. En effet, les ressources naturelles du pays ont contribué à 20% du PIB (produit intérieur brut) du pays en 2014. Le secteur de l’énergie est aussi le secteur ayant le plus d’impact sur l’environnement. De  plus ce sont ces ressources qui attirent les capitaux étrangers : 37% des investissements directs étrangers sont dirigés vers les ressources naturelles canadiennes. Le présentateur du débat et rédacteur en chef du Globe and Mail, David Walmsley, a annoncé le ton et l’importance du débat en déclarant qu’« il y a peu de doute que ces élections soient à propos d’autre chose que de l’économie ».

Énergie, environnement et langue de bois. 

« Quel est le coût de votre programme de plafonnement et d’échange des émissions de gaz polluants ?» La question adressée à M. Mulcair n’a pas obtenu de réponse claire.  Alors qu’on lui a demandé à deux reprises de spécifier un chiffre, M. Mulcair a consciencieusement évité d’en préciser,  en se contentant de vanter les mérites de sa proposition. Cette dernière, un système d’échange qui existe déjà en Europe et en Californie, consiste simplement en l’établissement d’un plafond aux émissions de gaz polluants qu’une compagnie peut émettre. Si la compagnie veut émettre plus, elle doit acheter son surplus d’émissions à une compagnie qui produit moins d’émission que le taux maximum autorisé. M. Trudeau a vivement critiqué l’établissement d’un système national alors que plusieurs provinces ont déjà  un programme de réduction de leurs émissions. M. Mulcair a rappelé à M. Harper que c’est bien lui qui a retiré le Canada du protocole de Kyoto en 2012, et qui n’a ainsi motivé qu’une intervention plus que marginale sur le sujet. 

Si les trois candidats ont déclaré victoire après le débat, il est surtout apparut clairement que le débat sur l’économie canadienne tourne autour de deux compromis : austérité contre dépense publique, et environnement contre ressources naturelles. Alors que le débat était originellement sur l’économie, il a souvent dérapé sur « trois gars qui se crient dessus », comme l’a décrit Elizabeth May, candidate du Parti Vert. Si cela a du ravir les téléspectateurs qui cherchaient un programme divertissant, le reste de l’audience qui attendait des programmes concrets, chiffrés et contextualisés a été bien déçu par la pauvreté des arguments du débat. Dans l’idéal, chacun des candidats aurait pu être moins prompt à vouloir rabaisser ses opposants, pour se concentrer sur une meilleure explication de leurs propositions pour relancer l’économie du pays. Les électeurs qui souhaitent réellement s’informer sur les programmes de chaque candidat peuvent plutôt se tourner vers leurs sites internet respectifs plutôt que vers ce débat télévisé qui s’est bien trop souvent apparenté à un combat de coqs. Il reste aux candidats d’arriver à une solution constructive et cohérente pour réduire la corrélation entre la santé et l’économie canadienne et les ressources naturelles.


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