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Babylone sur Saint-Dominique

Andréane Leclerc offre un aperçu de l’enfer avec La Putain de Babylone.

Marc André Goulet / Théâtre de la Chapelle

La première représentation mondiale de la pièce La Putain de Babylone ouvrait  mardi 8 septembre le festival de création radicale urbaine Grand Cru. Organisé par le théâtre  La Chapelle, il propose sept pièces différentes jusqu’au 3 octobre, décrites comme étant « un pied de nez à la conformité et une invitation à plonger dans un univers décadent ».

La Putain de Babylone : le titre en lui-même laisse présager une pièce qui a pour but de déranger, d’aller contre la norme et les préceptes de bonne conduite. Sur ce point, le spectateur n’est pas déçu. La pièce, qui se veut une réinterprétation de la Genèse et du Livre de la révélation, a pour objectif d’amener le spectateur à questionner ses croyances : tout ce que la société a pu bâtir à partir de l’inconscient collectif dérivé de la Bible et de la religion chrétienne. Ce faisant, elle cherche aussi à ce que le plaisir soit enfin accepté comme partie intégrante de l’humanité.

La trame narrative de la pièce est simple : la Putain de Babylone (qui est, dans la Bible, la mère des prostituées et des abominations, ainsi que la source des immoralités terrestres) est créée et maintenue en vie par Dieu afin qu’elle satisfasse ses besoins. Dieu crée alors l’Enfer pour y placer sa « putain » et, ainsi, l’Enfer devient son Paradis. 

La pièce s’illustre surtout par sa mise en scène. En effet, Andréane Leclerc, metteuse en scène de la pièce et fondatrice de Nadères arts vivants, a souhaité incorporer, non pas le cirque à proprement parler, mais comme elle le dit, « la technique corporelle circassienne » dans cette représentation théâtrale. Tout au long de la pièce, les actrices jouant les « putains » peuplant l’enfer régi par « la Putain de Babylone » se contorsionnent et se disloquent, ce qui participe à créer une atmosphère hors-norme, dans laquelle même le corps humain ne ressemble plus à l’idée que nous en avons.

La mise en scène se résume presque à cette interprétation corporelle des rôles. Les actrices n’ont pas de texte. Une voix seule intervient en chantant pour fournir certaines informations nécessaires à la compréhension des évènements. À certains moments la voix laisse place à une musique composée par le chanteur des Tiger Lillies.  Le décor est sobre, sombre et fait  très justement penser à une maison close.

Bien que la mise en scène soit intéressante, on regrette de ne pas être plus amplement guidé dans la compréhension de l’œuvre théâtrale. Une des actrices, qui joue un rôle différent en marge de celui des « putains », reste impossible à identifier. Peut être représente-t-elle Dieu, ou plus simplement, la norme morale, on ne le saura jamais. De plus, le jeu et les objets utilisés restent très symboliques et obscurs, ce rend assez difficile la compréhension de ce qui se passe dans la pièce. On assiste à des tableaux sans forcément en comprendre le sens, l’oeuvre restant parfois trop hermétique pour les non-initiés. Bien que cela soit frustrant on peut toutefois se laisser porter par l’esthétique de la pièce et par la qualité des comédiennes-contorsionnistes.


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