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PKP n’a pas tort

Au fil de la campagne

Jérémie Casavant-Dubois

« On n’a pas 25 ans. Avec la démographie et l’immigration, c’est certain qu’on perd un comté par année. Il faut travailler dès maintenant pour convaincre. » Avec cette déclaration lors d’un débat des candidats mercredi 18 mars dernier à l’Université Laval, Pierre-Karl Péladeau a lancé une bombe sur la scène politique provinciale. La raison est bien simple ; PKP n’a pas tort. Le problème de tout ce débat est la récupération politique qui s’en est suivie.

PKP n’a pas tort. Si la souveraineté doit avoir lieu, le prochain référendum ne peut pas être dans 25 ans. Le dernier référendum a eu lieu en 1995, il y a maintenant 20 ans. Les appuis à la souveraineté baissent dans toutes les tranches d’âge et le projet qui était jadis porté par la jeunesse n’intéresse plus celle-ci. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas vécu le rapatriement de la Constitution au début des années 80, l’échec de l’accord du Lac Meech ou les deux référendums de 1980 et 1995. Nous avons grandi dans une ère technologique dans laquelle les frontières disparaissent, le concept d’État-nation perd en importance, les libertés individuelles sont plus populaires que jamais. Simplement, les jeunes de la nouvelle génération sont des citoyens du monde, pas seulement du Québec. Situation semblable pour les immigrants qui choisissent le Canada comme terre d’accueil en raison de sa prospérité et de sa stabilité politique, cela leur permet d’améliorer leurs conditions de vie et de laisser derrière eux les problèmes auxquels ils ont dû faire face. 

Il est tout à fait normal pour eux de ne pas vouloir se relancer dans une discussion  déchirante comme la question de l’indépendance.  Selon un sondage Léger Marketing effectué en 2013, l’option souverainiste est en perte de vitesse depuis plusieurs années et l’important afflux d’immigrants n’aide pas la cause car ceux-ci n’adhèrent généralement pas au mouvement nationaliste d’indépendance. Ce que PKP a dit revient à dire que pour réussir à faire du Québec un pays, il faut commencer à convaincre dès maintenant les nouveaux arrivants des bienfaits de la souveraineté car à ce rythme, dans 25 ans, il sera trop tard. 

Fortes réactions

Après la déclaration de M. Péladeau, tous les politiciens avaient leur mot à dire ; François Legault a accusé le PQ de vouloir exclure les immigrants, Philippe Couillard a parlé de « nationalisme ethnique » et Gaétan Barrette est même allé de comparaisons entre le PQ et le Front National français. C’est de la récupération politique et cela est déplorable. Les autres partis récupèrent sa déclaration et tentent de vendre PKP comme un fervent défenseur d’un nationalisme ethnique et le PQ comme un parti xénophobe en faisant des liens avec la Charte des valeurs. Les chiffres montrent que PKP a raison, les immigrants sont majoritairement en désaccord avec l’idée de souveraineté.  Ce qu’il explique aussi est que pour convaincre ceux-ci d’adhérer à la souveraineté, il faudrait plus de pouvoir en matière d’immigration. Les immigrants viennent au Canada et non au Québec, et leur première terre d’accueil n’étant donc pas le Québec, pas question de s’en séparer. Les autres candidats à la chefferie se sont tout de suite distancés des propos du patron de Québecor, disant plutôt « vouloir prôner un PQ ouvert à la diversité », en voulant intégrer les immigrants au projet de souveraineté. La déclaration était directe et peut-être choquante mais elle n’était pas pour autant fausse. 

Le mauvais moment ? 

PKP avait donc raison dans sa déclaration, mais était-il sage de la faire ? Aucunement. Avec cette seule déclaration, le candidat vient de compromettre sa victoire au premier tour de la course à la chefferie. Lors du premier débat, M. Péladeau a su rester au-dessus des attaques de ses adversaires en plus de se présenter comme le seul candidat potentiel digne du poste de premier ministre du Québec. Il s’en était tenu aux lignes qu’il avait préparées, sans s’éloigner de son plan de match. Il s’agit d’une stratégie parfaite pour obtenir les 50%+1 nécessaires dès le premier tour. Mercredi dernier, il en a échappé une, et cela risque de lui coûter cher… Le parallèle peut être fait avec la malheureuse déclaration de Jacques Parizeau en 1995 qui avait rejeté la défaite du Oui sur le vote ethnique et l’argent. Comme M. Parizeau, cette déclaration pourrait suivre M. Péladeau longtemps et revenir le hanter durant la course.


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