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Coup de foudre à Montréal

Le réalisateur québécois Maxime Giroux revient avec l’histoire d’un amour impossible.

Julie Landreville

Après Demain et Jo pour Jonathan, Maxime Giroux réalise avec Félix et Meira son troisième long métrage. Prix du meilleur film canadien au Festival International du Film de Toronto et Louve d’or du meilleur long-métrage de la compétition internationale du Festival du nouveau cinéma, Félix et Meira arrive en grandes pompes sur les écrans québécois dès le 30 janvier prochain. Véritable film intimiste au cœur du Mile End montréalais, il est particulièrement bien servi par le jeu parfait des acteurs.

Maxime Giroux, qui avait déclaré vouloir avec le cinéma « témoigner à sa façon de son époque, de sa société » afin de faire de ses films des archives sur le monde qui l’entoure (Voir, 17 mars 2011), décide de révéler l’histoire d’amour entre une juive hassidique et un Québécois athée dans un quartier où les deux communautés vivent côte à côte sans se côtoyer ni se connaitre. Parfois sujet de quelques documentaires (par exemple, Shekinah de Julie Caron, 2013), plus rarement sujet de films de fiction, cette branche du judaïsme est souvent mal connue. Pour tous ceux moins familiers avec les us et coutumes des juifs hassidiques, ce film est l’occasion de découvrir quelques aspects de cette communauté fermée dans laquelle le réalisateur a réussi à pénétrer. On y apprend l’existence de règles extrêmement strictes qui interdisent par exemple aux femmes de regarder les hommes dans les yeux, de porter des jeans ou de montrer leurs cheveux. 

Meira (Hadas Yaron), juive hassidique mariée et mère d’une petite fille, détonne au milieu de ce mode de vie quadrillé dans lequel son mari aimerait tant la voir confinée. Celle à qui on interdit de dessiner et d’écouter de la musique se demande « comment c’est d’être comme les autres ». Félix (Martin Dubreuil), lui, est un électron libre qui rejette les responsabilités familiales et financières, sans valeurs religieuses et déboussolé par la mort de son père. Le brio de Giroux tient en ce qu’il ne tombe pas dans une logique de jugement ou de préférence d’un mode de vie par rapport à l’autre. Sa caméra, neutre, alterne entre le quotidien de l’un et de l’autre. Quand les deux personnages sont ensemble, la pudeur de la caméra perdure afin de respecter l’essence de chacun. Giroux présente simplement deux mondes différents : l’un soumis à des règles strictes, l’autre plus libre. Pourtant, à travers cette histoire d’amour, on se rend compte que chacun des personnages parvient grâce à l’autre à comprendre quelque chose d’essentiel : Félix fait enfin le deuil de son père et Meira réalise que vivre enfermée au sein de cette communauté et de ses carcans la tue à petit feu. Mais quitter son mari et être avec un autre homme signifie être bannie pour toujours de sa communauté juive. Ballotée entre ses désirs et ses peurs, Meira doit faire un choix. Le jeu entre ombre et lumière parcourt le film, symbole de l’opposition entre ces deux mondes mais aussi des combats intérieurs des personnages.

Giroux sait arrêter le temps avec quelques longues séquences, des temps-morts qui fascinent. Habité par les silences, le film ne commence ni ne finit jamais vraiment. Malgré la frustration de ne pas avoir de conclusion euphorique, il y a là une force de la part du réalisateur, celle de préférer aux fins heureuses les complexités et les doutes qui parcourent réellement toutes les relations amoureuses en dehors des écrans. Au fil de ce film, ce sont deux quotidiens qui se rencontrent, et seulement ça. Sans a priori, avec beaucoup de pudeur et d’esthétisme. Aérien, intense et beau, sublimé par la chanson de Wendy Rene After Laughter Comes Tears, Félix et Meira vous cloue à votre siège jusqu’à la toute fin du générique. 


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