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La femme d’abord, l’athlète ensuite ?

De l’identité des athlètes féminines véhiculée par les médias.

Luce Engérant

L’article premier de la Charte internationale de l’éducation physique et du sport de l’UNESCO stipule que « la pratique de l’éducation physique et du sport est un droit fondamental pour tous ». En théorie, l’accès au sport est universel, et il est aujourd’hui clair que les femmes ont trouvé leur place dans le monde du sport. Cependant, de nombreuses traditions associent encore la femme à la douceur, à l’obéissance et au rôle de mère de famille ; et l’homme à la force, à la compétition et à la dominance : des valeurs auxquelles on associe généralement le sport. Ces idées reçues persistent dans les images véhiculées par les médias.

Le poids des stéréotypes

Dès leur plus jeune âge, les jeunes filles sont éduquées à être distinguées. On attend d’elles délicatesse, raffinement et douceur, en les dissuadant de grogner, de transpirer, ou d’être agressive par exemple. Lorsqu’une femme semble dépasser ces attentes, c’est son orientation sexuelle, ses valeurs ou son genre qui sont remis en question ; comme l’a prouvé, en 2009, l’exemple de Caster Semenya, coureuse olympique qui fut au centre des médias pendant plusieurs semaines et dont la sexualité avait été remise en cause du fait de son apparence et du ton masculin de sa voix.

Certaines expressions langagières reflètent aussi cette idée reçue que la femme n’est pas apte à faire du sport au même titre que l’homme. Tout d’abord, la formulation de « sexe faible » en opposition au « sexe fort » pour désigner les femmes parle d’elle-même. La campagne à l’égard de la stigmatisation des femmes « Comme une fille », de la marque Always, a rencontré l’année dernière un grand succès sur les réseaux sociaux. « Courir comme une fille », « lancer comme une fille », comme le montre ce projet, est hautement connoté comme étant une prestation ridicule ; ce qui n’a absolument pas raison d’être. Tous ces stéréotypes font paraître la femme comme non compétitive, faible et sensible.

Sois belle et on écrira sur toi

L’un des problèmes les plus saillants est celui de l’image de ces femmes véhiculée par les média : un phénomène qu’on pourrait nommer « la femme d’abord, l’athlète ensuite ». Cette vision de la femme athlète offre une image qui insiste sur l’importance de l’apparence de celle-ci, au détriment de ses capacités physiques.

Il a été estimé par une étude menée au centre de Recherche Féminine de l’Université de Caroline du Sud que le sport masculin recevait (sur les chaines affiliées à NBC, CBS et ABC) 96% du temps d’antenne. Ce biais est particulièrement marqué lorsqu’il s’agit de disciplines traditionnellement « masculines », comme la lutte, les courses de voitures, et même pour des sports aussi médiatisés que le football ou le rugby.

De ce fait, les femmes athlètes reçoivent ainsi une pression extérieure extraordinaire afin d’avoir accès à une couverture médiatique qui leur permet en partie de financer leurs entraînements. Or, cette pression médiatique les incite à se présenter d’une certaine manière pour plaire à une audience majoritairement masculine. Kevin Adler, chef de recrutement à l’agence de marketing du centre sportif de Chicago explique que « pour des athlètes masculins, c’est tout d’abord à propos de leur performance. Et pour les femmes, c’est clairement autant à propos de leur apparence qu’à propos de leur performance ». En effet, trois des cinq athlètes féminines les mieux payées en 2011 (Maria Sharapova, Danica Patrick et Venus Williams) ont admis avoir été sexualisées par les médias, et ont affirmé que ce choix était nécessaire pour accéder à une exposition médiatique. Conforme aux normes de la société, cette omniprésence de la sexualisation féminine dans notre environnement ne fait que renforcer les stéréotypes liés au genre.

Les conséquences de la médiatisation limitée ainsi que la présence des stéréotypes dans notre société sont trop importantes. Il semblerait ainsi que les médias poussent les femmes à effectuer un choix : le sport ou la féminité. La perception des femmes par les médias doit changer pour permettre un tournant dans la vision du sport et de l’identité des femmes.


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