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KINK, éloge de la sexualité consentie

Bondage et cire chaude sur la scène de l’Espace Libre. 

Marie-Noël Pilon

Je n’ai jamais été aussi heureuse d’aller aux toilettes avant une représentation théâtrale. C’est ce que je me suis dit en arrivant à l’Espace Libre jeudi dernier, pour la première de KINK. La performance commence dans la salle de bain du théâtre, où se maquille une magnifique femme aux traits masculins, qui porte du vernis à ongles, des talons hauts, et un accoutrement qui déjà, intriguent plusieurs des curieux et curieuses qui s’aventurent au petit coin. Avant même le début de la pièce, le spectateur comprend qu’il entre dans un univers bien particulier.

Consentement et performance

 

« Lorsqu’on achète un billet de théâtre, on accepte un peu de donner son accord à ce qu’il puisse se passer n’importe quoi, ou presque ». C’est autour de cette réflexion que Pascale St-Onge et Frédéric Sasseville-Painchaud ont eu envie de pousser plus loin les limites de la performance théâtrale. Tous deux adeptes de BDSM (bondage, domination, sadisme et masochisme), c’est à travers un discours franc sur la pratique sexuelle, à la fois poétique et sensuel, qu’ils se livrent à nous, en nous demandant de les suivre, ou pas.

Mêlant l’histoire du Petit Chaperon Rouge, où se pourchassent la gamine et le loup, leurs expériences personnelles et leurs débuts dans la pratique, les deux comédien·ne·s invitent le public à prendre part à la performance. Comme un leitmotiv, une phrase revient sans cesse : « Veux-tu jouer avec moi ? » Elle est adressée à un spectateur averti, qui peut dire oui, qui peut dire non, ou qui peut demander des explications. Le BDSM, c’est un peu ça aussi : des règles de jeu entendues, claires, un consentement répété, et un « safe word », un mot au cas où ça dégénère, que l’on n’espère ne pas avoir à prononcer. Puisqu’après tout, cela doit rester un jeu.

 

BDSM en poésie

 

Un spectateur verse de la cire chaude sur le dos de Frédéric. Les clefs des menottes de Pascale sont confiées à une femme assise à la première rangée. Ne vous en faites pas, il n’y a ni perversité, ni violence. On assiste à une scène de caresse au couteau, plus sensuelle qu’inquiétante. Il y a même une scène de bondage, empreinte de tendresse. Décidément, le BDSM tel qu’il est représenté à l’Espace Libre est loin de la pratique sexuelle barbare souvent mis en avant dans la culture populaire.

Entre des scènes sensuelles, les comédien·ne·s se livrent à nous dans des témoignages personnels qui démystifient tranquillement les nombreux tabous entourant ces pratiques. Pascale St-Onge nous confie avoir trouvé dans cet univers une éducation sexuelle qui lui avait manquée. Pour elle, le BDSM est avant tout un don de soi, une ouverture vers son propre désir et celui de l’autre. Ce que les deux créateur·rice·s souhaitent apporter à leur public, bien plus que l’envie d’adhérer à ces pratiques sexuelles, c’est de devenir sensible à ce qui est au cœur de l’univers kinky : le consentement.

Plus d’un an après le mouvement #MeToo, quoi de mieux qu’un éloge à la sexualité consentante pour se réapproprier son corps et démystifier les tabous ?


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